Dope – Avis +

Présentation de l’éditeur

Joséphine devrait être morte. D’une overdose. D’une balle tirée par un flic. D’une rencontre sordide. Pourtant elle s’en est sortie. Après des années de galère, elle essaie aujourd’hui tant bien que mal de refaire sa vie.

Aussi saute-t-elle sur l’occasion lorsqu’un couple fortuné de Long Island lui propose de retrouver leur fille Nadine, jeune étudiante disparue après avoir sombré dans la drogue. La police a cessé les recherches, les détectives ont échoué. Joséphine, dont l’itinéraire est semblable à celui de leur fille, est leur dernier espoir.

Voici donc Joséphine de retour sur les lieux de sa déchéance, dans les bas-fonds de Manhattan, parmi les junkies, les dealers, les prostituées et les bars de nuit, un monde qu’elle croyait avoir définitivement laissé derrière elle. Plus encore que ses anciennes fréquentations, c’est son propre passé qu’elle devra affronter pour retrouver Nadine. Et elle n’est pas au bout de ses surprises.

Avis de Francesca

Pour son premier roman, Sara Gran frappe fort, très fort dans le milieu du polar. Ce livre est paru chez les éditions Sonatine, toujours à la pointe des ouvrages exigeants et sombres qui révèlent la face cachée des Etats-Unis. Cette fois-ci, c’est une lente descente aux enfers que le lecteur vit aux côtés de Joséphine, dit Joey, une héroïne pas comme les autres et pourtant si attachante. Joey est une femme d’une trentaine d’années mais qui en a vu bien plus dans sa vie que des personnes du même âge, ce qui l’a prématurément vieilli tant physiquement que psychologiquement. Ancienne toxicomane, elle a décroché de la drogue depuis quelques années, mais vit toujours dans le même milieu fait de voleurs, prostituées, drogués et escrocs en tous genres. Elle-même ne survit que grâce à des arnaques montées notamment avec son ami Jim.

Tout le long du livre, le lecteur effectue une plongée saisissante dans les quartiers les plus louches et les plus sombres de Manhattan, dans ces endroits où pas un touriste ne s’engage, et encore moins un habitant de New York. Joey connait toute la route de la drogue, les endroits les plus mal famés, les personnes faisant prospérer une économie parallèle. Et elle emmène avec elle le lecteur qui est tout à la fois horrifié et fasciné par ce qu’il lit. Bien évidemment, à peu près tout le monde connait les histoires et les différents faits divers qui émaillent souvent les journaux, remplis de trafics qui tournent mal ou de règlements de comptes qui dégénèrent. Mais savoir et une chose et le vivre en est une autre. Et ici, l’auteur a un réel talent pour faire réellement sentir toute la dangerosité et la saleté de ces lieux et personnages peu recommandables. De bar mal fréquenté en parc rempli de junkies, c’est une véritable visite guidée à laquelle le lecteur a droit avec la description des habitudes de vie et de fonctionnement de tous ces marginaux.

Au milieu de tout ce mal et de cette réalité abjecte, Joey représente presque une figure d’innocence et de fraicheur dans cette atmosphère malsaine et étouffante. Bien sur, elle n’est pas blanche comme neige, loin de là, mais elle a une vraie volonté de s’en sortir et de faire le bien en menant son enquête. Au fil du récit, le lecteur en découvre un peu plus sur son passé, ses pensées et la justification de ses actes. La narration à la première personne permet une plus grande proximité avec cette femme fragile et paumée qui fait tout pour garder la tête haute. Sa relation avec sa jeune sœur Shelley qui évolue dans un milieu bien supérieur et qui a honte d’elle est représentative de toute la sympathie que l’on peut éprouver pour cette héroïne. Et cette gentillesse va lui être fatale lorsqu’elle comprendra qu’elle s’est retrouvée prise au piège d’un engrenage qui la dépasse. Commence alors un suspense haletant fait de traque et de paranoïa. Joey n’est que la marionnette d’une manipulation de la part de quelqu’un qu’elle n’attendait pas sur ce terrain-là et en paiera le prix. La lente évolution de l’intrigue est impitoyable et inéluctable, rendant le texte encore plus dur, ce qui est le but recherché par l’auteur.

L’épilogue, tout aussi noir et brutal que l’ensemble du texte, rend le dénouement encore plus particulièrement violent aux yeux du lecteur qui ne peut pas se sortir indemne de ce récit. Dérangeant et implacable, cet ouvrage, par sa singularité, est un petit bijou incontournable qui mérite d’être découvert.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 213
Editeur : Sonatine
Sortie : 17 avril 2008
Prix : 15 €