Il y a longtemps que je t’aime – Avis +

Résumé

Pendant 15 années, Juliette n’a eu aucun lien avec sa famille qui l’avait rejetée. Alors que la vie les a violemment séparées, elle retrouve sa jeune soeur, Léa, qui l’accueille chez elle, auprès de son mari Luc, du père de celui-ci et de leurs fillettes.

Avis de Marnie

Premier film de l’écrivain Philippe Claudel (prix Renaudot pour les âmes grises), scénariste également de la série Maupassant pour France Télévision, Il y a longtemps que je t’aime lui tenait à cœur, lui qui a été pendant onze ans professeur dans les prisons. Il tente donc avec ce récit, avec succès de parler de ce qu’il aime, la littérature, Nancy, le cinéma, le monde carcéral, en insérant une tragédie. Qu’est-ce que les mots face au drame personnel ? La fiction peut-elle nous sauver quand notre vie bascule dans la souffrance intérieure ? Est-ce un refuge ou un apaisement ? Au lieu de longues conversations, révélations et idées philosophiques, ce sont ici les non-dits, les malentendus, les regards perdus qui nous décrivent l’évolution et la progression des relations entre les personnages.

C’est un très beau rôle que Philippe Claudel a offert à Kristin Scott Thomas, peut-être même le plus impressionnant que cette excellente actrice ait interprété. Murée dans sa prison intérieure, figée par son propre drame, sa culpabilité et les quinze années passées hors de la société, la voici soudain plongée dans une réalité qui l’agresse. Face à elle, Elsa Zylberstein se présente en fragile jeune femme à qui tout semble réussir aussi bien personnellement que professionnellement mais qui passe du rire aux larmes avec une alarmante instabilité, les fêlures apparaissant bien vite lorsque lui sont évoqués trop de souvenirs oubliés, son attitude étant liée à la profonde culpabilité qu’elle ressent d’avoir été absente, de ne pas avoir compris la détresse de sa sœur.

Par petites touches, Juliette va trouver sa place. D’abord simple spectatrice de la vie des autres, indifférente et peu concernée par ce que le monde pense de sa personne ou de son attitude, elle va peu à peu se réinsérer dans une vie qui l’a oubliée. C’est cette reconstruction, ce renouveau qui nous passionne et qui est le point central et la qualité principale du film. C’est sa lente remontée vers la surface qui est symbolisée au propre comme au figuré par les séances en piscine avec sa sœur, ou chacune profite soudain de ce moment intime pour tenter de se rapprocher ou de s’expliquer avec l’autre.

Les personnages secondaires ne servent pas seulement le texte et les deux actrices principales, mais ont eux-mêmes des scènes ou ils dévoilent différentes facettes de leur personnalité et approfondissent le propos du film ; ainsi, le toujours excellent Serge Hazanavicius aussi sympathique qu’il peut se montrer intolérant et même mesquin, ou la craquante, pétulante et très naturelle petite fille vietnamienne jouée par l’adorable Lise Segur. S’ajoutent l’ami de la famille, Laurent Grévill, d’abord d’un naturel extraverti et spirituel et qui dévoile peu à peu une personnalité plus riche et sombre, le grand-père muet mais qui observe tout avec acuité mais sans juger, Jean-Claude Arnaud. Cependant, c’est le personnage du policier atypique, interprété avec un naturel confondant par Frédéric Pierrot, qui provoque l’empathie et le sourire chez le spectateur grâce à ses côtés attachant et désarmant.

Le spectateur ne pourra qu’être sensible à l’émotion à fleur de peau qui se dégage de l’histoire, peut-être un peu trop pathos, peut-être un peu trop facile dans la scène finale, mais certainement infiniment touchante, ce qui est en fait très rare dans le cinéma français actuel. D’accord, nous avons besoin d’un paquet de mouchoirs, mais nous sortons de la séance avec une vision nettement plus optimiste de la vie que lorsque nous y sommes entrés. Cela fait un bien fou !

Fiche Technique

Date de sortie : 19 mars 2008

Avec Kristin Scott Thomas, Elsa Zylberstein, Serge Hazanavicius, etc.

Genre : drame

Durée : 115 minutes

Année de production : 2007