La Pluie du siècle – Avis +/-

Aucun de ses papiers ne devait avoir de signification particulière pour les habitants de cette Terre. Ils n’y voyaient probablement qu’une collection bizarroïde, surtout de la part d’une jeune touriste américaine, mais il n’y avait rien de révélateur, pas un seul document susceptible de trahir son origine extraterrestre.

Wendell Floyd, détective privé américain installé à Paris, est morose. En cette année 1959 les miliciens chargés de contrer le trafic de cigarette deviennent de plus en plus hargneux. La menace nazie a disparu en même temps que l’échec de l’offensive allemande dans les Ardennes en mai 1940, mais c’est en France que le fascisme s’installe progressivement.

Pendant ce temps en l’an 2266 (mais si !), l’archéologue Verity Aujer poursuit ses investigations sur le Paris post-apocalyptique. Depuis le nanocauste qui a ravagé la planète au milieu du XXIe siècle, la race humaine a survécu dans des stations spatiales et des planètes colonisées. Toutes les créatures vivantes de la planète mère ont été éradiquées par les « Furies » : des nanomachines hors contrôles. Dès lors, les rescapés descendants des Terriens se sont séparés en deux camps : les Slashers maîtrisent toujours la nanotechnologie alors que les Threshers s’y refusent.

Verity est alors « invitée » par les autorités threshers à explorer un OVA (Objet volumineux anormal). Il s’agit d’un artefact élaboré par une civilisation extraterrestre inconnue. Au sein de l’OVA a été reconstituée une copie de la planète Terre. Ses habitants ignorent qu’ils vivent sur une reproduction. Les mouvements du Soleil, des étoiles et de la Lune sont représentés artificiellement et contribuent à l’illusion.

Parallèlement à Terre 1 où se déroule l’année 2266, la chronologie a atteint 1959 sur Terre 2. Mais cette année 1959 connaît un retard technologique sur celle de T1. En effet l’arrêt rapide du conflit en mai 1940 a ralentit les progrès scientifiques et techniques. Sans la nécessité de casser les codes des machines Enigma, la cryptographie n’a pas été considérée comme une discipline vitale et les progrès en informatique en ont souffert.

De même, sans bombe atomique à envoyer sur l’adversaire potentiel, il n’était pas nécessaire de développer autant avions et fusées. L’aéronautique et l’astronautique accusent donc un retard par rapport à l’année 1959 de T1, quant à la conquête spatiale n’en parlons pas.

A première vue l’auteur du cycle des Inhibiteurs, adepte de la hard science, nous a offert un polar uchronique assez intéressant. Les idée de bases, à savoir histoire parallèle et conflit nanotechnologique, présentent un important potentiel narratif. Reste à savoir comment Reynolds allait l’exploiter. L’uchronie présente l’avantage de présenter des personnages historiques sous un autre aspect. Or ici ce n’est pas le cas. Les seuls protagonistes sont des créations de l’auteur.
Remarquons qu’il donne une large place aux dialogues plutôt qu’à l’introspection ou à la description. Cela permet de situer le contexte tout en apportant des renseignements sur la personnalité et l’état des esprits des héros.

Seulement voilà, certaines discussions en situation critique ne sont guère crédibles. J’admets ne m’être jamais retrouvé dans l’obscurité d’un tunnel du métro, pourchassé par des tueurs transgéniques, avec une jambe à moitié arrachée et alors que plane une menace d’apocalypse impliquant l’extermination de 3 milliards de personnes. Cependant je suis certain d’une chose : au lieu de papoter mes préoccupations les plus immédiates consisteraient à donner l’alerte et à localiser la trousse de premier secours !

Le réalisme ne semble pas être la préoccupation première de Reynolds. Son héros Wendell Floyd, contemporain d’un vingtième siècle attardé, s’adapte sans problème aux techniques futuristes. Ainsi il peut sans difficulté piloter un vaisseau spatial du XXIIIe siècle. N’a t-il pas une lointaine expérience de pilote de barge sur le Mississipi ? (ça peut aider). De plus, en bon privé qui se respecte Floyd, sait comment comment faire parler un quidam récalcitrant. Dans un zoo il suffit de le menacer de le jeter dans l’enclos d’animaux sauvages. Des ours ? Non, des pingouins.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 588
Traduction : Dominique Haas
Editeur : Presses de la Cité
Sortie : février 2008
Prix : 23 euros
Titre original : Century Rain