L’enfant sans mémoire – Avis +

Présentation de l’éditeur

Il a suffi d’un jour pour que la vie du petit Charlie bascule.
A onze ans, il a vu s’effondrer son paradis d’enfant : les jeux dans la montagne, les virées avec son père adoré, les histoires à dormir debout du vieux Lacy… tout cela est bien fini. Et rien ne sera plus jamais pareil… désormais ses amis l’évitent, sa mère se réveille la nuit en criant, des gens en uniforme passent sans cesse devant sa maison et les habitants du village racontent de drôles de choses sur sa famille.

Mais il a beau chercher, il ne comprend pas pourquoi ; il a beau fouiller dans sa mémoire, il ne se souvient de rien… sauf qu’un événement terrible a eu lieu. Un tragique épisode qui a coûté la vie à son père, le laissant seul, avec sa peur, dans un univers devenu menaçant… Et l’obligeant bientôt à suivre à l’autre bout du pays sa mère fugitive, en compagnie du redoutable Hollis Thrasher, véritable croquemitaine sur qui courent les rumeurs les plus effrayantes…

Remonter le fil du passé et percer les secrets de sa mère : telle devient l’obsession de Charlie au cours de cette incompréhensible cavale. Avec l’espoir de retrouver sa mémoire perdue et d’entendre à nouveau la petite musique de la vie.

Avis de Marnie

Écrire à la première personne dans la peau d’un enfant de onze ans, dans un langage soigné d’adulte, mais avec le ressenti d’un gamin insouciant, pour qui le monde des grands reste incompréhensible, peut tomber facilement dans la caricature… Or, ici, la réussite est totale. L’auteur s’est totalement immergé dans la personnalité du petit Charlie, et l’émotion et la sensibilité qui se dégage de cette écriture se confronte à notre propre perception de la réalité comprise par un adulte.

Il s’agit de la première œuvre d’un inconnu… Charles Davis, instructeur retraité de l’armée américaine. J’ignore si son roman est autobiographique mais le fait que son héros se nomme Charlie accentue la profonde impression que ce récit respire le vécu. Par petites touches, l’univers du garçon nous est décrit. Voici une petite bourgade pauvre et complètement perdue du sud des États-Unis, ou il ne se passe jamais rien. La beauté des paysages, les senteurs, la langueur et le plaisir de vivre nous est relaté à la façon d’un Tom Sawyer, qui se fait une aventure d’aller pêcher, camper, jouer avec ses copains… une sorte de petit Nicolas plein de gaité, qui se sait aimé par une maman attentionnée et aussi par un papa gentil, attentif qui l’emmène partout avec lui.

Son seul point noir est l’ermite du village, Hollis Trasher, un type qui semble un peu fou, à propos duquel les rumeurs les plus menaçantes courent, et qui regarde toujours un peu bizarrement Charlie, quand il passe près de lui, individu dont son père a eu plusieurs fois pitié, mais dont sa mère lui a dit de se méfier… seul point noir ? Et bien non, car le petit Charlie nous parle en fait, d’une époque révolue, celle ou quelques semaines seulement auparavant, tout allait bien. Parce que inexplicablement, rien ne va plus. Le village entier, ses copains, ses grands-parents, tout son petit monde le fuit… ou les fuit sa mère et lui. Il ne sait pas pourquoi… il ne comprend pas… ne se souvient de rien !

Il y a eu un drame… un drame d’adultes dont il est lui-aussi la victime. Peu à peu, son univers va irrémédiablement s’écrouler. Mais à ce tragique évènement personnel, s’ajoute l’atmosphère menaçante d’une époque en pleine mutation. Nous sommes en 1967. Lorsque la maman de Charlie va confier son petit garçon à la seule personne envers qui son mari et elle avaient confiance, Lacy, un vieillard de plus de 80 ans… le village va entrer en ébullition. Lacy réside dans le hameau de Town Heights, à la sortie du village… quartier appelé plus communément Nègreville… il n’y a pas de mal à l’appeler ainsi, n’est-ce pas, si on ne le fait pas devant les noirs ? C’est ce que pense Charlie, qui va soudain prendre conscience du racisme, des tensions raciales et de ce qui se cache derrière le visage de ceux qu’il aime.

Traumatisé par ce qu’il a vu, vécu et supporté, Charlie va sentir un ressentiment irrationnel l’envahir à l’encontre de sa mère, qui est la cause de tout cela. C’est ce qu’il pense, ce que ses grands-parents pensent, le village pense… sa mère mais aussi Hollis Trasher dont la présence menaçante le perturbe sans qu’il puisse en comprendre la raison. La montée de la tension, la puissance émotionnelle, l’incapacité de ce petit garçon à se faire comprendre, à qui on n’explique rien et hanté par des cauchemars, nous prennent littéralement à la gorge. Bien évidemment, nous en tant qu’adultes, nous percevons la vérité (même si certains faits nous seront relatés dans le dernier chapitre) mais observer la douleur de cet enfant se débattant avec l’énergie du désespoir, dévasté par les conséquences d’un fait divers horriblement banal, mêlé à la grande histoire en marche, est une expérience assez éprouvante.

L’espoir est pourtant là, à chaque page. Charlie, infiniment attachant et courageux, va enfin ouvrir les yeux sur ses proches, pour mieux se construire et réussir à trouver des ressources au plus profond de lui pour faire face à la réalité de la vie et éprouver de nouveau de l’amour pour ceux qui se sont tous à un moment ou à un autre sacrifiés pour lui. La vraie compréhension, le pardon et la paix viendront avec la maturité…

C’est donc une histoire profondément humaine, vécue de l’intérieur par un petit garçon écorché vif qui nous touche infiniment. Les clichés sur le sud profond des Etats-Unis, se heurtent à la dure réalité d’une époque… le contraste entre les sentiments nostalgiques et la souffrance nous émeuvent. La fluidité et la spontanéité de l’écriture enfantine se confrontent avec la dureté de l’épreuve subie… une vraie réussite d’édition que cette collection Jade dont les choix de parution ne laissent de nous surprendre… et dans le bon sens !

Fiche Technique

Format : broché
Editeur : Harlequin
Collection : Jade
Sortie : 2 février 2008
Prix : 10,95 €