Résumé
Injustement accusé de dopage lors d’un marathon en Argentine, Goyo, ancien champion de natation en eau libre, a tout abandonné pour se réfugier dans le désert. Huis ans plus tard, le Marathon va de nouveau avoir lieu. Il revient pour tenter de reconquérir son honneur. De vieilles émotions refont surface, l’oppressent. Goyo rencontre Chino, un nageur en piscine consciencieux et obstiné qui rêve d’une sélection en équipe nationale. Ils décident de faire équipe.
Avis d’Enora
Second long métrage de Veronica Chen, ce film a été comparé à 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick par l’atmosphère qu’il dégage et les références à l’inconscient auquel il renvoie. Mais Agua possède son univers personnel. Comme son nom l’indique, l’eau est omniprésente, l’eau et toute sa symbolique en tant qu’élément qui isole, altère la relation aux autres et déforme la réalité extérieure.
De fait Chino vit dans son rêve qui est à la fois passion et désir de progression sociale et c’est sa femme, enceinte, qui travaille pour subvenir à leurs besoins immédiats. L’eau c’est aussi l’élément premier dans lequel l’humain baigne avant sa naissance, ce cocon maternel protecteur et nutritif du foetus : Chino étouffe et s’étiole lorsqu’il est séparé de cet élément. L’eau trouble du Rio Coronda symbolise la relation glauque entre Chino et Goyo du moins en apparence car ce film est le genre d’œuvre dont la clef se trouve dans la réflexion à distance. Goyo accusé de dopage, a abandonné la natation et s’est réfugié dans le désert. Autopunition ou symbolisme du désert intérieur de ce personnage à la suite de sa décision d’abandon ? Il trouvera un double en Chino et organisera une mise en scène pour lui faire croire en son rêve. Il se « sacrifiera » pour que le jeune homme ne fasse pas la même erreur que lui. Sacrifice n’est d’ailleurs pas le terme juste, il s’agit plus de passation de témoin un peu comme dans une course de relais, de transmission à un autre dans la continuité de l’humanité. Ce geste sera doublement récompensé puisque Chino s’accrochera à sa passion et en même temps réussira sa paternité que Goyo, lui, avait fuie.
Sur le plan cinématographique, pour faire partager l’isolement du nageur et l’atmosphère si particulière dans laquelle il évolue, Verónica Chen a utilisé des plans subaquatiques mais a aussi travaillé sur le son : le silence, le bruit de l’eau, du cœur, de la respiration mais aussi une voix off qui ressasse «temps… arriver… toucher… temps…». L’absence de musique dans le film renforce encore cet univers sonore.
Lorsque les nageurs sont sur terre, la caméra est presque fixe pour montrer la maladresse de ces hommes qui ne sont plus dans leur élément et qui font penser à L’albatros de Baudelaire d’autant que les mouvements de bras des nageurs renvoient aux battements d’ailes.
Tout concorde donc pour donner à ce film une atmosphère très particulière à la fois poétique et spirituelle et c’est à mon avis une vraie réussite.
Note : le marathon en eau libre de Rio Coronda est un des plus importants et populaires marathons du monde, il relie les villes de Santa Fé, Santo Tomé et Coronda sur un parcours de 63 kilomètres.
Fiche Technique
Avec Rafael Ferro, Nicolas Mateo, Gloria Carra, etc.
Distribution : Tadrart films
Sortie en salle : 07 février 2007
Sortie DVD : 26 novembre 2007
Langues : VO argentine sous-titrée anglais et français
Durée : 89 minutes
Bonus : biographie du réalisateur et des acteurs, BA, galerie photos, extraits du casting…