The boy I love – Avis +

Résumé de l’éditeur

A tangled web of love and betrayal develops when war hero Paul returns from the trenches. He finds himself torn between desire and duty, his lover Adam awaits but so too does Margot, the pregnant fiancée of his dead brother. Set in a time when homosexuality was the love that dare not speak its name, Paul has to decide where his loyalty and his heart lie.

Avis de Marnie

Troublante expérience que ce roman où l’on trouve l’amour sous toutes ses formes, mais où culpabilité est le sentiment qui relie tous les personnages, et le rejet, celui qui les séparera. La réflexion est si vraie, si profonde, et si désespérée que l’on comprend pourquoi Marion Husband a reçu le Andrea Badenoch Award, pour cette œuvre.

Nous sommes dans l’Angleterre post-victorienne de 1919. Même si les femmes commencent à travailler ou fumer, les carcans de la société sont toujours aussi rigides. Une femme non-mariée ne peut accoucher sans qu’on lui jette l’opprobre, et l’homosexualité, considérée comme une perversion, est passible de prison. C’est dans ce contexte que Paul Harris, très beau jeune homme, mais ayant perdu un œil à la guerre, revient chez son père qui l’aime d’un amour profond et protecteur. Par un de ces bizarres hasards de l’existence, Robbie, son frère aîné, qui s’était engagé dans l’armée par goût et envie avant le début des hostilités, a survécu au danger, pour succomber quelques jours après l’armistice dans un accident de la route. Paul, traumatisé et hanté par des souvenirs horribles, a retrouvé l’amant de ses seize ans, Adam, et vit cette relation compliquée dans la clandestinité, n’ayant plus la force de se demander ce qu’il souhaite faire du reste de son existence. C’est là qu’il apprend que, Margot, la fiancée de son frère est enceinte et ne peut, vis-à-vis de la société assumer seule cette grossesse. Il lui propose donc de l’épouser. Pour lui, la solution est simple, cela lui permet de vivre une relation normale avec une femme qui n’exigera pas tout de lui, tout en poursuivant deux ou trois fois par semaine sa liaison avec celui qui est en quelque sorte son meilleur ami, et qui lui a trouvé un travail, celui de professeur, pour lequel il n’éprouve aucune vocation. Il garde donc une sorte d’équilibre, sur le fil du rasoir.

Parallèlement, Patrick Harris, grand, beau et massif, boucher dans les bas quartiers, est lui aussi revenu de la guerre et prend soin de son frère jumeau, Mick, qui a perdu deux jambes dans les tranchées, et vit très mal cette infirmité. Elsie, la jeune vendeuse de la boutique, se sent attirée par son patron qui semble ne même pas la remarquer… et pour cause, Patrick est homosexuel… et fou amoureux d’un homme qu’il observe de loin. C’est ainsi que la situation va peu à peu sombrer dans le chaos. Si, certains semblent pleins de bonnes intentions, ils vont être rattrapés par la réalité…

Il est difficile d’être plus traumatisé que Paul… rongé par une chose affreuse qu’il a faite, pris dans une toile d’araignée ou tous ses choix et actions sont mal interprétés. Le jugement et le regard des autres sont les clés de cette société qui vit d’apparences et de non-dits ; ainsi le père de Margot, le pasteur, qui pense avoir des raisons de mépriser son gendre, ou Adam, qui condamne le mariage de son amant, ou encore Margot, qui n’arrive pas à se rapprocher de son mari qui lui semble lointain, passif et fuyant… Paul mange peu, devient de plus en plus faible, le symbole de sa fausseté se portant sur son visage : son œil de verre que tout le monde regarde, et ce souvent avec horreur.

Il est vrai qu’en 1920, il n’est pas normal d’arborer les stigmates des conséquences de la guerre. Le monde est en reconstruction, les gens souhaitent oublier les conflits et les horreurs subies. C’est ainsi que dès que Mick sort en fauteuil roulant, on le regarde plus avec colère qu’avec pitié… Quand il n’est pas traité de monstre, on détourne les yeux pour ne plus le voir, espérant qu’un être comme lui reste terré chez lui. Quant aux conséquences psychologiques, il n’en est même pas question. Personne ne comprend ces jeunes gens désaxés, sauf d’autres comme eux… Paul a fui tous ses souvenirs qui reviennent chaque nuit sous forme de cauchemars, qu’il ne peut maîtriser. Il trouvera avec l’aide d’un autre homme, la force de faire face à ce qu’il a vécu, ce qu’il a supporté, et ce qu’il a causé.

Mais si dans les tranchées, les hommes, qu’ils soient hétérosexuels, homosexuels, venant de milieux aisés, ou prolétaires, riches ou pauvres, faibles ou courageux, étaient tous égaux, les barrières sociales, culturelles, sexuelles, sont bien présentes en 1920. Chacun doit retrouver sa place bien définie et ne pas en bouger. Il n’est pas possible de vivre autrement dans cette société cloisonnée ou tout ce qui est différent est impitoyablement rejeté, ou il n’est pas possible de se mésallier sous peine d’ostracisme.

Comment ne pas étouffer sous ce poids d’obligations et de devoirs lorsque l’on est entravé par ses propres besoins ? Paul, totalement impuissant, désespéré devant le malheur qu’il provoque, enchaîné à ses souvenirs mais aussi aux êtres auxquels il tient, est un personnage d’une sensibilité rare. Il prend de telles responsabilités sur ses épaules, qu’il ne se rend compte ni de son courage, ni du besoin viscéral qu’il a de se libérer enfin de la condamnation et de l’oppression qui ont gâché sa vie depuis tant d’années. Mais existe-t-il une solution pour vivre seulement en paix avec lui-même ?

C’est donc un roman aux multiples contrastes et facettes ou personne n’a ni raison ni tort, n’est ni méchant ni mauvais : ils font des choix… et se trompent. Ce sont seulement des êtres humains, qui ne se comprennent pas, ne pouvant réellement communiquer, perdus entre leurs amours, aspirations, besoins et devoirs, créant leur propre malheur ou celui des autres, sans l’avoir souhaité, succombant physiquement à leurs passions mais dans le moment présent, parce qu’il n’y a pas d’avenir.

Marion Husband nous parle en fait d’histoires universelles, dans un style fluide, simple mais si profond, si tendu, que nous subissons presque de plein fouet, la violence des sentiments des protagonistes du roman, et restons captivés par la force et l’accablement des héros qui ne trouvent aucune issue à leur amour mais ressentent au plus profond d’eux-mêmes cette passion charnelle qui les fait exister intensément pendant quelques minutes. C’est un roman impressionnant quant à l’émotion tragique qui s’en dégage, suffoquant quant à la pression sociale menaçante, et surtout… qui ne se laissera pas oublier. A ne pas manquer !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 276
Editeur : Accent Press
Sortie : 1 juin 2005
Langue :anglais
Prix : 10,57 €