Résumé de l’éditeur
Depuis des années, Norman Torkelson séduit, escroque puis abandonne des femmes en mal d’amour. Sa méthode est simple : il appâte ses futures victimes par une petite annonce et, après avoir gagné leur confiance, vide leur compte en banque. Tout va pour le mieux pour notre don juan jusqu’au jour où Bobette Frish, sa dernière conquête, est retrouvée assassinée. Aussitôt arrêté, Norman demande à Lee White d’assurer sa défense. Malgré les preuves, Lee se demande si Norman ne cherche pas à protéger le véritable coupable et décide de mener sa propre enquête. Ce qu’elle découvre alors va non seulement bouleverser à jamais son existence mais l’amener à remonter le cours du temps…
Avis de Marnie
Certains mélanges des genres offrent au lecteur une meilleure compréhension aussi bien des caractères que de l’intrigue d’un roman. Lily White est une des vraies réussites de cette opposition de style. Entre thriller et saga avec en arrière-plan la satire sociale de New York et de sa banlieue de 1940 jusqu’à 1995, Susan Isaacs nous offre surtout un superbe portrait de femme.
Lee White (qui ne se fait pas appeler Lily, son vrai prénom) est une avocate de 45 ans, spécialisée dans la défense de criminels en tout genre, qui plaide dans un petit tribunal de Long Island, située à 50 kms de New York. Or, voici qu’un petit escroc, spécialisé dans les arnaques visant des femmes plus âgées tombées sous son charme, est accusé du meurtre de l’une d’entre elles. Lily va se lancer dans la bataille judiciaire, aidée par son associé, un détective privé, sa secrétaire, et avec le soutien moral de celui qu’elle nomme l’homme de sa vie sans jamais prononcer son nom. Le lecteur ressent au plus profond de lui-même toute la passion qui anime Lily, qui semble vivre surtout pour son travail.
Cette partie thriller, écrite à la première personne, par une Lee White, que nous découvrons cynique mais pleine d’humour, intelligente, raisonneuse, qui connaît tous les méandres de la loi et du système, s’en servant sans aucun scrupule, revenue de tout, mais d’une honnêteté sans faille, est très intéressante. Nous assistons dès le premier chapitre à la machine judiciaire qui se met en route, tous les rouages sont effleurés ou approfondis avec des personnages très typés, que nous avons vu maintes fois dans des séries B, le petit goût polars américains, fort sympathique, que nous fait vivre avec conviction et imagination, Susan Isaacs, dans une intrigue, très simple, certes, mais qui tient totalement la route.
Or, le second chapitre offre une vraie rupture de ton. Soudain, nous voici en 1940, à Brooklyn où Leonard, le père de Lee, ne souhaite qu’une chose, oublier qu’il est juif, et qu’il s’appelle Weissberg pour adopter le nom de White. Faisant partie de la seconde génération de l’émigration d’Europe de l’Est, il aspire à être un vrai Wasp, idéalisant la vie de ces riches familles blanches, protestantes, sures d’elles et de leurs privilèges, racées et hautaines. Il rencontre Sylvia, juive également mais non issue du même milieu prolétaire que lui et qu’il méprise profondément. Elle est fille d’un juge, elle a une certaine classe et semble être la femme rêvée pour les ambitions qu’il s’est fixé… Cependant, peu à peu, à mesure que la fortune des White s’accroît, après la naissance de Lily et de sa sœur Robin, l’insatisfaction, va ronger ou gangrener, toute la petite famille.
Ainsi, alternant les chapitres, thriller, puis chronologie, le caractère, les réactions, les choix actuels de Lee vont soudain prendre une vraie dimension, dans un style plein de sensibilité et d’émotion. Si les mini-drames tragicomiques côtoient un humour ravageur, s’opposent le rêve américain et l’identité nationale et culturelle. Pouvons-nous évoluer et atteindre nos aspirations si nous oublions qui nous étions et d’où nous venons ? Si nous ne transmettons pas alors à nos enfants nos racines, peuvent-ils se construire ? Qu’est-ce que la réussite ? C’est en cela que la satire sociale est très juste, fine et tout à fait réaliste. Lorsque Lily devient étudiante, nous sommes en pleine révolution sexuelle. Peu à peu se distillent une certaine amertume et beaucoup de désillusion, atmosphère que nous retrouvions dans un des plus célèbres films des années 70 Nos plus belles années de Sydney Pollack, où le Wasp sans passion ni envie était incarné par Robert Redford, et la juive militante enflammée par Barbra Streisand.
Au final, s’harmonisent enquête, suspense, et description de l’évolution de cette Amérique d’après-guerre, pour se focaliser sur une héroïne haute en couleur, dont nous connaissons les multiples facettes, les fêlures, les frustrations, les envies et les choix, mais surtout un personnage auquel n’importe qui peut s’identifier. Touchante, volontaire, passionnée, mais aussi battante pleine de feu et de vie, Lily et Lee se confondront, lorsqu’elle fera enfin la paix avec son passé. Un excellent roman enthousiasmant de bout en bout !
Fiche Technique
Format : poche
Pages : 633
Editeur : Pocket
Sortie : 6 juillet 2000
Prix : 7,60 €