Tea-Bag , Avis +

L’auteur

Henning Mankell est un auteur suédois né en 1948. Dès son enfance il est fasciné par l’Afrique ; avant de réaliser enfin son rêve à 24 ans il passera un an à Paris ou il commencera à écrire tout en travaillant dans un atelier de fabrication de clarinettes. Son premier contact avec le sol africain se fera en Guinée-Bissau, puis il s’installera avec sa première femme en Zambie. Devenu gendre d’Ingmar Bergman par son second mariage, il s’installera en 1985 au Mozambique où il dirige toujours la seule troupe de théâtre professionnelle. En 1991, il crée le personnage de Kurt Wallander, enquêteur dans un petit commissariat du sud de la Suède dont il contera les aventures dans une dizaine de romans policiers. La popularité de son héros est telle que le petit commissariat d’Ystad est devenu une attraction touristique. Mais Mankell qui partage sa vie entre le Mozambique et la Suède est aussi l’auteur de pièces de théâtre et de romans dans lesquels il pointe des questions de société comme son dernier ouvrage « Tea-Bag »

Résumé

Jesper Humlin, quarante deux ans, hypocondriaque, est un poète en manque de lecteurs et d’inspiration. Au cours d’une conférence, il croise trois jeunes femmes, réfugiées clandestines : Tea-Bag, une jeune Nigériane qui a traversé l’Europe à pied, Tania, venue de Smolensk, qui a franchi la Baltique à la rame et Leïla l’Iranienne qui est arrivée en Suède pendant son enfance. Sous couvert d’un atelier d’écriture Jesper a l’idée de récupérer l’histoire de leur vie pour en faire un livre vendeur. Mais il ne se doute nullement des énormes répercussions que leur récit aura sur sa vie familiale, amoureuse, professionnelle, sur sa vie d’Homme tout simplement.

Avis d’Enora

L’immigration est un thème que Mankell a déjà abordé dans ses romans. Il parle ici pour les dix mille personnes qui se trouvent en Suède de façon illégale. Il va nous faire partager son indignation face à la politique des états européens qui maintiennent ces gens en marge de la société, ne leur permettent pas de travailler et ne leur accordent aucun droit, à travers l’histoire de ces trois jeunes femmes :

– Celle de Tea-bag, la jeune Nigériane dont la famille a été assassinée et qui s’est échappée avec d’autres clandestins dans la cale sombre d’un navire grec. Rescapée du naufrage, elle sera incarcérée dans un camp dans le sud de l’Espagne, en attendant que les autorités décident de son sort. Un jour, un journaliste suédois vient lui demander de raconter son histoire et à cause de cet homme qui s’intéresse à elle, qui lui redonne un visage, la Suède deviendra pour elle le symbole de la liberté. Mankell a su, lui qui connaît si bien l’Afrique, teinter le terrible récit de Tea-Bag de toute la poésie et la magie de ce continent.

– Celle de Leila la petite Iranienne dont la communauté vit repliée sur elle-même sans aucune ouverture culturelle vers le pays d’accueil. Leila, dont la sœur aînée se verra interdire l’accès à l’instruction et qui sera mariée de force, battue et vitriolée.

– Celle de Tania qui a vécu l‘enfer des filles de l’Est, prises en charge par des passeurs qui les destinent à la prostitution et à la mort.

Son roman n’est pas sans humour non plus grâce au personnage de Jesper qui se pose en victime perpétuelle :

– Victime de sa mère. A vingt ans quand il lui annonce son désir de vivre seul, elle le ligote sur son lit pendant la nuit et ne le libère qu’avec sa promesse de venir la voir trois fois par semaine jusqu’à sa mort. De plus, à 87 ans elle s’est découvert une vocation d’animatrice pour un service de téléphone rose,
– Victime de sa petite amie qui désire lui faire rompre son célibat et lui donner des enfants et qui en plus, comble du comble, a envie de se lancer dans l’écriture d’un roman racontant leur vie amoureuse
– Victime de son éditeur qui veut lui faire écrire un roman policier parce que c’est un créneau porteur et rentable
– Victime de son banquier qui a fait de mauvais placements avec ses actions

Le contraste parfaitement dosé entre les petits soucis quotidiens de cet homme et l’histoire des trois femmes confirme le talent de l’écrivain. Aucun mélo dans ce livre, Mankell dresse avec pudeur trois magnifiques portraits de femmes battantes qui ne se voient pas comme des victimes mais qui veulent simplement être considérées et traitées comme des gens ordinaires. Et parce que son récit est plein de tact et de retenue, il nous touche au plus profond de nous-mêmes et on ne sort pas indemne de sa lecture. Un grand roman que je conseille à tous… et surtout à monsieur Sarkozy.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 329
Editeur : Seuil
Collection : Cadre Vert
Sortie : 8 mars 2007
Prix : 21 €