Résumé de l’éditeur
Avis de Callixta
Voici le roman d’une nouvelle venue dans la romance historique, Lydia Joyce. The music of the night est le premier de ses bientôt quatre romans et je vais immédiatement poursuivre la découverte de cette auteur remarquable.
Lydia Joyce a su dès son premier roman trouvé un ton personnel et juste et surtout renouveler complètement la romance historique. Son livre est profondément original. Il est aussi très beau.
Elle s’attaque tout d’abord à des personnages nouveaux. Surtout lorsqu’elle décrit son héroïne. Elle a en effet choisi de mettre en scène celle dont on ne parle jamais ou qui s’efface devant l’héroïne traditionnelle : la prostituée et la maîtresse. Sarah Connelly est une jeune femme au passé terrible. Bâtarde d’origine irlandaise, elle a vécu toute son enfance dans une sorte de cours des miracles où l’on survivait du vol et de trafics divers. Si elle a soudé des amitiés dans ce milieu, elle a aussi vécu la plus grande misère et la prostitution. Pas le noble travail de courtisane mais la prostitution des rues, des pauvres filles. Par un heureux coup du sort, elle a échappé à son sort et a pu suivre des études dans une école de jeunes filles riches mais, jamais aucune école ni aucun effort ne lui fera quitter son statut de pauvre : elle porte les stigmates de son sort sur son visage. Elle a en effet souffert de la variole qui a laissé des cicatrices particulièrement disgracieuses et infamantes. A l’époque, les riches étaient déjà inoculés contre cette maladie.
Si je m’étends sur le sort de Sarah, c’est parce que son personnage et sa douleur profonde habitent le roman et lui donnent toute sa profondeur.
Sarah , au début de l’histoire accompagne à Venise sa patronne, une vieille dame un peu fantasque ainsi que plusieurs membres de sa famille dont Bertrand de Lint , son fils. C’est là qu’elle va rencontrer le héros, Sebastian, dont pendant la plus grande partie du roman elle va ignorer l’identité. Celui-ci poursuit une vengeance contre de Lint. Ce personnage charmant et charmeur a violé sa fille naturelle, Adela. Fou de douleur, il a déjà tenté de se rendre justice mais a failli en mourir. Il poursuit une vengeance compliquée où il veut que la mort ne soit que la dernière marche du calvaire pour de Lint. Mais ce qu’il projette reste obscur jusqu’à la fin du roman.
Sebastian est un héros sans doute plus banal mais il est si sombre et si tourmenté qu’il n’altère en rien le roman. Il a aussi l’immense mérite d’aider Sarah, sans le vouloir et même en pensant faire l’inverse.
Le choix du cadre est lui aussi très intéressant : nous voici dans la Venise de la fin du dix-neuvième siècle, dans une ville dont la gloire est passée et où dominent maintenant la pourriture et la décadence. Le cadre est somptueux, très bien évoqué et donne au roman une dimension romantique et sombre, presque gothique. Cet aspect gothique est d’ailleurs renforcé par la noirceur du roman qui se déroule pendant toute sa première partie dans la nuit ou à l’abri de masques.
Et le masque est au centre de ce roman. Les héros se rencontrent en les portant. Sarah est presque toujours dissimulée derrière ses vêtements et arbore sa disgrâce comme une lépreuse. Sebastian cache ce qu’il est derrière une fausse identité et un masque blanc et impassible. De Lint trompe tout le monde par son charme négligent alors que vit en lui une brute… Tous ces personnages se rencontrent aux détours des canaux malodorants, des églises délabrées, des palais pourrissants.
Si le récit de la vengeance de Sebastian est ce qui guide les personnages, l’éclosion du papillon qu’est Sarah est le joyau du livre. Qu’il est beau de voir cette jeune femme brisée, qui se méprise avec une force effrayante, apprendre à aimer, à s’aimer, à se connaître !
Lydia Joyce est libérée de tous les encombrantes futilités de la romance historique : son héroïne n’a pas à apprendre ce qu’est la vie, les hommes ou le sexe. Elle les connaît trop bien. Elle n’a pas d’honneur ou de réputation à défendre : elle ne se reconnaît aucun des deux. Mais elle est fière et veut réussir sa rédemption et sa force pour y parvenir est admirable. Le roman est avant tout un très beau portrait de femme.
Lydia Joyce réussit son roman de main de maître et ne cède à aucune facilité ni ne recule devant les difficultés que ses choix provoquent. Le roman est âpre et sensuel, émouvant et tendre. Une vrai réussite !
Fiche Technique
Format : poche
Pages : 320
Editeur : Signet Book
Sortie : novembre 2005
Langue : anglais
Prix : 6,63 €