Ma vie pour la tienne – Avis +

Résumé de l’éditeur

A treize ans, Anna a déjà subi de nombreuses interventions et transfusions afin que sa sœur aînée Kate puisse combattre la leucémie qui la ronge depuis son enfance. Anna sait qu’elle a été conçue pour être génétiquement compatible avec Kate et qu’elle est son seul espoir. Cependant, lorsqu’on lui demande de faire don d’un rein, l’adolescente refuse. Elle veut disposer librement de son corps et ira jusqu’au bout pour se faire entendre… S’inspirant d’un fait réel, Ma vie pour la tienne est un récit choral, qui donne la parole à tous les protagonistes. Ce roman subtil et profondément humain a déjà touché des millions de lecteurs dans le monde.

Avis de Marnie

Bouleversant. Ce mot pourrait résumer ce roman. Inspiré d’une histoire réelle, on ne peut se sentir que violemment destabilisé par ce récit ! Mais il est vraiment bon de passer outre nos propres limites ainsi, de temps en temps !

L’auteur a évoqué jusqu’ici différents drames de la société dans ces derniers livres, celui-ci n’échappant pas au chemin qu’elle s’est apparement fixé: jusqu’ou peut-on aller pour sauver son propre enfant ? Cette question, il semble que Jodi Picoult ait pris le temps d’en évaluer toutes les possibilités. Il est évident que l’on sent une intense introspection chez tous les personnages, sur les limites de l’acharnement thérapeutique, mais aussi les formidables avancées de la médecine dont on ne maîtrise pas les aboutissants psychologiques et moraux qui en fait nous détruisent plus profondément que ne pourrait le faire la perte d’un être aimé. Jusqu’ou peut-on se sacrifier ou permettre d’utiliser nos proches ? Ou doit-on s’arrêter ? Ce sont toutes ces questions qui sont posées ici, y a-t-il une réponse ?

Comme dans son précédent roman, le récit est fait à la première personne… par les six personnage principaux. Seule, Kate, l’aînée âgée de 16 ans, mourante, se tait. On ignore ce qu’elle pense intimement, cependant, elle est le personnage central de l’histoire. Comme elle le dira elle-même, on en revient toujours à elle. Une seule fois, et de façon magistrale, nous découvrirons ce que Kate ressent au plus profond d’elle-même.

Le récit est commencé par Anna, adolescente de 13 ans, qui annonce à un avocat qu’elle porte plainte contre ses parents. En fait, par petits flash-backs, commentés par chaque personnage, l’enfance dévastée de Jesse, Kate et Anna nous est peu à peu dévoilée nous amenant selon les narrateurs, à ressentir une profonde empathie pour tel ou tel membre de cette famille. Sara est une mère à temps plein, mais une maman surtout pour Kate avec qui elle passe une énorme partie de son temps à l’hôpital ou à lui tenir compagnie. Si elle paraît quelques fois antipathique et lointaine, sa personnalité nuancée qui se bât envers et contre tout, le personnel médical, les assurances, sa famille, même le sort, est remarquable. Son angoisse est palpable, sa patience a les limites que la maladie lui impose.

Ses deux autres enfants s’élèvent tout seuls, rebelles mais profondément coupables d’être en bonne santé, avec une arrière pensée bien humaine : l’espoir que tout cela s’arrête… Quant à Brian, c’est un pompier qui passe la majeure partie de son temps à travailler. Il sauve la vie des autres, parce qu’il ne peut pas en faire autant pour son propre enfant. Loin et proche à la fois, il a, lui, arrêté de se battre et sa culpabilité lui a fait perdre le contact avec les siens et surtout avec son épouse, ou toutes les conversations tournent autour de la santé de Kate.

Le procès va agir comme un révélateur des pensées profondes que les membres de la famille taisaient depuis longtemps mais qu’ils se cachent également à eux-mêmes. L’avocat Campbell et l’expert nommé par le juge pour évaluer l’état psychologique d’Anna, Julia, témoins extérieurs, vont tenter de trouver une solution pour aider l’adolescente et ses proches en détresse. Ils se retrouveront également sans qu’ils le souhaitent tous deux profondément impliqués. Leurs problèmes personnels vont se confronter avec ceux des Fitzgerald. Cependant, la leçon que l’on pourrait tirer n’est-elle pas de se dire que n’importe quelle solution n’est rien lorsque l’on se retrouve soudain impuissants devant les hasards et les méandres de la vie ?

Jodi Picoult précise aux dans la note finale, que son propre enfant a subi une dizaine d’opérations. On ressent tout à fait à quel point elle a pu rendre ces réflexions de mère, si vivantes, si poignantes. Même si extérieurement, certains de ses choix nous paraissent révoltants, il est évident que l’on ne peut que répéter : et si nous étions à sa place, qu’aurions-nous fait ? Ne pas pouvoir agir, ne pas pouvoir prendre la place de son enfant qui souffre, savoir qu’il n’y a pas de bons choix mais seulement des possibilités de survivre une journée de plus, porter à bout de bras une famille au bord du gouffre moral, psychologique, physique et financier, et dont les membres s’éloignent peu à peu…

Je n’ajouterai qu’une précision au vu du rebondissement final. Pendant quelques longues minutes, j’ai été profondément choquée, en réfléchissant seulement bien après que cette réaction mettait en lumière des éléments bien peu glorieux de ma personnalité. Jodi Picoult a donc certainement réfléchi intensément à la fin de son histoire… pour nous montrer à quel point nos sentiments peuvent être dérangeants et mesquins. En effet, peut-on dire ici qu’en choisissant l’autre option, la situation aurait été plus acceptable ?

Si tout cela vous paraît bien énigmatique, c’est pour mieux vous pousser à lire de toute urgence ce roman, certes, très difficile mais nécessaire !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 436
Editeur : Presses de la Cité
Sortie : 1 février 2007
Prix : 20,50 €