La chanson d’Annie – Avis +

Présentation de l’éditeur

Annie, l’idiote, la simple d’esprit, la sauvageonne… Elle erre sans fin dans les bois, car c’est finalement là qu’elle est le mieux. Sa riche famille se préoccupe si peu de son sort…

Un jour, cet être totalement démuni se heurte à la concupiscence d’un homme : le cruel Douglas, qui abuse de son innocence. La scène a eu des témoins. Alors, lorsque Alex, le frère de Douglas. apprend qu’Annie est enceinte, il décide de réparer la faute de son cadet en épousant la sauvageonne. C’est une question d’honneur.

Très vite, le comportement étrange de son épouse l’intrigue. Elle vit dans un monde à part. Rien ne semble la toucher. Ce mystère le fascine. Il va alors tout tenter pour parvenir à communiquer avec cette femme-enfant dont la beauté le bouleverse. Il veut découvrir son secret, car Annie lui est infiniment précieuse.

Avis de Callixta

La chanson d’Annie est une réédition d’un roman de Catherine Anderson. Ce livre paru il y a quelques années m’avaient échappé, sans doute parce que le sujet n’était pas l’un de mes préférés. Il s’agit d’un pur mélodrame où l’émotion est permanente et palpable.

Catherine Anderson, comme à son habitude, va montrer tout son talent en décrivant la renaissance à la vie et par l’amour d’une jeune femme martyrisée par la vie. Autant le dire tout de suite, si vous n’aimez pas les mélos dans la plus pure tradition et si les situations dramatiques vous gênent, évitez ce livre. Anderson s’est fait une spécialité des héroïnes un peu différentes, touchées par un handicap ou un lourd traumatisme.

Annie a les deux plaies à supporter : elle est née en effet, différente puisqu’on la croît idiote, irrémédiablement. Ni ses parents ni son entourage ne comprennent très bien ce dont elle souffre. Puisqu’elle ne parle pas et semble vivre dans son monde sans appréhender ce qui l’entoure, c’est qu’elle est bête et tout le monde se moque de cette femme-enfant qui a les courbes de l’adulte qu’elle est et les jeux d’une petite fille.

La scène de départ est particulièrement pénible et serre le cœur. Annie va tomber entre les mains d’un groupe de jeunes brutes dont le plus beau et le plus hâbleur la viole sans vergogne. Annie ne comprend pas ce qui lui arrive, bien sûr. Terrorisée la jeune fille, cherche refuge chez ses parents qui préfèrent abandonner toute poursuite pour ne pas attirer l’attention et espèrent oublier au plus vite cette triste affaire. Malheureusement, le drame d’Annie a des conséquences. Au handicap, va s’ajouter le traumatisme profond qu’a subi Annie. La famille du violeur est prévenue et son frère, si différent, va noblement décider d’épouser la jeune femme qui sera bientôt mère.

Les deux héros sont à la fois emblématiques et forts. Alex est un homme droit, honnête et profondément bon. Il est sincèrement horrifié de ce qu’a subi Annie et trouve totalement normal de réparer la faute de son frère. Pourtant, s’il est noble comme un preux chevalier d’antan, il n’est pas parfait. Il est d’abord humain. Il ne comprend pas tout de suite qui est Annie et n’oublie pas son propre intérêt dans ce mariage. Il ne peut avoir d’enfant et trouve finalement son épouse bien séduisante. Cette humanité le rend très attachant. Annie est une sorte d’enfant-sauvage devenue adulte. Elle a la finesse et la légèreté d’un elfe. Elle est dans une sorte d’état intermédiaire entre la femme et l’enfant, la chrysalide et le papillon.
Le roman est en fait l’histoire de son passage délicat à l’état de papillon. Alex n’est que celui qui le permet avec amour et patience.

Les scènes qui émaillent le roman sont d’une rare émotion. En une phrase, Anderson vous fait passer du bouleversement la plus intense au sourire. Un seul exemple pour ne pas dévoiler le roman qui mérite d’être lu : Annie comprend enfin qu’elle est enceinte. La façon dont Alex lui révèle cette réalité commence par un sourire : il dessine pour expliquer les choses mais si mal qu’Annie doit dissimuler son rire. Elle se termine dans une émotion poignante lorsqu’Annie découvre que son enfant sera le premier être humain à la faire sortir de sa solitude.

Le roman est gorgé de ses moments rares, d’habitudes : quelques pas de valse dans un grenier poussiéreux, des souris malicieuses… Ce livre est aussi la découverte horrifiée de ce qui a dû être la triste réalité des enfants différents. Le portrait de ses parents, à ce sujet, est particulièrement glaçant. Ce sont des êtres médiocres mais qui ne sont pas caricaturaux. Ils n’ont rien compris, et vivent la différence de leur fille comme une malédiction. Ils sont, seulement, terriblement ordinaires, capable d’aucune compassion.

C’est aussi une analyse sensible des personnes qui souffrent du handicap d’Annie qui isole plus sûrement qu’une prison.

Ce livre a quelque chose de précieux et de magique. Il faut se laisser emporter par les mots de Catherine Anderson, accepter cette histoire terrible et belle, profondément optimiste aussi. Il y a certes, parfois, une sorte d’accumulation de drames qui peut sembler exagérée mais si on entre dans le roman, comme moi, cela devient tellement compréhensible.

C’est un livre à lire et sans doute à découvrir et peut être aussi à méditer. L’exclusion des personnes différentes n’est sans doute pas celle là aujourd’hui mais elle demeure cependant une réalité de notre époque.

Fiche Technique

Format : poche
Editeur : J’ai Lu
Collection : Romance d’aujourd’hui
Sortie : 8 mars 2007
Prix : 6,50 €