Pour que justice soit faite – Avis +

Présentation de l’éditeur

 » Quand le monstre franchit enfin le seuil, il portait un masque. Elle le dévisagea longuement, ébahie que personne d’autre ne puisse le percer à jour. C’était votre voisin en train d’arroser son forsythia. L’étranger qui vous sourit dans l’ascenseur. Le brave type qui prend un enfant par la main pour l’aider à traverser la rue.  » Nina est substitut du procureur et s’occupe quotidiennement des pires crimes de son comté.

Quand le petit Nathaniel, son propre fils, perd l’usage de la parole du jour au lendemain, elle comprend vite la vérité et pressent le cauchemar dans lequel sa famille va être plongée. Son fils a été victime de sévices sexuels, et Nina, mieux que personne, sait que les coupables ne sont pas toujours punis. Alors, a-t-on le droit de se faire justice soi-même ?

Un roman palpitant qui pose un problème de conscience aux personnages et à chacun d’entre nous.

Avis de Marnie

Jusqu’ou peut-on aller lorsque l’on s’est attaqué à la chair de sa chair ? C’est avec une âpreté pleine de justesse que Jodi Picout tente de répondre à cette simple question. Doit-on faire justice soi-même ou laisser faire celle des hommes ? L’auteur n’hésite pas à aller jusqu’au bout de son propos. Toutes les questions sont posées avec intelligence et une profonde réflexion ou tous les aspects sont évoqués…

Mais ce livre présente surtout le portrait d’une famille banale qui soudain se voit victime d’un horrible fait divers et perd tous ses repères mais aussi toutes ses valeurs. Le père, la mère et l’enfant vont franchir la ligne jaune, et vont se révéler à eux-mêmes, tout en dévoilant des aspects insoupçonnés d’eux à ceux qui croyaient si bien les connaître. Toute cette évolution est captivante, notamment grâce au style choisi par l’auteur : avec une fausse spontanéité, de façon totalement anarchique, chacun parle à la première personne, les destins s’entrecroisent, se séparent, dans une certaine précipitation à mesure que la situation leur échappe. Tout sonne vrai… le ton est abrupte, la douleur augmente, les rebondissements s’enchaînent avec vélocité, dans l’urgence mais aussi et surtout dans la douleur.

Nina est une femme forte… très forte… trop forte. Dès le début, nous savons qu’elle se sent coupable comme beaucoup de femmes, de jongler entre un métier qui la passionne mais qui n’est pas une vocation, et son fils unique de cinq ans. Toutefois, elle assume cette sorte de routine avec une certaine philosophie ou domine le sentiment que tout lui est acquis. Elle a trouvé également un équilibre entre son mari qu’elle aime et son ami d’enfance dont elle ne peut se passer et qui est amoureux d’elle. Ce monde quasi parfait va voler en éclat. Cette vie tranquille va soudainement lui être enlevée. Elle ne pourra alors plus maîtriser les émotions qui vont l’envahir comme un raz-de-marée. Sa force va devenir en fait sa faiblesse…

Caleb est beaucoup plus calme et discret. Sa façon de réagir face aux évènements qui s’enchainent vont soudain révéler chez lui une dureté insoupçonnée. Il va se transformer tout en ne supportant pas les changements irrémédiables qui font de son épouse, une autre personne. Cependant, il trouvera en lui la force de faire face au drame qui a fait éclater sa famille parfaite.

L’attitude de Nathaniel, garçonnet de cinq ans, traumatisé, est poignante. Puisqu’il ne peut pas s’exprimer, nous pénétrons ses pensées dérangeantes, perdues, petit garçon cherchant l’oubli et ne comprenant rien aux évenements qui s’enchainent, les adultes lui répétant qu’il n’y est pour rien, qu’il n’a rien à se reprocher et pourtant qui pleurent et se disputent sans cesse devant lui, les parents tour à tour présents, absents, qui vont et viennent, alors qu’il ne souhaite qu’une chose, que tout redevienne comme avant.

En fait, tout est décrit par petites touches de sensations et de sentiments, sans aucune description scabreuse ou voyeurisme. Les émotions et la douleur sont à fleur de peau, dans une vraie volonté de faire partager au lecteur la souffrance de ce drame, évitant le piège du pathos avec adresse. En effet, Jodi Picoult précipite les évènements certainement pour nous empêcher de nous effondrer, préférant, un rythme haletant et plein de suspense psychologique à une évocation dramatique. En prime et pour ceux qui apprécient les romans qui mettent en scène un procès, l’auteur nous fait pénétrer dans les méandres pleines de tensions et de mots choisis ou objectés, ou les avocats, témoins et juge jouent un rôle capital. C’est totalement réussi !

J’émets une seule réserve sur un cliché qui est véhiculé dans ce roman : la parole de l’enfant… il ne ment pas sur un sujet pareil. Pour le procureur qu’est Nina, dès le début du livre, un enfant ne peut être manipulé par sa mère lors d’un divorce par exemple… Et ses opinions tranchées vont avoir de l’importance lorsqu’on touchera à son fils. Mais, après tout, Jodi Picoult nous dresse un portrait de femme, subjectif, partial avec des qualités, des défauts et des croyances !

Alors, impossible, pour ma part, de m’arracher à cette histoire où je me suis enfermée avec cette famille déchirée, fusionnant dans les pensées de chacun, même celles poétiques et oniriques du petit garçon qui cherche à échapper de toutes les manières possibles au traumatisme subi. Personne ne peut sortir indemne de ce genre de roman, encore moins le lecteur !

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 478
Editeur : J’ai Lu
Collection : J’ai Lu Grands Romans
Sortie : 4 janvier 2007
Prix : 7,60 €