Captive de ses passions – Avis +

Présentation de l’éditeur

En 1878, Caroline est chargée d’apporter de la nourriture aux Indiens et a besoin d’un guide dans le Kansas. Or, Zach est sur la trace de son fils, enlevé…

Avis de Marnie :

Ce qui m’a interpellé ici, c’est le très beau personnage de femme qui nous est présenté. C’est en effet l’aspect le plus intéressant de ce roman dont l’action se situe deux ans après la guerre de Sécession, avec pour toile de fond le génocide indien dans l’Ouest américain, où les pionniers émigrent en masse…

Le contexte historique est intéressant et assez rare (la régence occupe en effet les deux tiers de la production des romans sentimentaux d’époque). L’auteur décrit la vie quotidienne d’Indiens privés de leurs terres en insistant sur l’injustice et les malheurs de ces gens pourchassés, à qui on a menti pour mieux les spolier, décimés par l’armée (aidés par les pionniers) mais aussi par la maladie. Mais Kate Lyon tombe malheureusement dans le piège des clichés les plus énormes.

– le chef sage, qui ne souhaite pas se battre, dotés de talents divinatoires (?!)
– le jeune combattant assoiffé de sang, tueur, violeur et maltraitant les enfants blancs qu’il kidnappe,
– Il faut admettre que le général Custer a participé aux massacres d’indiens, mais quel héros, hein, quel superbe héros… une légende pour les blancs, il ne faut pas oublier à quel point cet homme était courageux !

Disons que cela fait grimacer, surtout que Kate Lyon essaye de donner une grande épaisseur à son contexte, les personnages secondaires étant très présents dans son récit, la plupart indiens, dont l’humour, la réflexion, le sens de l’honneur, sont largement mis en valeur pour rendre, aux yeux du lecteur, ce peuple attachant. Quel dommage que ces quelques aspects d’un exotisme pouvant être pris comme une qualité (la franchise et l’honnêteté dans lesrelations sexuelles, la relation grands-parents, parents enfants ou entre mari et plusieurs épouses) soit à certains moments, à cause de ces clichés, assez peu crédibles, ce qui affadit le message de tolérance.

Comme si cela n’était pas suffisant, voici que l’auteur manque d’une certaine rigueur dans ses choix :

– un héros, combattant dans le sud, et qui la guerre à peine terminée est engagé « patriotiquement » dans une unité d’élite secrète sous les ordres d’un gouvernement nordiste… lorsque l’on pense au traumatisme que la guerre de Sécession a engendré…
– une fin mièvre ou tout le monde s’entend magnifiquement bien dans l’Ouest réconcilié, les massacres oubliés, les morts enterrés, plus aucune amertume… (alors que les guerres indiennes ont continué encore pendant une quinzaine d’années !)

Mais heureusement, pour rattraper tout ce qui peut encore faire tiquer le lecteur, Kate Lyon a l’énorme mérite de nous présenter une héroïne passionnante dont la forte personnalité entraîne tout sur son passage. Caroline n’est pas un cow-boy brut de décoffrage, mais une femme dont la famille a été massacrée par les Indiens, qui a été violée, torturée de multiples façons, recueillie par le peuple cheyenne, elle a pu soudain connaître et comprendre deux cultures totalement différentes, et accepter et adopter le meilleur de chaque. Méprisée par une société dont elle est impitoyablement rejetée, elle a pris fait et cause pour ceux à qui elle doit la vie. Courageuse, mais effrayée, traumatisée mais souhaitant aider son prochain, c’est une femme très forte, dévouée, attachante dont le regard profondément compatissant sur les Indiens nous amène à les observer et à mieux les connaître.

C’est ainsi que va réagir le héros. Tout d’abord, ne souhaitant que retrouver son fils et se venger de ceux qui ont tué son épouse, l’empathie de Caroline pour la cause du peuple cheyenne va lui faire découvrir soudain le monde sous d’autres yeux, ou le blanc et le noir disparaissent pour laisser place au nébuleux du gris. Puis, c’est son propre regard sur la vie quotidienne et les coutumes de ces hommes et femmes qui lui sont de plus en plus sympathiques, et surtout l’intérêt chaleureux, émotionnel, qu’il porte aux enfants qui vont le transformer irrémédiablement. Ouvert aux autres, il va se sentir prêt à partager et non plus à combattre. Ses relations avec Caroline, d’abord violentes, tendues, sans aucune compréhension de part et d’autre, vont, de discussions en révélations de souffrances passées, se transformer en échanges intenses où leur esprit fusionneront jusqu’à atteindre une confiance mutuelle.

Malgré les défauts de cette histoire qui somme toute est prometteuse, Kate Lyon, pour la première fois traduite en France, nous laisse présager de bonnes surprises à venir !

Fiche Technique

Format : poche
Editeur : J’ai Lu
Sortie : 11 janvier 2007
Prix : 6,90 €
Genre : western