Présentation officielle
En 1918, le peintre Gustav Klimt (John Malkovitch) se meurt dans un hôpital de Vienne. A son chevet, il n’y a plus que son meilleur ami, Egon Schiele (Nikolai Kinski). Dans un songe, Klimt se rappelle l’exposition universelle. Il trouve à Paris un accueil triomphal, alors qu’à Vienne, il est rejeté pour sa provocation de montrer des femmes nues dans des positions lascives. Il se remémore toutes les femmes qu’il a aimées, et il y en a eu beaucoup : Midi (Veronica Ferres), Mizzi (Aglaia Szyszkowitz), et bien d’autres, mais c’est Lea (Saffron Burrows) qu’il cherche en vain. A Paris, il rencontre Méliès et la naissance du cinéma le fascine.
Avis de Luc
Le film de Raoul Ruiz est construit comme un puzzle qui ferait passer Mulholland Drive de David Lynch comme limpide. On entre dans le labyrinthe de l’âme humaine, c’est une vaste introspection du peintre génial de Vienne, dont John Malkovitch donne toute sa démesure.
Gustav Klimt a révolutionné l’art pictural en intégrant le décor dans ses peintures. Le magicien Raoul Ruiz, avec l’aide de son directeur de la photographie (Ricardo Aronovich) le restitue à l’écran avec brio. Ainsi, les feuilles d’or que le peintre intègre à sa peinture se mettent à voler, prédisant la scène finale, absolument grandiose, dans la neige, qui pénètre dans la maison, et où il retrouve enfin sa Lea. C’est la fin, une scène digne des plus grands films surréalistes.
Le Vienne décadent et baroque, à la fois guindé et strict, et débordant de vitalité artistique (la musique dodécaphonique de l’école de Vienne angoissante sert de fond sonore), est formidablement dépeint. Cette peinture est tirée des récits du romancier Arthur Schitzler qui avait déjà inspiré Stanley Kubrick dans son film ultime, Eyes Wide shut (sur les errances d’un couple à la dérive avec Tom Cruise et Nicole Kidman), son film le plus complexe et probablement le plus beau.
En conclusion, Klimt est baroque, absolument génial et John Malkovich est extraordinaire, dans le Vienne décadent du début du XXe siècle. Le film est construit comme Le temps retrouvé sur la fin de Proust, à la même époque, et toujours filmé par le cinéaste un peu fou Raoul Ruiz.
Ce film n’a pratiquement aucune chance d’être vu à la télévision (car les chaînes de TV françaises ont refusé de financer le film, bien qu’il soit co-produit par la France). Il faut donc se précipiter pour le voir en salle, et en France, nous avons beaucoup de chance : nous voyons la version intégrale de 2H10, alors qu’en Autriche (le pays qui a le plus financé le film), la version projetée là-bas est amputée d’une demi-heure, supprimant les errances qui rendent le récit difficilement lisible. C’est une aberration car ce sont sont ces errances qui font la richesse du cinéma de Raoul Ruiz.
Mon premier vrai choc cinématographique de l’année. Je lui mets 5 étoiles sans l’ombre d’une hésitation (c’est le premier ainsi cette année pour moi).
Cela donne envie de revoir toutes les peintures de Gustave Klimt (Pallas Athénée, Danaé, Les Trois âges de la femme, Le Baiser). et de (re)lire Arthur Schitzler.
Un autre avis : Cécilia.