Spielberg, l’ignare de Hollywood…

Spielberg, l’ignare de Hollywood, donne corps à l’argument d’un antisémite radical iranien

Adaptation française de Simon Pilczer, volontaire de l’IHC

Si Steven Spielberg avait réalisé un film de fiction sur la désintégration psychologique après la revanche d’un assassin, ça aurait pu aller. Au lieu de cela, il a décidé d’appelé cette fiction  » Munich « , et l’a enraciné dans un évènement historique : le massacre de 1972 par des terroristes palestiniens de 11 athlètes israéliens aux jeux olympiques. Lorsque vous avez fait cela – évoqué le meurtre d’innocents qui, à l’exception des assassins palestiniens, ne seraient pas plus âgés que Spielberg lui-même aujourd’hui – vous avez l’obligation de rendre compte honnêtement de l’histoire, et de ne pas utiliser les victimes pour une quelconque propagande, en l’abandonnant au seul agenda politique de ceux qui les ont tués.

La seule partie vraie de l’histoire est faite des quelques minutes consacrées au massacre. Le reste est invention, comme Spielberg le formule délicatement dans le générique d’ouverture,  » inspiré par des évènements réels « . Par des évènements réels ? N’importe quoi. Inspiré par la croyance de Tony Kushner (il a co-écrit le scénario) que la fondation d’Israël a été une  » calamité historique, morale, politique  » pour le Peuple juif.

C’est un axiome de la réalisation de films : vous ne pouvez vous attacher qu’à un personnage que vous connaissez. Dans  » Munich « , les athlètes israéliens ne sont pas seulement théâtraux, mais aussi des additifs historiques, des personnages sans consistance. Spielberg se fait un devoir de nous donner leur nom – la liste de Spielberg – et rien de plus : pas d’historique, pas de contexte, pas de relations, rien. Ils sont là pour mourir.

Les Palestiniens qui organisent le massacre et sont pourchassés par Israël reçoivent – avec la concision de l’homme de l’art doué du cinéma – de la texture, de l’humanité, de la profondeur, une histoire. Le premier Palestinien que nous rencontrons est le traducteur érudit de poésie donnant une lecture publique, puis agissant aimablement à l’égard d’un commerçant italien – avant d’être tué de sang froid par des Juifs.

Puis il y a le membre âgé de l’OLP qui dote sa fille de 7 ans avant d’être explosé en morceaux. Aucun de ces comploteurs n’est jamais montré complotant Munich, ou aucune autre atrocité pour cette affaire. Ils sont montrés dans la pleine fleur de leur humanité, sauvagement éradiqués par des Juifs.

Mais la plus scandaleuse brutalité israélienne concerne la prostituée hollandaise – apolitique, belle, pathétique – tuée par balle, nue bien sûr, par les Israéliens désormais à demi-dingues s’installant dans une affaire privée. A la manière israélienne, je suppose.

Encore plus flagrant que la manipulation par les personnages, il y a la propagande par le dialogue. Le procès palestinien est rendu sans détour : les Juifs ont volé notre terre et nous allons tuer autant d’Israéliens que nous le pourrons pour la récupérer. Ceux qui sont présumés soutenir le procès israélien disent… la même chose. La mère du héros, sioniste engagée sans pitié, déclare : « nous avions besoin du refuge. Nous l’avons saisi. Quoiqu’il en coûte pour le sécuriser ». Puis elle coche des membres de leur famille perdus pendant l’holocauste.

Spielberg fait de l’holocauste le moteur du sionisme et sa justification. Ce qui, bien sûr, est la narration palestinienne. En effet, c’est la narration classique des antisionistes, plus récemment du président de l’Iran, qui déclare qu’Israël devrait être effacé de la carte. Et pourquoi pas ? Si Israël n’est rien d’autre que le transfert coupable de l’Europe pour l’holocauste, alors pourquoi les Musulmans devraient-ils endurer un Etat juif en leur sein ?

Il faut un ignare de Hollywood pour donner corps à l’argument d’un antisémite radical iranien. L’histoire juive n’a pas commencé avec la  » nuit de cristal « . Le premier congrès sioniste a eu lieu en 1897. Les Juifs ont combattu et ont reçu la reconnaissance de leur droit à établir un  » Foyer National Juif en Palestine  » de la Grande-Bretagne en 1917, et de la Ligue des Nations en 1922, deux décennies avant l’holocauste.

Mais la revendication juive est bien plus ancienne. Si les Juifs cherchaient seulement un refuge agréable, pourquoi ont-ils choisi des marais infestés par le paludisme et des dunes de sables stériles de la Palestine du 19ème siècle ? Parce que Israël était leur foyer ancestral, le site des deux premières communautés juives pendant mille ans – bien avant les Arabes, bien avant l’Islam, bien avant l’holocauste. Les destructions romaines ont réduit à néant l’indépendance juive, mais jamais la revendication et le serment de retourner dans leur foyer. Le retour miraculeux des Juifs 2000 ans plus tard a été tragique parce que d’autres s’étaient installés sur ce territoire et avaient une revendication concurrente légitime. Voilà pourquoi les Juifs, depuis trois générations, ont offert de partager la maison. La réponse arabe à chaque génération a été le rejet, la guerre et le terrorisme.

Et Munich. Munich, le massacre, a eu seulement un succès modeste pour lancer la cause palestinienne avec le sang de 11 Juifs.  » Munich « , le film, a désormais fait de cela un succès complet 33 ans après. Ce n’est plus de la propagande rudimentaire, de la télé qui a du grain.  » Munich  » jouit maintenant de hautes valeurs cinématographiques et de l’imprimatur de Steven Spielberg, pas moins, vecteur du message désiré à l’origine par les terroristes dans tous les cinémas du monde.

C’est à peine surprenant, si l’on considère que le procès de « Munich » sur la faillite morale de la cause israélienne – non pas seulement la campagne pour assassiner ceux qui ont planifié Munich, mais toute l’entreprise d’Israël en soi – est si minutieux que le film se conclut avec le chef des assassins du Mossad, flétri par son expérience, abandonnant Israël pour toujours. Où le héros se réinstalle-t-il ? Dans le seul vrai foyer pour la conscience, la sensibilité et l’authenticité d’un Juif : Brooklyn.

Charles Krauthammer