Il est temps pour ceux qui n’ont pas eu la chance de s’en préoccuper auparavant, d’aller voir le conte philosophique mis en scène par Elise McLeod : La bar-mitsva du chat du rabbin avant une tournée en province et une prestation à Montréal en juin 2006. Il s’agit d’une pièce de théâtre adaptée de la bande dessinée fantastique de Joann Sfar par Camille Nahum, véritable touche-à-tout. Comédienne formée aux techniques de l’Actor Studio, entre autres, Camille n’attend pas les propositions passivement puisqu’elle a fondée sa boîte de production afin de pouvoir créer et monter des rôles et des pièces à sa mesure. Cette jeune femme de talents a accepté de nous recevoir pour partager sa passion du théâtre avec l’un des acteurs, Rémy Darcy (voir interview) qui interprète le rabbin.
Sorte de candide cruel, le chat après avoir dévoré un perroquet s’aperçoit qu’il peut parler, et s’en donne à coeur joie. Son possesseur, le rabbin, à la fois émerveillé par le miracle mais effrayé par ses conséquences, lui interdit de se réfugier dans les bras de sa fille, la douce et sensuelle Zlabaya, car tout chat qu’il est, il n’en est pas moins un mauvais juif, puisqu’il ment. Le chat trouve une solution : s’il veut continuer à pouvoir se pelotonner sur les genoux de sa maîtresse, il faut qu’il soit un bon pratiquant, donc il demande à faire sa bar-mitsva. D’ailleurs, nous même, que ne ferions-nous pas par amour ?
Ce conte philosophique à la fois tendre, rieur mais également cynique sur la condition humaine ouvre l’esprit, le coeur et l’âme aux questions fondamentales tout en permettant à ceux venus uniquement se détendre de passer un excellent moment dans une ambiance juive-orientale. Les pitreries de l’animal font naître facilement le rire, et les spectateurs ne s’en privent pas.
Sur scène, Camille Nahum excelle lorsqu’elle joue le félin. Elle court, saute, glisse, exprime de grandes idées avec une apparente facilité. Son talent d’actrice n’est pas à démontrer, il est flagrant dès les premiers instants. Sa réussite à adapter une BD (du prolixe Sfar, qui plus est) se salue à la fin de la prestation, car c’est une succès. Shiran Azoulay, peu sur scène mais présente par sa voix claire et ronde (elle chante plusieurs fois au cours du spectacle) apporte une touche féminine typiquement méditerranéenne. Rémy Darcy, en rabbin, se découvre plus ashkénaze que séfarade, plus occidental qu’oriental. Mais le hasard faisant bien les choses, il est bien plus proche de l’envie de Joann Sfar qui se basait sur son grand-père rabbin ashkénaze lorsqu’il a écrit Le chat du rabbin.
Camille Nahum n’a pas éludé le côté fantastique en décidant de jouer le chat. Au contraire, elle lui confère une réalité étonnante et très rapidement le spectateur se voit plongé dans le monde onirique du récit. Si elle nous avoue que Elise McLeod lui a demandé pour préparer le rôle de jouer avec son propre chat, on la croit aisément car pour peu que vous possédiez un minou vous retrouverez avec elle toutes ses postures.
Pour ceux qui n’auraient pas lu ou n’aimerait pas Sfar, qu’ils se rassurent, l’intelligence du texte et son humour permettent de sauter à pieds joints sans se soucier d’avoir un pré requis. La pièce se suffit à elle seule et si l’adaptation est fidèle, Camille Nahum a ajouté une fin pour clore cette histoire particulière.
La Bar-mitsva du chat du rabbin, d’après Joann Sfar, adapté par Camille Nahum, mise en scène par Elise Mc Leod et Shei Shiomi avec Camille Nahum, Rémy Darcy et Shiran Azoulay.