Sarkozy, Israël et les juifs – Avis +

Présentation de l’éditeur

Aujourd’hui, en France, parler d’Israël avec sérénité et franchise est devenu impossible. La question est taboue. Quiconque se permet de critiquer l’État juif risque d’être qualifié d’antisémite. Dans la « patrie des Droits de l’Homme et de la liberté d’expression », un délit d’opinion, en politique et en histoire, est établi. En lieu et place de la discussion libre, une dictature de la pensée unique a été instaurée…

C’est en 1967, par la voix du président Charles de Gaulle, que la France prit pour la première fois ses distances avec Israël. Sous le régime précédent, ce pays avait bénéficié de grands privilèges, puisque c’est grâce à la IVe République que l’État juif avait acquis la bombe atomique. Les présidents français qui succédèrent au général s’efforcèrent, à son image, de maintenir l’équilibre entre les parties en présence, palestiniennes comme israéliennes.

Mais tout changea soudain en 2007, avec l’élection à la présidence de la République de Nicolas Sarkozy. Celui-ci avait longtemps été à la tête d’un parti qualifié de « gaulliste ». Mais, sur la question d’Israël, il tourna résolument le dos à la position défendue par le général. Prônant désormais la défense quasiinconditionnelle d’Israël, Sarkozy met aujourd’hui en oeuvre une politique qui est l’image inversée de celle du fondateur de la Ve République.

Avis de David

Il est étrange de voir que l’on peut juger parfois l’état de la mentalité ambiante à un simple titre de livre. Comme le signale Paul-Eric Blanrue, Raymond Aron a bien écrit un livre avec le titre « De Gaulle Israël et les Juifs » fin des années 60. Cela ne semblait pas déranger comme maintenant. Comment en est-on arrivé là ? La réponse est complexe et une partie de cette réponse se trouve dans ce livre.

Tout d’abord, il faut signaler qu’on n’y trouve rien de sulfureux ni de dérangeant. Tout est précieusement et précisément documenté et au final tout lecteur un peu informé sur la situation au Proche-orient ne découvrira pas de grandes révélations mais plutôt une excellente synthèse. D’ailleurs étant donné que l’ouvrage contient près de 500 notes de bas de pages, il est facile de vérifier chaque affirmation, citation.

L’apport de l’ouvrage consiste surtout dans le décryptage que fait l’auteur de ces données, à commencer par la distinction entre lobby juif et lobby israélien mais aussi entre antisionisme et antisémitisme. Cette distinction est effectivement importante. En effet on peut être sioniste et antisémite et inversement. Mais il faut aussi distinguer le fait d’être sioniste et de soutenir la politique d’Israël. Ce que l’auteur souligne et ce qui est salutaire. Par contre, Paul-Eric Blanrue pouvait continuer à faire ces distinctions et ne pas qualifier absurdement Marx de « juif non-circoncis » puisque bien que d’ascendance israélite, son père s’était converti au protestantisme et Karl Marx a été baptisé au sein de l’Eglise luthérienne. Peut on encore parler de « Juif » dans ce cas ? Ce n’est pas sûr.

Concernant les liens entre Nicolas Sarkozy et Israël, ainsi que son soutien qui semble indéfectible à l’état hébreux, Paul-Eric Blanrue les décortique et en montre les connexions. Là encore tout l’intérêt du livre n’est pas dans des informations inconnues jusque là mais surtout dans la présentation synthétique de ces informations. C’est en reliant tous les points que l’on a sous les yeux que l’on voit le dessin apparaître.

Enfin, l’auteur nous donne ses conclusions, notamment pour désamorcer une situation tendue en France autour de cette problématique. Il conseille ainsi à la communauté juive de prendre ses distances avec ceux qui sont censés les représenter (comme le CRIF) ou non (comme Nicolas Sarkozy) et qui font l’amalgame préjudiciable entre sionisme et judaïsme. Paul-Eric Blanrue évoque aussi la loi Fabius-Gayssot qui de par sa nature dissuade « bien des antisionistes militants d’affronter publiquement les circonstances de la création de l’Etat d’Israël. » ce qui est évidemment préjudiciable pour le pays qui revendique la paternité des droits de l’Homme.

Il rejoint en cela feu Pierre-Vidal Naquet, le grand helléniste décédé en 2006 qui cosigna une déclaration disant notamment :
« L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique. L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui. »[[http://www.pierre-vidal-naquet.net/spip.php?article100]]

Le livre est donc intéressant, comme dit plus haut, pour l’excellente synthèse qu’il représente. Mais il n’y a rien d’explosif. Par conséquent on ne peut que s’interroger sur les problèmes qu’a eu l’auteur pour se faire éditer et distribuer. Au jour d’écriture de cet article, l’éditeur belge, n’a pas trouvé de distributeur en France. Le titre fait peur semble-t-il. Le contenu est quant à lui un bon exercice de journalisme.

Pour mémoire le livre de Jean Robin sur Finkielkraut a connu et connaît encore des difficultés à faire parler de lui dans la presse française.

La France a-t-elle oublié à ce point ce qu’est un vrai quatrième pouvoir ?

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 203
Editeur : Oser dire
Sortie : juin 2009
Prix : 16 €