Paris – Londres 1962-1989 – Avis +

Présentation officielle

Cette exposition explore les liens denses et complexes entre migrations, musiques, luttes anti-racistes et mobilisations politiques. Elle montre comment plusieurs générations d’immigration dans ces deux anciennes puissances coloniales se sont emparées de la musique pour faire entendre leurs droits à l’égalité, revendiquer leur place dans l’espace public, et contribuer aux transformations à la fois urbaines, économiques et culturelles des deux pays.

Véritable expérience musicale et visuelle, Paris-Londres. Music Migrations présente plus de 600 documents et œuvres d’art liés à la musique – instruments, costumes, photos, affiches de concerts, vidéos, pochettes de disques, fanzines… – des prêts d’institutions comme le Victoria and Albert Museum et la Tate Gallery mais aussi des ensembles issus de collections personnelles de musiciens (dont celle de Manu Dibango), un costume de Fela Kuti le « père » de l’afro-beat ou des réalisations de Jean Paul Gaultier.

La playlist de l’exposition fait entendre le reggae-punk de Poly Styrene, le makossa de Manu Dibango, le ska de Desmond Dekker, le R&B de Soul II Soul, le punk sans frontière de Rachid Taha, l’asian underground d’Asian Dub Foundation, le zouk de Kassav’, l’electro-rap de Neneh Cherry, l’afro-reggae d’Alpha Blondy, le reggae légendaire de Bob Marley, le raï moderne de Khaled, le rock métissé des Négresses Vertes…

Dans un contexte européen de repli national et de volonté de fermeture des frontières, l’exposition, qui ouvrira quelques semaines avant le Brexit, prévu le 29 mars 2019, se place au cœur de la plus brûlante actualité.

Avis de Claire

Quelle bonne initiative de revenir sur les années post-coloniales de la France et du Royaume-Uni, à travers le prisme de la musique. Durant ces années charnières, une immigration massive arrive progressivement dans ces deux pays, qui ont besoin de main d’oeuvre. Pour les deux puissances, des traumatismes, la guerre d’Algérie (1954-1962) pour la France et la partition douloureuse de l’Inde pour l’Empire britannique.

Ces pays partagent ainsi un même processus de fabrication de l’imaginaire, pour reprendre les mots de Benjamin Stora. Cette exposition, montre pour la première fois comment Paris et Londres ont bouleversé l’histoire de la musique, et comment ces peuples issus des migrations ont imposé leur marque. Notre patrimoine et notre héritage actuels se sont construits et nourris de cette diversité.

On parcourt les salles dans un ordre chronologique, et tout de suite, une différence majeure saute au yeux concernant les deux capitales. Outre-Manche, les quartiers d’immigrés sont au centre ville, tandis qu’à Paris, ils sont en périphérie, et donc en banlieue. Les deux histoires urbaines sont inversées, ce qui n’empêche nullement la même créativité, née de l’attachement aux origines.

Parmi les pièces remarquables, on note la présence du manuscrit original de La Marseillaise (1792), qui appartient à la famille Gainsbourg, mais aussi une lettre signée Nelson Mandela, prêtée par la bibliothèque d’Oxford, ou encore la robe créée par Jean-Paul Gautier pour Catherine Ringer pour le clip Marcia Baïla (quelle taille fine !). Notez d’ailleurs que tout au long du parcours, la musique se fait entendre : du ska pour ouvrir l’expo en passant par l’espiègle Jacqueline Taïeb, jusqu’au galvanisant London Calling.

Cette exposition, imaginée dès 2014, donc bien avant l’idée même du Brexit, s’avère d’autant plus passionnante dans ce contexte tendu. On regrette cependant de n’y trouver aucune mention de Farrokh Bulsara (alias Freddie Mercury, aux origines Pârsî) ou encore de Reggatta de Blanc, l’incroyable album aux influences reggae de Police, ou même de Khaled, qui en France, avait été l’un des rares artistes de langue arabe à se hisser en haut des charts.

Fiche technique

Adresse : Musée national de l’histoire de l’immigration Palais de la Porte Dorée 293 avenue Daumesnil 75012 Paris

Horaires : du mardi au vendredi de 10H à 17H30, de samedi à dimanche de 10H à 19H

Tarifs : Billet musée 6 euros