Morsure – Avis +

Présentation de l’éditeur

Elena se coule hors de son lit, prenant bien soin de ne pas réveiller son compagnon. Il ne supporte pas qu’elle disparaisse comme ça au beau milieu de la nuit. Quelle femme normale pourrait avoir tant besoin de retrouver la solitude des rues sombres et mal famées de la ville ? L’énergie contenue déchire ses muscles – elle ne peut plus attendre. Elle se glisse dans une ruelle, ôte ses vêtements et se prépare à la Mutation…

Elena fait tout ce qu’elle peut pour être normale. Elle hait sa force, sa sauvagerie, sa faim, son désir, ses instincts de chasseuse et de tueuse. Elle aimerait avoir un mari, des enfants… et même une belle-mère. En tout cas, c’est ce qu’elle voudrait croire. Et voilà que la Meute a besoin d’elle. Cette Meute qu’elle chérit et déteste tout à la fois est la cible d’une bande de déviants sans pitié.

Avis de Francesca

Bien loin des sentiers battus de la littérature féminine avec une héroïne sans peur et sans reproches, Kelley Armstrong nous présente, du moins dans ses premiers romans, Elena, une jeune femme beaucoup plus sensible et tourmentée. L’univers totalement fantasmagorique des loups-garous est entrainant et le lecteur baigne dans une ambiance mystérieuse et fascinante dès le début de l’histoire.

Elena est une femme différente et elle le sait. Elle le sent chaque jour de son existence, depuis cette terrible nuit qui a marqué la fin de son innocence et le début d’une vie remplie de mensonges et de secrets. Partagée entre deux mondes qui cohabitent mais ne se mêlent pas, elle ne se sent bien ni dans l’un ni dans l’autre, condamnée à se sentir étrangère à tout ce qui l’entoure. Cette perception est très forte pour le lecteur, renforcée en cela par la narration à la première personne et les drames successifs qui ont jalonné la vie d’Elena. Devant vivre avec ce poids, elle cache sa véritable nature à son compagnon et souffre en silence de cette dissimulation qui ne lui permet pas de vivre pleinement sa relation avec lui. Lorsqu’elle reçoit un coup de fil urgent de Jeremy, qui a tenu le rôle du père qu’elle n’a jamais eu durant de longues années, elle le rejoint immédiatement, retrouvant ainsi la Meute, à qui elle a du s’intégrer, et surtout Clay, celui qu’elle a follement aimé et qui a totalement bouleversé sa vie en faisant une chose impardonnable : en la transformant en loup-garou.

En intégrant les codes traditionnels concernant les loups-garous, Kelley Armstrong réinvente la légende en ajoutant un ton résolument contemporain dans ce roman dense et passionnant. Dans ce premier roman de la série, l’auteur s’attache faire découvrir le personnage d’Elena et l’univers des loups-garous. Alors que ce type de présentation est souvent fastidieux car le lecteur a du mal à rentrer dans l’intrigue, l’effet est très réussi dans le cas présent, avec la rencontre d’Elena et de Clay qui ont un passé commun à la fois plein de bonheur et douloureux mais qui reste porteur d’espérance pour la suite. Si Jeremy est l’Alpha du groupe, le mâle dominant auquel tous ceux de la Meute doivent obéir, Clay est également un véritable mâle alpha, comme en raffolent certaines lectrices, tout en force, charme et testostérone. Leur relation, empreinte de gravité et de passion sensuelle, fait des étincelles, donnant un aspect romancé idéal au roman.

L’auteur n’oublie toutefois pas de construire une intrigue très prenante et qui s’accorde avec l’histoire d’Elena. La violence et la bestialité de ces créatures sont présentes mais n’éclipsent pas fort heureusement l’émotion instillée par le personnage d’Elena, la seule femme loup-garou qui existe, ce qui la rend d’autant plus précieuse et encore plus différente, même au sein de la Meute.

Mêlant romance et fantastique, le livre est une belle et grande réussite pour un auteur qui gagne à être connu.

Avis d’Enora

La découverte de premier tome de la série Women of the Otherworld est une très agréable surprise. Kelley Armstrong utilise le thème fantastique dans un contexte contemporain en évitant tous les clichés et en nous offrant des personnages extrêmement fouillés et intéressants.

Son héroïne Elena a perdu ses parents dans un accident de voiture quand elle avait cinq ans. Ballottée de familles d’accueil en familles d’accueil, abusée par certains de ses « pères » adoptifs, elle se construit comme elle peut. Transformée en louve-garou à la suite d’une morsure à laquelle elle survit miraculeusement, elle sera adoptée par la Meute et particulièrement par l’alpha, Jeremy. Mais Elena est une rebelle, elle est persuadée que sans cette morsure, elle aurait été une personne équilibrée, parfaitement heureuse, capable de laisser derrière elle, toute sa colère, ses crises de rage et tout le bagage de son enfance. Elle veut être maîtresse de ses instincts et de ses impulsions, il est dans sa nature de lutter contre ce qu’elle n’a pas choisi et elle décide un jour, d’abandonner la Meute pour vivre pleinement son coté humain, même si ça veut dire mentir à l’homme avec lequel elle vit et contrôler en permanence, sa force, son appétit, ses sentiments et ses besoins hebdomadaires de mutation. Jusqu’au jour où…

Quand on demande à Kelley Armstrong, quel est son principal trait de caractère, elle répond qu’elle est logique, et que même en écrivant du fantastique, elle cherche à développer ses intrigues de façon à ce qu’elles restent pleine de bon sens. C’est de cette façon qu’elle a réussi à faire d’Elena, une héroïne aussi complexe, contemporaine et touchante. Ses questionnements sont ou ont été les nôtres à un moment de notre vie : « Comment m’accepter, m’aimer comme je suis ? Suis-je normale, digne d’être aimée ? Qu’est-ce qui me rendra heureuse ? Et surtout qui ? Philip le si gentil humain ou Clay, le loup-garou qui l’a choisie pour la vie, comme un loup choisit sa partenaire, mais qui l’a trahie et qu’elle rend responsable de son mal-être ? »

Le deuxième grand plus de ce roman est la façon dont l’auteur décrit les relations à l’intérieur de la Meute, la façon dont vivent ses membres, dont ils chassent, dont ils s’accouplent en tant que loups. Chacun a une personnalité propre, un parcours personnel que l’auteur nous retrace à l’aide de flash-backs.

A mille lieux des clichés qui assimilent les loups-garous à des créatures sans foi ni loi, guidées par leurs seuls instincts, Kelley Armstrong nous décrit au contraire un univers extrêmement attachant avec une organisation structurée. La classe dirigeante des loups-garous c’est la Meute avec à sa tête, un alpha qui exerce une autorité absolue. Les loups-garous extérieurs sont des cabots, considérés comme indignes de l’attention de la Meute. Seuls ceux-ci tuent des humains pour se nourrir mais en utilisant l’astuce des loups : ils s’attaquent aux bords du troupeau, aux individus malades, aux marginaux. Ni les loups-garous, ni les cabots ne tuent par plaisir et si l’un d’eux le fait, ce n’est pas parce qu’il est en partie animal mais au contraire bien trop humain ! Les femmes jouent un rôle insignifiant dans le monde des loups-garous (il faut dire que la mutation ne se transmet qu’aux mâles), elles ne servent qu’à deux choses, faire l’amour ou se nourrir et même pour les paresseux se nourrir après l’amour. Mais les membres de la Meute qui se sont installés à Stonehaven, ont appris à nouer des « relations » un peu stables avec les femmes de la région. Par contre, ils ne leur laissent pas élever leurs fils. Tous les enfants de sexe masculin sont retirés à leur mère dans la petite enfance pour que la Meute leur apprenne à maîtriser la transformation et à dominer les sentiments de colère ou de peur qui précipitent les changements.

Je pourrais vous parler pendant des heures de toutes les richesses de ce roman, mais je préfère vous laisser découvrir l’histoire d’Elena, de Jeremy, de Clay et de tant d’autres personnages passionnants. A noter pour les fleurs bleues de mon espèce, une émouvante histoire d’amour qui donne lieu à de très beaux passages.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 431
Editeur : Bragelonne
Collection : L’Ombre
Sortie : 22 août 2007
Prix : 22 €