Mary Shelley – Avis +

Présentation de l’éditeur

Pendant deux siècles, on a imprimé, traduit, lu, adapté Frankenstein sans se préoccuper de l’existence de son auteure. Le nom de celle qui l’avait écrit à 16 ans, publié à 18 était pourtant là, sur la couverture, à portée de regard. Mais Mary Shelley semblait comme invisible. Bien que femme de lettres reconnue, elle est longtemps restée pour la postérité l’obscure épouse du grand poète romantique Percy B. Shelley. À pied, en malle-poste, en charrette, à dos d’âne ou de mule, par les fleuves ou par mer, elle a parcouru l’Europe avec lui en compagnie de leurs amis, femmes et hommes alliés dans la même recherche de beauté. Ce n’est pourtant pas son seul exploit.

Dans son œuvre novatrice, elle s’est dressée de toutes les forces de son esprit contre les idées mortifères d’une Angleterre en plein essor industriel qui cherchait à normaliser ses citoyens (et plus encore, ses citoyennes) comme des produits à perfectionner. Avec son intrépide sagesse, elle a entrevu les dangers d’une société s’adonnant sans repères ni limites à l’ivresse du progrès scientifique. Et elle a imaginé le destin du monstre que cette société allait produire. Un être anonyme, meurtrier, sentimental et raisonneur, poursuivi par la haine du savant fou qui l’avait mis au monde.

Une histoire familière ? En effet, ce couple maudit hante toujours les cauchemars de nos contemporains. Du fond de ses temps éloignés, Mary Shelley nous lance un message qu’il est urgent de décrypter encore et encore.

Avis de Claire

2018 marque les 200 ans de la première publication de Frankenstein[[Une seconde publication retravaillée est éditée en 1831]]. On associe souvent plus volontiers ce nom à celui du visage grimé de Boris Karloff, qui a complètement dénaturé le mythe. On a oublié que cet incroyable récit a été rédigé par une toute jeune fille, à peine sortie de l’adolescence, quelque part près de Genève, entourée de son mari le poète Shelley, son ami Lord Byron et le fameux Polidori.

Jeune, elle l’est, certes, mais la mort rôde à ses côtés, depuis toujours. Sa mère, la célèbre Mary Wollstonecraft, femme de lettres féministe, meurt d’une fièvre puerpérale onze jours après l’accouchement. Mary perd ensuite sa demi-soeur, Fanny. S’en suivront des fausses couches, des enfants morts jeunes, jusqu’à la noyade dramatique de son mari, en Italie. Douloureuse et fidèle compagne, la mort ne pouvait qu’être l’objet de son plus puissant roman. Car qu’est-ce donc que ce Frankenstein si ce n’est une lutte perpétuelle contre l’indicible fin ?

Cathy Bernheim restitue pour nous le destin tragique, fait de fuites en avant, de passion dévastatrice, de profonds désespoirs non seulement de Mary Shelley, mais également de son poète d’époux, qui était marié lorsqu’ils se sont rencontrés. avec sa cousine, Harriet, laquelle se suicidera de chagrin. Encore la mort qui rôde… Tragique aussi le destin de Claire, l’autre demi-soeur de Mary, maîtresse malheureuse de Byron, et dont la petite fille Allegra sera ravie à la vie aussi trop jeune.

De pages en pages, on comprend donc ce qu’a été l’existence de Mary Shelley, perçant ainsi l’un des nombreux mystères de son oeuvre. On oublie aussi qu’elle a écrit six romans, dont le dernier se passe au 21e siècle, Le Dernier homme, où elle imagine la fin de l’humanité. Cathy Bernheim y revient longuement. De la même manière, elle analyse les difficultés de traduction inhérentes aux oeuvres dont chaque mot est un travail d’orfèvre, comme c’est le cas de Frankenstein.

On ne peut que vous recommander chaudement cette biographie érudite, qui se lit comme un roman. Notez que c’est la célèbre Diglee qui a signé la première de couverture, et c’est bien vu !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 280
Editeur : Editions du Félin
Collection : Biographie
Sortie : 21 juin 2018
Prix : 18 €