Les Garçons sauvages – Avis +/-

Présentation officielle

Début du vingtième siècle, cinq adolescents de bonne famille épris de liberté commettent un crime sauvage. Ils sont repris en main par le Capitaine, le temps d’une croisière répressive sur un voilier. Les garçons se mutinent. Ils échouent sur une île sauvage où se mêlent plaisir et végétation luxuriante. La métamorphose peut commencer…

Avis d’Anna

Transgression. C’est le mot qui encapsule sans doute le mieux cette proposition cinématographique de Bertrand Mandico. Pour ce premier long-métrage, le réalisateur creuse cette veine qu’il semble si enclin à explorer (Notre-Dame des Hormones, 2015). Le balancement est constant entre sensualité et scandale, mauvais goût et provocation, à l’image du viol introductif. En effet, sous le couvert de cette sublime image essentiellement monochrome, le cinéaste se livre à une expérience qui convoque tous les sens. Les yeux d’abord sont très vite absorbés par l’esthétique très plaisante du film. L’esprit, lui, s’égare dans le récit. La voix-off omniprésente, elle, nous guide 110 minutes durant et nous pousse à nous interroger sur Tanguy, Hubert, Jean-Louis, Romuald et Sloane et l’amitié qui les lie.

Le spectacle est au rendez-vous et le film un ovni. Pourtant, c’est son sous-texte qui capte l’attention. L’hyper-masculinité des protagonistes, leur goût pour la provocation et leur réaffirmation constante de tropes masculins placent la question du genre au cœur de l’œuvre. Ce qui est encore plus intéressant puisque Mandico a confié les rôles principaux à cinq femmes. Le réalisateur a misé sur l’androgynie de ces actrices et a poussé leur transformation à l’extrême. Leurs corps deviennent d’ailleurs des terrains de jeu qu’il met constamment en avant et à nu. La psychologie des personnages est un autre élément bien creusé.

Davantage, c’est l’hubris et la témérité de ces jeunes garçons qui leur coûtent leur masculinité et les amènent à en être déchus. Cette déchéance, littérale et symbolique, prend un chemin bien biblique quand on prête attention à l’île. En effet, cette île, où les plaisirs étaient sans aucune mesure, a une végétation luxuriante, évocatrice du jardin d’Éden. Sa forme (et son odeur) d’huître, elle, n’est pas anodine. Dans la mythologie grecque, elle renvoie à Aphrodite (ou Vénus chez les Romains), dont le nom signifie celle qui sort de l’écume de la mer. Cette déesse est associée à une imagerie de la vie, de la fertilité, de la végétation et de l’amour, comme on peut le voir dans la Naissance de Vénus de Botticelli. Une imagerie pleinement démontrée dans le film. De plus, la perle fait aussi partie de la symbolique chrétienne puisqu’elle est l’emblème du Christ, et est associée à sa naissance virginale.

Chaque recoin de l’île est un rappel constant de cette fécondité. Les plantes s’apparentent à des organes génitaux, dont les fruits nourrissent et procurent des plaisirs enivrants à des mâles attirés par l’étrangeté et l’abondance des lieux. La végétation est d’ailleurs un moyen pour le réalisateur de filer une métaphore sur les corps, commencée avec le personnage du Capitaine. Cette métaphore est notamment appuyée par une obsession phallique débordante, que l’on retrouve à l’écran et dans la surenchère de démonstration de virilité chez la bande d’amis.

Ainsi, c’est tout à fait à propos que le purgatoire symbolique de ces adolescents, soit un lieu aux allures divines. À la fois fertile et féminine, l’île est aussi un terrain de renaissance pour les protagonistes.

Mandico offre à travers ce conte une ode végétale singulière à la femme et une lecture parfois assez littérale et dérangeante de la masculinité. Par ailleurs, on peut regretter la longueur un peu excessive et inutile du film.

Fiche technique

Sortie : 28 février 2018

Durée : 110 minutes

Avec : Vimala Pons, Anael Snoek, Pauline Lorillard, Mathilde Warnier, Diane Rouxel…

Genre : Fantastique

Distributeur : UFO Distribution