Le baiser des ombres – Avis +

Résumé de l’histoire

Merry Gentry et la Princesse Meredith NicEssus sont la même personne. Merry Gentry est détective privé à Los Angeles, à l’Agence Grey, la seule agence d’enquêtes privées dont l’intégralité du personnel est fey. C’est quoi un fey, me demanderez-vous ? Vaste question à laquelle un personnage répond qu’être « fey » consiste en partie à être une créature des sens. Pour faire simple un fey est une créature surnaturelle qui appartient au monde de la Faërie. On trouve donc à l’Agence Grey, entre autres un Trow, un ogre, un homme-phoque, un médium et une femme mi-fey mi humaine, Merry.

Merry se cache à Los Angeles depuis trois ans. Elle a quitté son monde et ses amis afin d’échapper aux multiples tentatives d’assassinats auxquelles elle était régulièrement confrontée. En effet, il ne fait pas bon d’être une créature mortelle au milieu des immortels, encore moins d’afficher un manque consternant de pouvoir magique parmi l’élite de la Fäerie, surtout lorsqu’on est la nièce de la Reine de la Cour des Unseelie, qu’on a le statut de Princesse et que la Reine elle-même n’a jamais caché son désir de vous éliminer…

Bref, trois ans plus tôt, Merry a choisi l’exil et surtout de disparaître totalement. Elle s’est reconstruit une vie plutôt simple et sage entre son travail et son amant. Le bonheur, ou presque, dans l’anonymat. Et puis à l’occasion d’une enquête, son identité est révélée la forçant à fuir de nouveau. Mais la traque s’organise et bientôt Merry est rattrapée et doit être ramenée à la Cour des Unseelie. Merry découvre rapidement qu’en trois ans les choses ont bien changé et que sa tante la Reine Andais lui réserve un sort des plus inattendus…

Avis de Domino

Il ne faut pas s’attendre à retrouver le monde sombre et désespéré des enquêtes d’Anita Blake dans la série Merry Gentry. On peut même dire que les deux personnages sont l’antithèse l’un de l’autre. Merry respire la vie, la croque à pleine dents peut-être parce qu’elle a encore plus conscience que n’importe qui de son statut de mortelle. Par ailleurs, on est loin de la romance classique où au début de l’histoire l’héroïne est à la recherche de l’homme de sa vie, le trouve et finit par couler des jours heureux à la fin. D’une certaine façon, une variante moderne du conte de fées. Oubliez tout de suite ce schéma, si vous décidez de lire Le baiser des ombres. En effet, le roman baigne dans un très grand climat de sensualité mais aussi de violence. Les deux sont intimement liés et les scènes de combat alternent avec des ébats torrides tissant une toile qui peut déconcerter le lecteur.

C’est un roman violent, parfois à la limite du gore voire du grand-guignol où le sexe joue un rôle prépondérant. Les feys étant des «créatures des sens», le sexe a une importance vitale dans leur monde et Merry fait l’amour comme d’autres mangent du chocolat, avec délectation, mais surtout en dissociant totalement l’acte du sentiment. Et le lecteur non averti risque d’être surpris voire choqué de la grande liberté que s’octroie Merry. En effet, elle use (certains diront abuse) de son corps ; elle s’en sert pour guérir, négocier, donner du plaisir, en prendre mais toujours avec une absence de «morale» parfaitement réjouissante. Mais cette liberté ne rime pas avec absence de morale, loin de là, simplement la sienne est différente et certains aspects du comportement humain la choquent terriblement. Car si Merry est mi-humaine mi-fey, il apparaît clairement que c’est son héritage «fey» qui a pris le dessus. Elle pense comme un fey, agit comme tel et son héritage humain finit par se réduire à sa mortalité. Au fil du roman, d’ailleurs, cette «humanité» s’estompe et elle devient de plus en plus une créature magique à mesure qu’elle prend possession de ses pouvoirs, la rapprochant chaque fois un peu plus du monde de la Faërie.

A la sensualité et la violence, il convient d’ajouter un humour dévastateur, accentué par la narration à la première personne. Certaines scènes sont d’une drôlerie irrésistible qui vient alléger d’autres qui pourraient rapidement virer au glauque. L’épisode au commissariat de police est à cet égard une réussite dans le genre. Merry ne se fait guère d’illusions sur elle-même et le regard détaché qu’elle porte sur elle-même, en total décalage, avec celui que les autres portent sur elle participe également au comique de certaines scènes. Et pour parachever le tableau, la poésie qui flotte tout le long du roman contribue à créer une atmosphère faite d’étrangeté et de beauté.

La complexité de l’intrigue, la richesse des personnages, le cocktail détonnant de poésie, d’humour, de sensualité et de violence font de ce roman un livre fascinant, un livre qu’on quitte à regret.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 500
Editeur : Fleuve noir
Collection : Rendez-vous ailleurs
Sortie : 28 mai 2003
Prix : 25 €

Existe au format poche (Editeur : Pocket) mais est actuellement épuisé