La fin des elfes 2 – Episode 3

Le troisième épisode est disponible ici.

Quatrième épisode

Il se sentait excité, comme un enfant. Il posa son visage dans le mur blanc, et sentit sa peau rougir d’être mise ainsi à l’épreuve. Puis y il plongea ses bras à l’horizontal et se mit à rire quand il sentit ses doigts bouger à l’air libre, de l’autre côté. Il remua les bras tant et si bien que tout un pan de neige s’écroula sur lui. Il partit à la renverse, submergé par cette mini-avalanche. Il en ressortit penaud, mais surtout trempé. Sans compter qu’il avait réveillé Nassë, qui riait ouvertement.

« Je n’avais jamais vu un elfe adulte jouer avec la neige avec tant d’enthousiasme !
Tout en s’ébrouant, Olias avoua :
– C’est la première fois que j’en vois, et à plus forte raison que j’en touche. C’est magique !
Nassë s’empêcha de rire encore devant les yeux pétillants du guérisseur. Mais il sourit franchement quand il demanda :
– D’où venez-vous ? Ici, il neige 5 mois par an…
– Je viens du sud, des Déserts de Pierre. Je venais là pour trouver du travail.
– En tant que guérisseur ?
– Oui. Mais je dois avouer que l’accueil qu’on m’a réservé m’a refroidit plus que la neige. Donc j’étais en train de repartir pour trouver ailleurs.
– Je vois.
– Et en tant que guérisseur, je dois vous ausculter. Comment allez-vous ?
– Étonnamment bien, déclara Nassë, alors que j’étais si mal hier…
– Les secrets des plantes du désert ! Peu de plantes poussent chez nous, mais toutes sont utiles aux soins. Ceci dit, il va falloir que nous regagnons la Cité rapidement. S’il neige autant que vous le dites, ce n’est pas prêt de s’arrêter, et il est inutile d’attendre le dégel.
– Vous rentrez à Vancia finalement ?
– Je vous y accompagne seulement. Je ne vais pas vous laisser à votre sort maintenant. Mais mangeons un peu avant de partir. J’ai quelques pains de route. »

Les deux elfes grignotèrent. Quand ils eurent fini, Olias entreprit, avec un plaisir manifeste, d’écrouler le mur de neige. Ils sortirent et Olias resta bouche bée. Il ne put retenir un cri de joie :
– « Il neige ! Il neige ! »

Il se précipita dehors et dansa sous les flocons. Il levait la tête vers le ciel et les gobait. Nassë le regardait, partagé entre fou rire et stupéfaction de voir un elfe agir si naturellement. La communauté elfique de Vancia était si rigide… On y voyait rarement un adulte se conduire avec tant de naturel. C’était rafraîchissant, et surtout, il était compréhensible que l’entretien se soit mal déroulé.

Olias finit toutefois par sortir sa boussole pour s’orienter. Il expliqua à Nassë comment il était arrivé jusque là, et ils décidèrent, avec logique, de redescendre la côte. Ils marchèrent longtemps. La neige les ralentissait un peu, mais le tapis restait fin. La première neige n’était jamais très abondante. Ils parvinrent à la forêt en milieu de journée. Ils n’eurent pas à avancer longtemps avant d’entendre des cavaliers.

De concert, ils s’élancèrent dans un arbre, pour se cacher. Ils guettèrent, silencieux et inquiets. Mais ce furent cinq elfes, en armes, qui apparurent. Nassë et Olias redescendirent, et les attendirent. Quand les cavaliers les rejoignirent, l’elfe qui était en tête se précipita vers Nassë, sans accorder un regard à Olias, et, à la grande surprise de celui-ci, se prosterna devant lui.

– « Prince Nassë ! Tout le royaume est après vous !
Olias ne put s’en empêcher :
– Prince Nassë ? Y’a-t-il quelque chose que vous avez omis de me dire ?
Nassë lui sourit, d’un air d’excuse.
– Je n’aime pas tout ce protocole et ces grands mots. Alors, et bien, j’ai profité de ces deux jours pour vivre, hum… en anonyme.
– J’avais l’air fin, répondit Olias, l’air faussement pincé.
– Vous m’avez sauvé la vie, vous serez toujours quelqu’un de noble, pour moi. Et si vous voulez rester à Vancia, je peux vous faire nommer comme mon guérisseur personnel. Je n’en n’ai jamais eu, au grand dam de mon entourage…
– J’aimerais rester mais je veux pouvoir soigner beaucoup de monde. Je ne veux pas vous offenser, mais seulement vous, ça risque d’être vite ennuyeux.

Les cinq soldats regardèrent Olias d’un air scandalisé. L’un d’entre eux ne put retenir un :
– On s’adresse au Prince en disant « Mon Seigneur » ou « Prince » !
– Cela fait deux jours qu’il s’en passe, et il va plutôt mieux que lorsque je l’ai rencontré.
Nassë éclata de rire.
– Je peux m’en passer, effectivement. Et vous officierez dans les salles de guérison publiques, mais au cas où j’ai besoin d’un guérisseur, je m’adresserai à vous.
– Entendu. »

Et depuis toutes ces années, l’amitié des deux elfes s’était renforcée.

Mais aujourd’hui, Lossëa s’était en allée. Elle semblait s’être remise, et pourtant, c’en était une qu’il n’était pas convaincu d’avoir sauvée. Il aurait voulu la garder en observation, et mettre Nassë en garde.
« Ne t’attache pas trop à elle… Tu vas souffrir. »

Puis il avait vu que le prince n’était pas dupe. Son regard avait changé. En quelques jours, il avait acquis une certaine… maturité. Le prince, protégé, isolé, élevé dans un cocon de soie, avait vu le monde. Ou plutôt, le monde l’avait touché, de son doigt sale et rugueux.
Alors il s’était tu. Pour une fois, il avait gardé son sarcasme pour lui, pour l’amour de son ami.

Enfin, ils passèrent les renforts qui protégeaient leur cité, Vancia. La plupart des membres de leur groupe étaient attendus par leurs proches. Nassë fut immédiatement emmené dans les appartements royaux, pour prouver à ses parents que leur fils unique et héritier était bien rentré vivant, et entier.

Mogad devait aller à la caserne, pour le compte-rendu de mission, et lui se retrouvait seul. Maiwen ne l’attendait jamais quand il rentrait. Elle savait qu’il avait horreur des démonstrations sentimentales en public. Il se dirigea chez lui, et à son grand étonnement, y trouva son épouse. Elle se leva et se jeta à con cou à son arrivée.

Et lui murmura « Je suis enceinte ».

FIN