L’Etrange Festival 2022 – Compétition internationale

Cette année, votre agent n’a pu faire que la moitié du festival, de ce fait, notre petit marathon cinéma et découverte a duré entre le 6 et le 12 septembre 2022.

Allons tout d’abord vers la compétition internationale , catégorie long-métrage.

Comme les années précédentes, les films sont classés par ordre alphabétique, sauf ceux qui ont eu des prix et que nous avons eu la chance de voir (un sur deux ici).

Rappelons tout d’abord le palmarès de cette année :
Grand Prix – Nouveau Genre 2022 : Sick of Myself (Syk Pike) de Kristoffer Borgli
Prix du Public 2022 : La fuite du capitain Volkonogox (Kapitan Volkonogov Bezhal) de Natalia Merkulova et Alekseï Chupov

Sick of Myself de Kristoffer Borgli (Grand Prix)
Signe est en couple avec Thomas depuis un moment. Elle l’aide dans son expression artistique, car elle pique avec lui du mobilier. Avec les objets de leurs larcins, Thomas fabrique d’autres meubles. Dans leur cercle d’amis, Thomas lui vole toujours la vedette. Il attire l’attention, captive son auditoire, pendant que Signe crève de jalousie. La jeune femme veut être reconnue, a besoin qu’on s’intéresse à elle. Sur les réseaux comme dans la vie, elle est cependant banale, et est d’autant plus reléguée au second plan, lorsque Thomas commence à percer.

Peu à peu, Signe va alors aller dans les extrêmes pour attirer l’attention sur elle. Quand sauver une vie ne suffit plus à être sous les projecteurs, elle décide alors de détruire la sienne pour attirer la pitié.

Signe et Thomas forment un couple malsain, néanmoins, ils représentent bien une tranche de la population qui a sans cesse besoin d’être reconnus. L’un comme l’autre veulent capter l’attention. On se demande comment ils peuvent se supporter lorsqu’on voit à quel point ils ont des remarques mesquines et des comportements toxiques l’un envers l’autre. Signe met alors le doigt dans un engrenage qui tourne au toujours plus.

Kristine Kujath Thorp (que vous pouvez voir actuellement dans Ninja Baby) est captivante tant on peut la trouver superficielle. Son univers est bâti sur du « moi, je ». Le personnage est d’un égocentrisme effrayant, elle a quand même la force d’attirer notre pitié et c’est tout là la force du film. Il critique cette volonté de captation de l’attention, mais réussit tout de même à ce qu’on lui donne tout notre intérêt. On a envie de savoir comment Signe va finir. On regarde avec une curiosité malsaine voir sa vie se dégrader et on s’interroge jusqu’où elle ira. Kristoffer Borgli offre un film sur le paraître et il est passionnant (notons également qu’il possède un humour noir bien dosé). (Sortie nationale : le 31 mai 2023)

Hot Blooded de Cheon Myoung-kwan
Hee-soo est un petit gangster qui gère tranquillement son coin de ville pour un parrain. Il est connu des habitants, appréciés. Il ne trempe pas dans la drogue ou dans les commerces peu scrupuleux. De son côté, il veut réunir assez d’argent pour se marier avec une amie d’enfance et vivre comme il l’entend loin du port de Kuam.</img23512|right>

Cependant, certains chefs de gang décident de sortir un peu la tête. Il y a des vagues qui commencent à se former et il faut faire redescendre ce petit monde sur terre. Mais comment gérer la crise lorsque les magouilles, petites trahisons et manipulations viennent mettre des cailloux dans l’engrenage. Le port est un lieu stratégique et ce ne sont pas que les petits poissons qui sont intéressés. Hee-soo va ainsi se voir happé par un engrenage sans fin.

Hot Blooded est un film de gang assez classique porté par de bons acteurs. On peut reconnaître certains visages et ils sont clairement crédibles. Les intonations, les expressions, nous ne faisons pas face à des enfants de choeur. Néanmoins, s’il fait le job, ce dernier reste assez classique. Il n’y a pas vraiment de surprise dans l’évolution ni la monté de la tension. On nous fait bien comprendre que c’est un milieu dont on ne sort pas, du moins, pas vivant ni intègre.

Le rythme peut également paraître un peu lent et l’effet de style du début n’est pas vraiment nécessaire. Bien sûr, on s’intéresse à Hee-soo et à son entourage. On se demande qu’elles vont être ses décisions, mais on ne sort pas vraiment marqué par notre visionnage.

La Piedad/La Pieta d’Eduardo Casanova
Mateo est proche de sa mère, Liberdad. Cette dernière participe à une troupe de danse, il aime l’observer. Liberdad prend des cachets pour dormir, Mateo non, car il dort bien avec elle à ses côtés. Mateo et Liberdad ont une relation singulière et fusionnelle, mais surtout terriblement malsaine. Liberdad sait mieux que lui ce dont il a besoin, elle fait tout pour lui et refuse qu’il s’éloigne. Le jeune homme se sent néanmoins un peu attirer par l’indépendance et la liberté, mais cet élan est freiné par une macabre nouvelle : Mateo a un cancer.

Il est compliqué de parler du film, car l’histoire n’est pas des plus roses. Si la couleur est omniprésente avec le noir, c’est pour donner un aspect graphique important à l’image. Cela est très réussi car c’est visuellement très percutant. Chaque plan nous rend curieux, on s’interroge sur cette relation et comment elle est née. Mateo est un prisonnier, il est sous emprise et c’est impressionnant à voir. Les images choquent, elles sont parfois très crues, malsaines. On est toujours sur un fil et on est dérangé par ce qu’on voit. On a envie de sauver le jeune homme de lui-même et de Liberdad.

La Pieta est un film absolument fascinant et intéressant. Pourquoi celui-ci est entrecoupé de scènes où l’on suit des nord-coréens ? Il faut le découvrir en voyant ce film si singulier. C’est une claque visuelle, artistique qu’il ne faut pas mettre sur tous les écrans avec des performances d’acteurs absolument incroyables. Petite information en plus, le film semble être en partie produit par Netflix, alors on espère qu’il arrivera en entier sur la plateforme !

Life for Sale de Tom Teng
A Liang est courtier en assurance. Il n’a pas vraiment de passion dans la vie. Il fantasme sur sa voisine, une jolie mère célibataire avec qui il boit de temps en temps. Les jours passent et le jeune homme trouve de plus en plus sa vie vide de sens. Il tente à plusieurs reprises de se suicider avant de se dire qu’il serait peut-être plus utile de vendre sa vie sur internet. Cependant, il ne pensait qu’il que son annonce allait attirer l’oeil de personnes peu enclines à lui laisser le choix.

L’idée de base est très intéressante. L’ambiance et la photographie ont vraiment un cachet et marquent l’esprit. Le jeu des lumières et la mise en scène ne peuvent qu’attirer notre regard sur l’écran. Néanmoins, le film ne décolle jamais vraiment et c’est bien dommage. Il prend beaucoup de temps pour démarrer, et à chaque fois qu’on se dit qu’il prend de l’élan pour nous en mettre plein les yeux, le rythme retombe comme un soufflet. On finit alors par s’ennuyer et sortir du film, même si quelques scènes reprennent notre attention quelques minutes.

Spiritwalker de Yoon Jae-geun
Un homme avec une blessure par balle dans l’épaule vient d’avoir un accident de voiture. L’intéressé ne sait plus qui il est et découvre que l’automobile n’est pas à lui mais à un certain Ian. Tout semble lié à cette personne, Ian, mais notre héros a des difficultés pour s’approcher de la vérité, car en effet, toutes les 12 heures, son esprit change de corps.

Le concept est hyper intéressant, car comme notre héros, on ne sait rien de ce qu’il se passe. Il est balancé dans une chasse à l’homme où il est parfois délicat d’avancer. Il faut qu’il s’adapte à l’environnement et aux personnalités des personnes qu’il possède, ce qui n’est pas toujours facile. Petit à petit on commence à voir le tableau d’ensemble, et on a hâte d’en comprendre le sens.

Spiritwalker souffre cependant de longueur. Le suspense joue dans le fait qu’on ne comprend pas forcément ce qu’il se passe et qu’il nous manque les liens entre les différents protagonistes, mais c’est parfois long. Certains possessions sont moins intéressantes que d’autres, le fil peut être perdu, même s’il y a une logique. Tout s’accélère d’un coup. Voilà un film assez intéressant, mais il lui manque un petit quelque chose qui l’aurait rendu passionnant. (Sortie le 17 novembre 2022 en DVD)

The Roundup de Lee Sang-yong
Les malfrats sud-coréens s’enfuient en Asie du Sud Est pour échapper à la justice de leur pays. Certains commettent leurs crimes en profitant des faiblesses du système judiciaire concernant les victimes coréennes. L’inspecteur Ma, un bourrin avec un sens aiguisé de la justice, est invité à se présenter au consulat du Vietnam pour transférer en Corée un délinquant qui s’est rendu lui-même aux autorités. Accompagné de son supérieur, l’inspecteur Ma comprend rapidement que cette fripouille trempe dans quelque chose qui le dépasse.

Il se met ainsi sur la piste de Kang, un criminel qui enlève des riches touristes coréens, se fait verser des rançon et tuent sans scrupules ses victimes. Kang est impitoyable et ceux qui croiseront son chemin en feront les frais.

The Roundup est la suite du film The Counter, où MA Dong Seok campait déjà le rôle de l’inspecteur Ma. Ici, on met la procédure au trou et on fonce dans le tas, comme sait si bien le faire notre héros. Ses méthodes sont peu orthodoxes mais très efficaces. Ma n’est peut être pas très fin, mais il n’est pas idiot. Ce film est un concentré d’action et de violence. Kang n’est clairement pas un tendre mais il est futé. L’équipe qui entour notre policier apporte quelques touches d’humour et on adore. Tout comme l’exceptionnelle Kang qui en laissera plus d’un bouche bée.

The Roundup est un film qui n’a pas de temps mort. Il est rude et on ne s’ennuie pas une minute. La seule chose qu’on relèvera , c’est qu’à la sortie du visionnage, on a encore le bruit des coups de couteau et de machette dans les oreilles. Le bruitage est en effet exceptionnel pour chaque coup porté.

We might as well be dead, de Natalia Sinelnikova
Dans une résidence coupée du monde, tout est parfait. Les règles strictes et le contrôle minutieux des dossiers des nouveaux résidents permettent d’écarter les risques de délinquances et de nuisances. Rien ne peut troubler cette tranquillité. Ou presque. Anna s’occupe de la sécurité. Rien ne la perturbe, du moins c’est ce qu’elle essaye de faire croire car sa fille refuse de sortir de la salle de bain. Cette dernière dit avoir l’oeil du diable et pour preuve, le chien du gardien a disparu et elle a vu sa mort dans ses rêves.

Anna n’y croit pas, elle veut montrer à sa fille qu’elle n’a pas de « vision ». Elle veut la faire sortir de son enfermement. Bref, elle veut redevenir « normale » et montrer qu’il n’y a rien de bizarre dans la résidence. Cependant, plus elle va essayer, plus son comportement devient étrange et provoque des dérapages. Et qui dit perturbation, dit tension et suspicion.

C’est une sorte de huis clos dans une résidence où les voisins deviennent les pires ennemis. Un changement dans le comportement, un regard de travers, si quelque chose ne va pas, il faut l’identifier et l’éliminer. Il y a clairement une comparaison avec la société où il faut montrer patte blanche et on écarte les brebis galeuses qui n’entrent pas dans le cadre. Il faut paraître normal, lisse, sans défaut évident.

We might as well be dead fait monter peu à peu les tensions, mais ne semble jamais aller vraiment au bout des choses. On peut finir par s’ennuyer un peu, et ajoutons à cela que des questions nous turlupinent et n’ont pas vraiment de réponses.