Interview de Maya Banks

Question : Vous êtes une romancière particulièrement prolixe, vous écrivez de tout : peut-on savoir quel genre a votre préférence ?

Maya Banks : Honnêtement, je n’ai pas de préférence. J’adore écrire dans plusieurs genres différents car à chaque fois c’est nouveau et frais pour moi. Si j’écrivais la même chose, livre après livre, je m’ennuierais à mourir ! Je m’enfuirais de la pièce où j’écris !

Donc si j’écris un livre KGI puis une romance érotique puis sur les highlanders, cela fait un cercle et quand j’en reviens aux KGI, je suis impatiente de retourner dans cette histoire. Alors que si j’écrivais KGI après KGI j’en aurais vraiment marre de rester avec les mêmes personnages.

Question : Et pourquoi pas du paranormal ?

Maya Banks : J’ai écrit quatre romances paranormales, il y a quelques années. Ce n’est pas que je n’en écrirai plus jamais mais je pense qu’il n’y a pas de marché pour ce que j’aime écrire dans le paranormal ! Surtout que dans le paranormal, le mec est toujours le métamorphe, le vampire, etc et la fille est toujours la petite humaine fragile.

Dans les livres que j’ai écrit, le coté paranormal c’était la fille et l’humain c’était l’homme ! Je ne l’ai pas fait faible évidemment ! Pour moi c’est tellement plus intéressant, de voir la femme en tant que métamorphe, les voir tomber amoureux, voir l’homme terrifié face à ce coté animal mais surtout terrifié qu’il lui arrive quelque chose, que quelqu’un la tue ! Cela peut être très tendre et romantique !

Je suis une rebelle vous savez ! J’aime les faire tourner en rond, jouer avec eux. Par exemple dans ma trilogie Surrender, qui est sortie aux Etats Unis en février, l’héroïne a perdu son mari trois ans plus tôt et le meilleur ami de son mari est amoureux d’elle depuis presque toujours. Il n’a jamais tenté sa chance car elle n’était pas prête. Beaucoup d’auteurs tombent dans le même cliché : quand une femme a été mariée ou était avec quelqu’un avant d’être avec le héros, ils font passer le premier mari pour quelqu’un de mauvais, méchant… comme une excuse pour rendre le héros meilleur à nos yeux.

Je n’aime pas ça : on peut aimer plus d’une personne dans sa vie ! Donc dans cette histoire, elle le pleure vraiment, il était son âme sœur, ils s’aimaient vraiment jusqu’à son accident de voiture. Il lui manque vraiment et c’est là que l’histoire commence et c’est problématique car avant d’avoir une relation d’ordre romantique, le meilleur ami de son mari était son ami, elle lui parlait de lui tout le temps, de son chagrin, du manque qu’elle ressentait.

Quand ils commencent à être impliqués romantiquement parlant, elle se sent bizarre : elle se demande si elle peut encore lui parler comme avant, si ramener son mari sur le tapis ne le rendrait pas jaloux, ou ne le diminuerait pas en tant qu’homme. Là où la plupart des auteurs auraient décidé de faire du mari un homme abominable, j’ai décidé que mon histoire, ce ne serait pas ça.

Le deuxième livre est à propos de la sœur de Carson (le mari décédé), même s’il est mort il est très présent dans les histoires et est quelqu’un de très sympa : on l’aime bien et on apprend à le connaître à travers les souvenirs des autres personnages. Il devient un personnage à part entier même s’il est mort.

L’histoire de Letting Go, le premier livre de la série Surrender, commence avec Joss (la veuve) au cimetière, devant la tombe de son époux disant « Au revoir, c’est la dernière fois que je viens te voir. Je ne veux pas me rappeler de toi ainsi. Je t’aimerai toujours mais il faut que j’avance.« . Et à la fin du livre, dans l’épilogue c’est Dash (le meilleur ami, et le nouvel amour de Joss) qui vient voir la tombe de Carson et lui dit « Ne t’en fais pas je veillerai sur elle. Ne t’inquiète pas. Je l’aime, nous t’aimions tous les deux« .

Question : Pouvez vous nous redire les dates de publications de cette série ?

Maya Banks : Pour la France je ne sais pas. Aux Etats Unis, le premier est sorti en février, le deuxième en mai et le troisième sortira en août. L’ironie par rapport à ce livre c »est que j’ai eu l’idée… enfin quand j’écrivais la trilogie Breathless (Rush en VF), j’ai dû mettre ce livre de côté car il fallait que je me concentre su la trilogie Breathless.

Ensuite, j’ai passé un contrat pour ces livres, et en janvier mon père est tombé malade et est mort en juillet. Et c’est à ce moment là que je devais écrire Letting Go. Il y a beaucoup de réalisme dans ce livre, c’était assez dur pour moi de l’écrire mais c’est une réflexion de ce qui se passe dans la vie, cela arrive.

C’est pourquoi j’ai dédicacé le KGI à mon père, car il a été publié juste avant qu’il meurt. Je me souviens que ma belle-mère allait le voir à l’hôpital et le lui lisait la dédicace. Je vais m’arrêter là sinon je vais pleurer !

Question : Merci d’avoir partagé tout cela avec nous. Cela nous touche. KGI est une nouvelle série en France : pouvez vous nous en parler ?

Maya Banks : Cette série est probablement la plus populaire aux Etats Unis, le premier tome est sorti en 2010, et j’en publie deux par an environ. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de romantic suspense dedans, pour c’est surtout à propos de la famille. Et dans la plupart de mes livres vous verrez si vous creusez un peu, quel que soit le genre, cela a toujours en commun le thème de la famille et que le sang ne fait pas forcément la famille. Vos meilleurs amis peuvent être votre famille.

Donc dans cette série, il y a six frères de la famille Kelly, qui ont tous servi dans des branches différentes de l’armée. Il y a aussi les parents Marlene et Frank, ils sont vraiment la matriarche et le patriarche de la famille et mama Kelly remet ses enfants à leur place quand elle le doit, même s’ils sont adultes maintenant. Même si elle ne fait pas partie du côté romance de cette série, elle est un personnage central dans les romans.

J’ai donc commencé avec le frère du milieu, Ethan qui a servi dans la Navy, et sa femme Rachel, qui a fait une fausse-couche. Ethan a donc quitté la Navy pour s’occuper d’elle mais ils n’ont plus jamais été heureux après cette tragédie. Leur mariage volait en éclat : ils sont arrivés au point de non retour. Rachel est prof, elle va en Amérique du Sud pour une mission humanitaire, pour amener de la nourriture pour les enfants.

Mais l’avion dans lequel elle revient aux Etats Unis se crashe et il n’y a aucun survivant. Le pire c’est que, avant qu’elle ne parte pour cette mission humanitaire, Ethan demandait le divorce : mais pendant qu’elle est en Amérique du Sud, il se tape la tête contre les murs en se disant qu’il n’est qu’un con, qu’il doit la supplier à genoux de lui pardonner et lui promettre qu’il va changer d’attitude.

Il n’en n’a pas eu l’opportunité vu qu’elle meurt : il est totalement dévasté, il se sent coupable car la dernière chose qu’il lui ait dite est « Je veux divorcer« . Il prie pour une journée de plus avec elle. Mais lors des un an de sa disparition, Ethan reçoit une lettre mystérieuse avec beaucoup de papiers, des cartes, des images satellites et une photo qui le fige : la femme qui est sur cette photo est le portrait craché de Rachel.

Elle est dans un campement assez rustique, très rudimentaire. Il y a aussi une note dans cette enveloppe disant « Ta femme est en vie« . Donc il examine tout au peigne fin et va voir ses frères, qui dirigent KGI, qui sont très inquiets pour lui depuis la disparition de Rachel, qui ont essayé de le faire sortir de chez lui, de le faire travailler avec eux pour l’aider à avancer et à faire son deuil. Au départ, ils ne le croient pas évidemment, lui conseillent de faire son deuil, de laisser Rachel partir.

Mais Ethan les force à regarder les papiers, et leur dit au final « C’est ce qu’on fait ». Peu importe si c’est Rachel ou non, mais cette femme n’est pas là de son plein gré. Donc il faut qu’on aille la sauver que ce soit ma femme ou pas. Donc tous s’en vont pour cette mission, bottent des fesses, et Ethan revoit sa femme pour la première fois, qui n’est que l’ombre d’elle même.

Ses ravisseurs l’ont maintenue sous drogues et elle est devenue dépendante, pour qu’ils puissent la punir si elle agissait mal, ils ne lui donneraient pas ses « médicaments ». C’est une histoire de seconde chance : Ethan est vraiment reconnaissant pour ça mais Rachel ne se souvient de rien. Elle a littéralement passé une année en enfer.

Elle voyait le visage d’Ethan dans ses rêves mais elle ne pensait pas qu’il était réel, elle le voyait comme son ange gardien. Quand elle revient, elle est tellement traumatisée qu’elle ne reconnait plus rien : ni son mari, sa maison, sa belle famille. Leur histoire est celle d’un couple qui doit se reconstruire mais aussi qui doit raviver la flamme de leur amour.

La partie suspense de cette histoire est que quelqu’un essaye de tuer Rachel et ils ne comprennent pas pourquoi : le cartel de drogues qui l’avait enlevée, aurait-il fait crasher l’avion ? Pourquoi aurait-il fait Rachel passée pour morte ? Car ils n’ont jamais demandé de rançon, rien du tout, jamais ! Ils ont donc dû la garder avec un but précis ! Il y a quelques essais pour la tuer et puis quand sa mémoire commence à revenir, elle…

Question : Ne nous dîtes rien !!! On veut pas savoir à l’avance.

Maya Banks : C’est vrai que c’est un gros spoiler ! (rire)

Question : Vous avez de l’expérience par rapport à l’armée ? Car dans les KGI, c’est très exploré.

Maya Banks : Beaucoup de gens dans ma famille ont servi dans l’armée, et je connais aussi des gens qui sont actifs où des gens retraités. Mais le plus important c’est que dans les neufs tomes de la séries KGI, ils nous ramènent tous à la notion de famille. C’est à propos de liens familiaux très forts, et de faire tout son possible pour sa famille.

Question : C’est très beau car c’est un amour que l’on ne peut pas détruire !

Maya Banks : Oui, surtout que j’adore les mariages dans les histoires d’enlèvement ou des mariages en dangers. Dans les romances habituelles, le couple se rencontre, va à des rencarts, tombe amoureux et vit heureux pour toujours. Moi j’aime prendre l’histoire après le happy end : comment cela se passe ?

J’aime montrer la difficulté du mariage, comment le couple essaye de ne pas tomber dans la routine. Je l’ai également fait dans la trilogie Surrender : c’est à propos d’un couple marié. Dans la série KGI, on voit que tout n’est pas rose dans leur histoire. J’avoue que j’ai fait cela car personne d’autre ne le faisait.

En général, j’ai envie de lire un type particulier d’histoire et je regarde et quand il n’y a rien qui comblent mes envies je me dis bon je vais l’écrire. Comme je suis une lectrice, je me dis que d’autres voudraient peut être le lire aussi. C’est comme les histoires de triolisme : d’habitude, ils se rencontrent tombent amoureux, font partie d’un relation peu conventionnelle.

Dans tous les livres que j’ai lus, il y avait peu d’émotion et à la fin de l’histoire un des mecs se faisait larguer et les deux autres vivaient heureux pour toujours. Cela me rendait furieuse : le pauvre homme ! Qu’allait-il se passer pour lui ? Je ne pouvais pas trouver une seule histoire où les trois personnes restaient liées.

J’avais raison : c’est l’un de mes livres qui s’est le mieux vendu de toute ma carrière, d’autres personnes avaient le même rêve que moi. Personne n’écrivait quelque chose comme ça à l’époque où je l’ai publié. Avant d’écrire quelque chose qui me plairait, je regarde toujours si quelqu’un l’a déjà fait dans le cas contraire, je me dit « Pourquoi pas moi ? »

Question : Vos scènes de sexe sont pleines d’émotions, ce qui est assez rare, on adore.

Maya Banks : J’adore quand il y a beaucoup d’émotion et beaucoup d’encre. Je pense que les scènes de sexe sans émotion sont ennuyantes. Je ne dis pas que la première fois où les héros couchent ensemble, ils doivent s’avouer leur amour éternel : il y a d’autres moyens de faire ressentir les émotions ! Cela peut être la découverte : les personnages ne s’attendaient pas à ce que cela soit si bien.

Même si ces scènes surviennent après un flirt léger et se dire « Finalement j’aime bien ce type« . En général dans les scènes de sexe, les auteurs n’intègrent pas ce que les personnages pensent ou disent. Sans émotions, cela ne sert à rien : autant aller regarder un porno. Je veux une vraie histoire ! Les émotions comme la famille, c’est quelque chose qui se retrouvent toujours dans mes écrits.

Question : On a adoré votre séries sur les Highlanders, pourquoi avoir choisi le thème des Highlanders dans une romance historique ? Pourquoi pas une de type Régence, par exemple ?

Maya Banks : Dans les romances régences, les hommes ressemblent à des cakes aux fruits : ils portent des collants bon sang ! Je ne peux pas m’enlever cela de la tête quand j’écris, ce n’est pas sexy ! Mais aussi, j’ai écrits sur les Highlanders car mon auteur préférée est Julie Garwood. J’étais tellement déçue quand elle a arrêté d’écrire de la romance, elle était tellement douée. Et maintenant ces livres sont plus des thrillers, je n’aime pas trop.

Beaucoup d’auteurs font ça : j’adore leurs vieux livres, et maintenant je ne sais pas ce qui leur est arrivé, si on leur a fait une transplantation de cerveau. Il y a Linda Howard et Christine Feehan qui ont réussi à me faire lire du paranormal, moi qui n’ai jamais compris comment les vampires pouvaient être sexy. Mais j’ai lu un des ses Dark Book et j’ai eu un coup de cœur, je les ai tous lus !

Mais quand j’ai commencé les Drake sisters, il y a beaucoup de choses que je ne comprenais pas, comme si elle changeait d’avis entre chaque livre. C’était trop compliqué : il y a des choses que de simples discussions auraient pu régler. Elizabeth Lowell, j’adore ses vieux livres qui étaient tellement romantiques. Et j’était vraiment en colère, très personnellement d’ailleurs (rire) quand elle a tenu à écrire une note dans l’une de ces rééditions : « Je n’écrit pas ce genre de livres« .

C’était tellement dédaigneux, elle est ce qu’elle est aujourd’hui, grâce à la romance, elle n’a pas le droit de rejeter ça, c’est grâce à ses lecteurs qu’elle a réussi. Elle a bien pris l’argent des ventes de romance, ce n’est pas parce que elle se croit trop bien pour écrire de la romance à présent qu’elle doit leur cracher dessus. Je ne comprends vraiment pas ! J’espère ne jamais écrire autre chose : j’aime tellement la romance !

Questions : Quels sont vos auteurs favoris à présent ?

Maya Banks : Laissez moi réfléchir…. Les livres de Christine Ashley, j’adore ce qu’elle fait, c’est une exception, d’habitude je n’aime pas ce genre où l’on écrit à la première personne.

Question : Et Nalini Singh ? C’est l’une des rares à écrire de l’urban fantasy à la troisième personne !

Maya Banks : Je lui ai envoyé un email ! On a le même éditeur vous savez. Je ne lis jamais de l’urban fantasy : je n’aime pas ça, et je ne m’en soucis pas. Mais pour Nalini, j’ai fait une exception et quand j’ai ouvert le livre j’ai hurlé : « OH MY GOD » ! C’est là que je lui ai envoyé un email « Merci, merci, merci, merci, merci, merci, MERCI !!!!! Merci d’avoir écrit de l’urban fantasy à la troisième personne !« . Elle a rit, et puis ensuite elle m’a avoué « Tu sais, au départ … Je l’avais écrit à la première personne ! Mais ensuite, j’ai changé d’avis. » Et je me suis dit « Thank you Jesus ! »

C’est l’une des rencontres qui nous a le plus touchées, tant Maya Banks est différente de ce que l’on attendait et se livre avec honnêteté, émotion et une incroyable franchise. Comme souvent, cela nous ouvert les yeux sur ses écrits. Un grand merci à elle et aux Editions Milady pour avoir permis cette rencontre

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