Interview de Marie Lu

Onirik : Bonjour Marie et merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à quelques questions. Vous avez déclaré vous être inspirée des Misérables pour créer vos deux personnages principaux : Day et June. Est-ce pour pouvoir introduire une romance entre les deux héros que vous avez souhaité que June devienne un personnage féminin ? Ou afin de mieux pouvoir les différencier car leurs personnalités sont très similaires ?

Marie Lu : quand j’ai commencé à écrire Legend, June était au départ un garçon. Je me suis en effet inspirée du roman Les Misérables et je le voyais comme une version ado de Javert. C’est mon petit-ami qui a proposé que June devienne un personnage féminin. Il pensait que l’histoire serait plus intéressante. Ce n’était pas forcément pour donner une note romantique car il aurait pu y avoir également une romance entre les deux garçons. C’était plus parce qu’il manquait un rôle féminin important dans cette histoire et que je voulais vraiment faire ressortir le contraste entre Day et June.

Onirik : Quand vous avez commencé à écrire la trilogie, aviez-vous déjà un plan précis sur le déroulement de l’histoire ou vous arrive-t-il de changer d’avis et donner une autre direction à l’histoire que celle prévue au départ ?

Marie Lu : Oui je change souvent d’avis en cours d’écriture. Quand j’ai commencé, j’avais une idée générale de ce que je voulais mettre dans le tome 2 et 3 mais au fur et à mesure que j’écrivais, plein de nouvelles idées arrivaient. Par exemple dans Legend, il y a un revirement de situation que je n’avais pas prévu au départ et qui m’a obligée à modifier toute la seconde partie du livre.Pour les deux tomes suivants, les bases essentielles du plan étaient déjà posées mais dans le tome 2, il y a plein de surprises dont je n’ai pris conscience qu’au moment même où je les écrivais.

Onirik : Vous semblez très attachée aux liens familiaux et on sent un sentiment très fort dans le roman que cela soit entre Day, sa mère et ses frères ou entre June et son frère. On sent également une peur d’abandon. Est-ce un sentiment dû à votre expérience par le passé ? Par exemple, avez-vous été séparée de certains membres de votre famille quand vous avez quitté Pékin ?

Marie Lu : Oui la plupart de ma famille est encore à Pékin. Quand j’ai quitté Pékin avec mon père et ma mère, ça a été un choc. Cela a certainement influencé ma façon de voir la famille parce que je n’ai pas d’autres proches aux Etats Unis. Je suis fille unique, conséquence de la politique chinoise qui voulait que les familles n’aient qu’un seul enfant. J’aime beaucoup écrire des histoires avec beaucoup de liens familiaux en me demandant ce que cela serait d’avoir un frère ou une sœur avec lesquels j’aurais des liens particuliers car je n’ai jamais expérimenté ce genre de choses.

Onirik : Vous faites mourir des personnages, mais les héros malgré leur jeune âge et les épreuves qui les accablent restent très courageux et vont toujours de l’avant. Est-ce un message qui vous paraît important de transmettre aux jeunes d’aujourd’hui ?

Marie Lu : Oui. Une des choses que j’adore dans la littérature YA et la dystopie c’est que même si dans leur vie il leur arrive plein de choses étranges et certaines très mauvaises, les jeunes ont le pouvoir de changer cela. C’est un peu ça la vie réelle des jeunes aujourd’hui, spécialement durant la période pendant laquelle ils vont au lycée : ils sont en quelque sorte comme dans une dystopie (rires), ils font face à un véritable changement autant dans leur vie que dans leur physique. J’espère que cela leur donne l’impression que même si tout à l’air d’aller mal, ils ont la possibilité et le choix de tout changer.

Onirik : On ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre certains faits dans Legend et notre actualité. Est-ce que l’actualité vous inspire ?
Marie Lu : Oui, complètement. Les éléments qui existent dans Legend et souvent d’ailleurs dans les dystopies prennent leur inspiration directement des faits de l’actualité. Quand je faisais des recherches pour Legend, je me suis inspirée de ce que j’ai trouvé dans les livres d’Histoire, ainsi que du Régime dela Corée du Nord et d’autres mouvements. Par exemple un fait personnel : en 1989, j’avais 5 ans quand j’ai assisté au massacre de la Place Tien en Men à Pékin, c’est un fait réel dont je me suis inspirée dans Legend.

Onirik : La dystopie prédomine-t-elle dans vos choix de lecture ?

Marie Lu : Oui j’adore la dystopie et d’ailleurs la science-fiction en général. Je me souviens de ma première approche de la dystopie avec la lecture de Loïs Lowry (Le Passeur) quand j’étais au lycée. Il reste un de mes romans préférés. J’adore également 1984 et c’est drôle parce que je suis née en1984. Dans les auteurs plus récents, j’adore Neal Schusterman et son roman Unwind qui est une vue terrifiante de ce que pourraient être les Etats Unis dans le futur. J’adore aussi la saga Hunger Games, c’est l’une des séries que je préfère.

Onirik : Quel est le dernier roman contemporain qui vous a particulièrement marqué ?

Marie Lu : Dans les derniers livres que j’ai lus il y a Elisabeth Wein Code Name Verity. C’est un livre extraordinaire. D’habitude je ne pleure pas mais là j’ai énormément pleuré à la fin. L’histoire se passe pendant la Seconde Guerre mondiale et c’est l’histoire de deux jeunes filles qui sont de très bonnes amies, l’une est interrogée par les Nazis et l’interrogatoire est basé sur les lettres qu’elle a écrites à son amie et elles reflètent les liens qu’elle a avec elle. C’est différent de tout ce que j’ai lu auparavant. C’est un de mes livres préférés.

Onirik : Merci beaucoup à nouveau et excellent séjour en France.

Photo de l’article : Marie Lu et Evenusia

Crédit photo : Valérie Revelut pour Onirik