Habibi, les révolutions de l’amour – Avis +

Présentation officielle

Comme dans de nombreuses autres régions du monde, des luttes se jouent dans le monde arabe pour pouvoir exprimer librement son identité de genre et sa sexualité. Les soulèvements populaires de ces dernières années ont profondément bouleversé les sociétés et ont permis une amplification du militantisme LGBTQIA+.

Les artistes, qu’ils se trouvent dans le monde arabe ou dans les diasporas, participent à leur manière à ce mouvement. Ils questionnent, témoignent, se battent en créant des œuvres bouleversantes, intimistes ou exubérantes, de résilience ou de lutte, sentimentales ou politiques, qui explorent leurs identités mais également leurs secrets, leurs émotions, leurs souvenirs et leurs rêves. Dans un monde où la présence des LGBTQIA+ n’est pas toujours acceptée, voire sanctionnée, l’exposition montre les territoires explorés par ces artistes : l’intime, le quotidien, le rapport au corps, l’engagement.

À travers ces récits qui se jouent des règles et de la norme, il est aussi question de l’émancipation individuelle, de la liberté des corps, de la liberté d’exister dans sa différence et de la liberté d’aimer. En cela, les artistes exposés à l’IMA dépassent les genres, et touchent à l’universel.

Conçue par Elodie Bouffard, commissaire de l’exposition, accompagnée de Khalid Abdel Hadi et Nada Majdoub, en qualité de co-commissaires, Habibi, les révolutions de l’amour est une première mondiale qui donnera à découvrir et à entendre 23 créateurs singuliers LGBTQIA+ issus des diasporas et du monde

L’exposition inclura également une large programmation du 27 septembre 2022 au 19 février 2023 : des concerts, films, conférences et cycle de débats notamment dans le cadre des Jeudis de l’IMA.

Avis de Claire

L’exposition Habibi, les Révolutions de l’amour interroge les identités sexuelles dans le monde arabophone d’aujourd’hui. Les quelques 90 oeuvres, imaginées par 25 artistes -parfois même spécialement à cette occasion-, se déploient sur 750 m2. L’Institut du Monde Arabe a toujours eu la volonté de mettre en lumière les phénomènes de société, en particulier ceux liés aux minorités oppressées. On parle aussi des femmes comme des minorités oppressées, alors qu’elles sont en majorité. Les artistes présents pour le vernissage ont tenu à souligner la force et l’importance des femmes en première ligne dans des pays comme l’Iran et l’Afghanistan. C’est d’ailleurs dans cet espace que s’inscrit le collectif SHIFT[[Combats LGBTQIA+ et pensée féministe]]. Les commissaires d’exposition, Elodie Bouffard, Nada Majdoub et Khalid Abdel-Hadi, ont également insisté sur l’utilisation d’une écriture arabe inclusive, fait encore inédit à l’IMA.

La thématique LGBTQIA+ [[Lesbienne, gay, bi, trans, queer, intersexe, asexuel et +]] ou plus simplement Queer [[Qui ne se reconnait pas dans l’hétérosexualité, qui n’appartient pas à un genre défini, comme l’a souligné ce week-end Armistead Maupin, lors du dernier Festival America, ce terme d’abord péjoratif s’est trouvé réapproprié par la communauté homosexuelle et revendiqué aujourd’hui comme une fierté.]] et le monde arabo-musulman, deux antagonistes ? Non, bien sûr, quoiqu’on en dise. Même si cette association est inédite dans une exposition de cette envergure, elle existe, elle se manifeste de diverses manières de par le monde comme autant d’actes de résistance. Les artistes qui s’expriment ici dépassent ainsi les genres et touchent directement au coeur. A travers ces prismes, il est plus universellement question de l’émancipation de l’individu, de la possibilité d’avoir toute liberté sur son propre corps, de la possibilité d’exister dans la différence, et surtout celle d’aimer qui l’on veut. Etre artiste et Queer, dans ce contexte, est donc nécessairement un acte politique.

Parmi les artistes présents, nous avons pu échanger avec le touchant Alireza Shojaian, né en 1988 en Iran, il vit à Paris depuis quatre ans. Il nous a expliqué son tableau Le Miroir.[[Dont le titre est un écho au film éponyme de Tarkovski.]] Cet autoportrait saisissant capture le peintre alors qu’il vient d’apprendre le suicide de son ami, à l’âge de vingt ans. Le corps à moitié dénudé, comme pétrifié à l’acmé de sa douleur, l’homme laisse couler ses larmes. Une lecture attentive du tableau nous révèle d’autres indices, le livre Call me by your name, d’André Aciman, et Le Petit Prince d’Alexandre de Saint-Exupéry, en anglais dans l’édition Peguin, sont posés sur une commode. Pour l’artiste, il y a une analogie à faire entre son ami décédé, Elio, le héros d’André Aciman, sa beauté, sa jeunesse, et la disparition du Petit Prince, à la fin du conte de Saint-Exupéry.

Autre personnalité aussi généreuse que touchante, le peintre Khaled Takreti, d’origine syrienne. Dans ses portraits colorés, aux visages pénétrants, il y a tout un monde, qui nous regarde le regarder. Dans Joujoux, Hiboux, Cailloux, qui résonne comme une comptine de notre enfance, il y a des réminiscences qui touchent à l’universel. Ces yeux, ces têtes, ces corps, tous différents, revendiquent simplement leur droit à cette singularité qui est la leur, et qu’ils souhaitent non pas imposer, mais laisser exister. Les couleurs résolument flashy nous interpellent, captivent notre rétine, ces couleurs criardes nous apparaissent ainsi comme autant de cris silencieux, symbolisant ainsi des temps pas si lointains, où la communauté homosexuelle n’avait ni voix, ni voie.

A découvrir, ainsi que tout un programme thématique autour de la question Queer, à l’Institut du Monde Arabe jusqu’au 19 février 2023.

Fiche technique

Adresse : Institut du Monde Arabe 1, rue des Fossés Saint-Bernard
Place Mohammed V 75005 Paris

Téléphone : 01 40 51 38 38

Horaires : Mardi, mercredi, jeudi de 10h à 18h
Nocturne le vendredi de 10 h à 21h30
Samedi, dimanche et jours fériés de 10h à 19h
Fermé au public le 1er mai. IMA ouvert au public le 14 juillet

Tarifs : De 5 à 10 euros