Cinquante nuances de Grey ou une romance qui ne fait pas dans la dentelle

La première information dont il faut tenir compte est que Cinquante nuances de Grey est une fanfiction, c’est à dire un récit écrit pour l’autosatisfaction des fans d’un film, d’une série ou d’un livre.

Lorsque un programme remporte une grande adhésion, les fans se regroupent en club virtuel ou réel et certains s’épanouissent dans l’écriture d’aventures supplémentaires ou carrément – comme c’est le cas ici – la réécriture de l’œuvre appréciée.

Il est de notoriété publique que l’Anglaise EL James était frustrée du manque de sexe des romans de l’Américaine Stephenie Meyer. Elle a donc remédié à ce manque en reprenant et épiçant l’esprit de la saga Twillight tout en ôtant le fantastique de la table.

Elle a choisi de remplacer le fait que le héros soit un vampire et donc peu recommandable pour une oie blanche telle Bella/Ana, par les choix sexuels de Christian. C’est un control freak (traduit par ‘maniaque du contrôle’ par JC Lattès) qui jusque dans ses rapports intimes a besoin de tout maîtriser, même si cela va jusqu’aux pratiques SM du bondage et de la correction.

Aucune réelle recherche psychologique ici, mais juste l’exaltation de l’interdit. Même si l’auteur a réussi à rendre son récit passionnant, cela reste un manuscrit sans réelle construction ni travail d’écrivain. Nous avons beaucoup de répétitions, une écriture opportuniste qui cherche à titiller dans le sens du poil le lecteur et qui réussit de temps en temps son ambition.

Les personnages sont relativement caricaturaux et surtout peu cohérents. Ana, étudiante douée en littérature, a un vocabulaire souvent pauvre et vulgaire… sauf de rares fois où elle élabore de vraies phrases. Christian est un chef d’entreprise qui a réussi et qui derrière ses dehors de requin impitoyable et une sexualité atypique, est une vraie fleur bleue.

Mais rappelons-le, c’est une fiction qui ne s’embarrasse d’aucune cohérence et qui, si les pratiques jugées perverses étaient absentes, s’adresserait à un public d’adolescentes.

On peut même voir au delà, c’est pratiquement trop conventionnel pour être classé en Erotique. En son temps, le réalisateur Adrian Lyne allait beaucoup plus loin avec son film gentillet Neuf semaines et demi (1986), puisque la relation SM qu’imposait Mickey Rourke à Kim Basinger se terminait mal dès que la fascination s’estompait.

Ici, nous le savons, nous aurons le droit à un Happy end digne des collections les plus naïves de romances contemporaines. Normal, puisque c’est une fanfiction écrite pour se faire du bien.

En conclusion, si le style est manquant, EL James a su tenir en haleine son lectorat malgré ou à cause des scènes érotiques. Si vous avez envie d’y croire – ou comme les Américaines avez besoin d’un ‘coup de fouet’ à ce niveau – vous passerez facilement à côté de tous les défauts cités.

Si vous souhaitez lire une romance épicée de qualité, passez votre chemin ! J’ai Lu pour Elle, Milady Romance, Harlequin et de nombreuses petites maisons d’éditions vous en proposeront de nombreuses qui peuvent se classer dans des collections traditionnelles (historique, contemporaine, etc.) et sont plus satisfaisantes en terme de style et de construction !