Retour sur la 15e ed du FFCP

La 15e édition du Festival du Film Coréen à Paris a été très particulière. Avec les conditions sanitaires et le virus circulant, il n’était d’abord pas certain que le festival allait se maintenir, mais l’équipe de choc a tenu bond. Puis, nouveau coup dur, le couvre-feu a poussé le festival à remanier toute son organisation pour faire en sorte que les visiteurs puissent avoir le temps de rentrer chez eux avant 21H.

C’est ainsi que le Festival a eu sa soirée d’ouverture le mardi 27 octobre avec Ok Madam ! Mais dès le mercredi 28, nouvelle allocution du président de la République, c’est le reconfinement qui a été déclaré et cela dès le vendredi. Ainsi, le Festival a fermé ses portes le jeudi 29 octobre après la projection du film Forbidden Dream. Même si on comprend pourquoi les mesures se sont durcis, notre petit coeur s’est serré à la fin prématurée du Festival, même si on sait que tout n’est pas fini, qu’il y aura prochainement des possibilités de voir les films du programme.

Malgré toutes ces péripéties, nous avions décidé d’y aller de nouveau cette année. De profiter des projections qui seraient possible. Nous avons pu ainsi voir les deux films de soirée du mercredi et du jeudi.

Kim ji-young, born 1982 de Kim Do-Young (2020)
Kim ji-young, born 1982 est l’adaptation cinématographique du roman de Cho Nam-Joo[[Le roman est disponible en grand format chez les éditions Nil depuis début 2020, sa version de poche sera publiée aux Editions 10-18 le 4 février 2021]]. Ce film narre l’histoire de Kim Jiyoung, une trentenaire mère au foyer d’un petit bébé. Son mari l’aime, elle l’aime aussi. Elle devrait être heureuse, mais quelque chose cloche. En effet, pour s’occuper de sa fille, Jiyoung a abandonné son poste dans une grande entreprise d’événementiels. Jiyoung ne rapporte plus d’argent à la maison mais elle travaille sans arrêt, les tâches ménagères, les courses, s’occuper de l’enfant, s’occuper de tout… Jiyoung fatigue et quelque chose va changer car elle va perdre l’esprit.

Entrecoupé de flashback sur différentes périodes de sa vie, le film met en lumière l’esprit patriarcal qui entoure la société coréenne. Mais c’est un esprit qui est familier dans le monde entier, des Jiyoung, il y en a partout. C’est une famille où seul le fils est considéré. C’est une famille où la belle-fille se doit de se courber face à sa belle-famille. C’est une vie où on pense que les femmes au foyer ont la belle vie et ne font que vivre aux crochets de leur mari. Où on trouve qu’une femme qui confie son enfant à une nourrice est une mère indigne. Où choisir son travail à la famille est quelque chose de répréhensible. Certes ces femmes n’ont pas de couteau sous la gorge lorsqu’elles font leur choix, mais n’est-ce pas seulement une illusion du choix lorsqu’on se fait rabaisser sans cesse à cause de ceux-ci ?

Dans le rôle de Kim Jiyoung on retrouve la fabuleuse Jung Yu-mi que vous avez peut-être déjà vu dans le Dernier train pour Busan où elle jouait une femme enceinte qui essayait de survivre avec son mari. Celui qui incarne son mari à l’écran est campé par le très bon Gong Yoo qui joue le papa froid dans le Dernier train pour Busan également. Il joue ici un mari perdu qui ne reconnaît pas sa femme et qui ne sait pas quoi faire pour l’aider. Il lui dit des mots qui la blessent alors qu’il ne veut que son bien. Il ne la comprend pas et à peur face à ce bouleversement dans sa vie. Mais il l’aime profondément et fera de son possible pour qu’elle se retrouve.

Kim ji-young, born 1982 est de ces films qui nous font prendre conscience que certaines mentalités sont ancrées profondément. Il nous fait comprendre que changer les habitudes n’est pas une mince affaire, mais surtout qu’on ne comprend pas forcément ce qu’on fait de mal à reproduire un comportement qu’on a toujours vu.

Forbidden Dream de Hur Jin-Ho (2020)
Connaissez-vous le roi Sejong aussi appelé Sejong le Grand. Souvent représenté dans les séries historiques coréennes ainsi que dans les films, c’est ce qui se produit de nouveau avec Forbidden Dream. Dans ce film, le réalisateur s’intéresse à sa relation très particulière avec Jang Yeong-sil, un homme venant du peuple. Sejong voit à travers cet esclave, il comprend son intelligence et va la mettre au profit de la science. Pendant le règne de Sejong, la Corée est sous la tutelle de la dynastie chinoise des Ming. Le roi veut néanmoins se défaire de l’emprise chinoise en développant des moyens pour calculer le temps mais aussi comprendre le ciel.

C’est Jang Yeong-sil qui va lui permettre de faire cela. Jang Yeong-sil est un inventeur de génie, grâce à son intelligence et sa technicité, il va améliorer l’horloge à eau, il va créer la cartographie du ciel coréenne, mais il va surtout construire un magnifique globe terrestre. Ses recherches permettent de comprendre que le temps diffère un lieu à un autre, cela donne ainsi la possibilité d’adapter les cultures en arrêtant de suivre à la lettre les règles des Ming.

Le film est profondément passionnant car la question de cette indépendance est délicate. La tutelle des Ming est forte et cette volonté du roi est mal vue par sa Cour. Les complots et les manipulations font rages surtout que l’enquête n’est pas sans conséquence. La réalisation fait usage de flashback pour nous faire comprendre comment on en arrive à la situation de destruction d’années de recherches. On a le coeur brisé de voir le roi se plier aux injonctions.

Le film est très bien amené et on s’attache profondément à ces deux hommes qui ont beaucoup fait pour leur pays. Certes le point central est romancé, le complot principal n’a pas de réelle réponse historique et ce n’est qu’une hypothèse adaptée qui est mise à l’écran. Ce choix est poignant surtout que tout le long du film, la relation dépeinte entre Sejong et Yeong-sil est tellement profonde. Il y a une belle amitié, mais une amitié qui ne cache pas non plus un très fort amour intellectuel (voir plus, mais ça c’est chacun et sa sensibilité qui le voit ou non). L’alchimie à l’écran entre les deux acteurs est forte, c’est un lien qui semble indestructible mais qui doit faire face à la réalité du moment.

Forbidden Dream est un très beau film historique. Un film qui nous donne encore plus envie d’en savoir plus sur ce roi charismatique et éclairé.

Concernant le festival, le Publiciscinéma devrait en principe projeté certains films du festival sur ses écrans les dimanches. Maintenant à voir si cela est toujours d’actualité. De notre côté, on croise les doigts pour que se soit le cas !