10 questions à Julie Garwood – VF

Onirik : Vos intrigues sentimentales reposent le plus souvent sur l’incompréhension entre un héros et héroïne à l’opposé l’un de l’autre, qui oscillent entre conflits et relations passionnées, le tout ponctué de dialogues légers, brillants et humoristiques, sur un rythme rapide. Ce style m’a fait penser à certaines comédies américaines des années 40 (The Philadelphia story, Bringing up baby qui font partie de mes films favoris) donc à des films ou romances et péripéties forment un duo harmonieux, et non à la classique romance anglaise du XIXe siècle. Quels sont les auteurs qui vous ont inspirée ? Vos livres de chevet ?

Julie Garwood : Il y a tant d’auteurs qui m’ont inspirée toutes ces années. Quand j’étais étudiante, j’aimais les livres qui avaient un effet émotionnel sur moi. Mes romans préférés sont : To kill a mockingbird (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur) de Harper Lee, [[(NDT : roman sous forme de chronique racontée par une petite fille, sur la vie d’un paisible et effacé d’un avocat blanc d’un certain âge, dans le Sud profond des Etats-Unis pendant les années 30, l’enfant découvrant l’homme admirable qu’est son père, lorsque celui-ci prend la défense, au cours du procès d’un noir accusé du viol d’une blanche. Ce roman fera l’objet d’une adaptation cinématographique très réussie, Du silence et des ombres. Avec ce rôle, Gregory Peck obtiendra un Oscar mérité)]] Et Grapes of Wrath (Les raisins de la colère) de John Steinbeck. J’ai aussi aimé les nouvelles de O. Henry parce qu’elles se terminent de façon inattendue et se lisent comme un divertissement. Actuellement, je lis des bouquins très différents. Je viens juste de terminer un roman de Maeve Binchy et j’ai vraiment apprécié la description des caractères.

Onirik : Vos héros sont froids à l’extérieur, ne feront jamais de grandes déclarations d’amour, mais pourtant brûlent à l’intérieur. Dans leur culture, leur éducation, les sentiments n’existent pas. La violence pour eux est souvent une réponse nécessaire dans le monde dans lequel ils vivent. Ce sont les héroïnes qui leur révèlent leurs émotions (jugées souvent au départ comme une faiblesse). Est-ce pour vous une concession que vous faites aux clichés de la romance ou bien ressentez-vous cela pour vos personnages au moment ou vous écrivez ces histoires.

J.G. : J’utilise intentionnellement certaines caractéristiques de héros type, mais dans mes romans historiques, je pense que la représentation est décrite de façon plus juste et précise. Les hommes des temps anciens devaient survivre non seulement avec leur tête mais également avec leurs muscles, donc je pense qu’ils devaient inévitablement être stoïques dans leurs réactions.

Onirik : Il existe en France beaucoup d’opinions contradictoires à propos de vos héroïnes, notamment en ce qui concerne les personnages de vos romans historiques. La naïveté semble être pour vous synonyme de fraîcheur, de spontanéité et de gentillesse (contrebalancée par un courage et un solide bon sens). Pour ma part, je ris avec elles et non d’elles… Ce choix de les placer dans des situations où la naïveté risque de devenir de la puérilité est-il dû au fait que vous les situez dans une période donnée, avec un caractère adapté à cette époque afin de ne pas tomber dans le piège de l’anachronisme en les rendant contemporaines avec un caractère féministe et indépendant ?

J.G. : Je ne pense pas que mes héroïnes soient niaises, peut-être juste un peu naïves, sans doute. J’ai toujours voulu montrer qu’elles étaient fortes, intelligentes, et indépendantes, mais quand ces femmes sont placées dans des situations qui leur sont inconnues, quelques fois le résultat est désastreux et quelques fois les conséquences sont pleines d’humour. Je ne veux pas qu’elles soient sauvées par un homme, chaque fois que se produit un incident. Je préfère plutôt écrire sur des femmes qui trouvent en elles-mêmes les ressources pour se tirer d’affaire seules.

Onirik : Vos héroïnes ont souvent comme point commun d’avoir un passé douloureux, même traumatisant (battue par son oncle dans The secret (Le secret de Judith) ou par son mari dans Saving grace (un mari féroce) ou encore témoin de la mort violente de son père dans Ransom (Le maître-chanteur) ou de celle de sa grand-mère dans le contemporain Killjoy (L’héritage du passé). Or, votre réponse est souvent l’humour, les héroïnes n’hésitant pas à se moquer d’elles-mêmes. Est-ce pour seulement amuser le lecteur ou plutôt pour vous, une réponse à toutes les questions existentielles, le remède que vous souhaitez apporter contre les aléas de la vie ?

J.G. : Le sujet sur lequel se focalisent la plupart de mes histoires est comment les gens réagissent dans des situations difficiles. Je n’aime pas m’attarder sur les moments tragiques, par contre, je suis intéressée de voir comment mes héros vont s’en sortir. Et l’humour vous aide alors pour remonter la pente… Je dis souvent que j’ai un sens de l’humour plutôt tordu parce que je peux trouver quelque chose de drôle dans les plus absurdes situations. Dans les réunions de famille, nous racontons des histoires, et rions beaucoup. Je suppose que ceci explique cela…

Onirik : L’esprit du clan semble être un des aspects des plus importants dans vos histoires, que ce soit le sang Mercy (La dernière trahison) mais aussi et surtout des gens qui se sont trouvés et s’adoptent en quelque sorte comme For the roses (Une lady en haillons) où l’héroïne choisira ceux qui l’ont élevée. A certains moments, l’héroïne doit même faire un choix entre sa famille et son mari comme dans The prize (La fiancée offerte) ou encore The secret (Le secret de Judith) ou Ransom (Le maître-chanteur) où dans ces deux derniers les deux jeunes femmes se choisissent même une sœur. Dans Saving grace (Un mari féroce) vous mettez en scène des Ecossais déclassés unis par le fait de ne plus appartenir aux autres clans. Quel message avez-vous essayé de transmettre ?

J.G. : Vous trouverez que la loyauté envers la famille et l’amour sont des thèmes récurrents dans mes romans. Cela vient du besoin que nous avons tous de trouver notre place. Un clan est une famille. Vous trouverez dans certains romans comme Une lady en haillons quand il n’y a ni famille, ni clan, les personnages ont alors le même besoin, et ils se créent leur propre famille.

Onirik : Pour vos livres contemporains, vous avez souhaité créer des thrillers (avec histoire sentimentale à la clef). D’où vient cette envie, cette évolution ?

J.G. Naturellement, il existe des aspects dans mes romans contemporains que vous ne retrouverez pas dans mes récits historiques. Cependant, les histoires sont similaires. Dans la plupart de mes historiques, vous trouverez les mêmes éléments de suspense et de mystère. Je pense, parce que la période choisie semble si romantique, que la plupart des lecteurs pensent qu’ils ont moins de suspense.

Onirik : Est-ce que c’est plus de difficulté d’écrire ces romans à base de suspense, le rythme étant plus nerveux et demandant de solides rebondissements pour éviter l’essoufflement ?

J.G. : Actuellement, les livres contemporains sont pour moi plus amusants à écrire. Il me plaît de créer des monstres et de les rendre aussi ignobles que je le souhaite. Et naturellement, à la fin, je fais attraper le méchant et je le fais payer.

Onirik : Vos romances médiévales écossaises sont très populaires. J’ai noté que vous retrouverez cette époque (et certains personnages) dans la prochaine histoire que vous écrivez actuellement. Est-ce que cet univers vous manquait ? Que représentent les Highlands pour vous à cette époque précise ?

J.G. : Les hautes terres d’Ecosse à l’époque médiévale m’ont toujours fascinée. Ces montagnes accidentées si majestueuses, et ce système de clan si romantique doivent y être pour quelque chose. Les Highlanders sont d’une certaine façon des barbares, mais ils vivent aussi dans une société structurée, et l’on retrouve chez eux un côté civilisé dans la loyauté qu’ils montrent envers le clan et leur sens de la justice.

Onirik : l’adaptation télévisée de Une lady en haillons que nous avons pu voir en France, m’a, pour ma part, énormément déçue, je n’ai pas retrouvé la chaleur et la complicité entre ces frères qui se sont choisis, l’humour du roman et même le suivi du récit… D’autres adaptations de vos romans seraient-elles prévues ? et si oui, aurez-vous la possibilité d’avoir un droit de regard sur le scénario ?

J.G. : Je comprends votre déception. Malheureusement, le scénariste a effectué des transformations spectaculaires par rapport à l’histoire d’origine. C’est un beau téléfilm mais j’aurais préféré qu’il laisse les personnages et l’intrigue comme elle était écrite. Il pourrait y avoir quelque intérêt à réaliser un film avec deux de mes romans contemporains, mais rien de concret n’aboutit actuellement. J’aimerais vraiment voir un de mes livres à l’écran, mais la prochaine fois, j’espère que le film sera plus fidèle à l’histoire que j’ai écrite.

Onirik : Certains de vos livres n’ont jamais été traduits en français : The lion’s lady, Honor’s splendor, Slow burn… en connaissez-vous la raison et avez-vous la possibilité d’influencer les éditeurs pour une possible et très demandée traduction ?

J.G. : La traduction de mes livres fait l’objet de négociations entre les éditeurs français et les agents littéraires. Jusqu’ici, les éditeurs n’ont pas demandé ces titres, mais je souhaite qu’ils le fassent un jour et j’espère que vous aimerez autant ces romans que les autres.