L’open space m’a tuer – Avis +

Présentation de l’éditeur

Ils ont fait de bonnes études, occupent des postes à responsabilités dans des entreprises prestigieuses, auront demain les clés de l’économie française… et pourtant, les jeunes cadres sont au bord de l’explosion.

Dans les années 1980, ils étaient prêts à tout pour réussir.
Aujourd’hui, ils prennent leurs RTT, refusent des promotions et pensent que la vraie vie est ailleurs.

Fin des hiérarchies, tutoiement, flexibilité, mobilité, nouvelles technologies : sur le papier, les nouvelles méthodes de management font rêver. Mais passé l’enthousiasme des premières semaines, elles carbonisent vite les jeunes recrues. Tendinite du BlackBerry, malaises vagaux dus au stress, manque de reconnaissance d’une jeunesse en « mode projet », départs pour des ONG de surdiplômés : dans des saynètes truculentes, on découvre les souffrances et les désillusions de la génération open space. Jusqu’à présent, elle continuait à faire bonne figure. Avec ce livre, elle décide d’ôter le masque

Avis de Nicolas

Ce n’est pas grand livre, loin de là. Assez peu consistant, il se lit très rapidement et le style d’écriture n’est pas vraiment épatant. Voilà dressé un bien vilain tableau pour faire la présentation d’un ouvrage que pourtant je recommande chaudement (je l’ai d’ailleurs fait lire à mes parents!).

Car, oui, il faut un certain courage aujourd’hui pour décrire et ainsi railler le « système ». Alexandre des Isnards et Thomas Zuber ont couché dans ces saynètes tout ce que les « consultants » pensent sans oser l’exprimer tout haut afin de ne pas se « griller ».

Le titre : L’openspace m’a tuer, est une très bonne accroche, mais décrit au final assez mal le contenu de l’ouvrage. Ici, pas d’étude sociologique poussée, mais juste sous forme d’histoires courtes, on vous parle du quotidien de ces jeunes cadres qui ne cadrent rien. Les managers sont vos amis et tout le monde se tutoie, mais quand il est temps de trouver un bouc émissaire à un dépassement de temps sur un projet, quand un employé se rebelle au delà du politiquement correct ou quand il décide de partir vers plus offrant alors les masques tombent et cet univers se révèle dans toute sa violence.

Sans véritable fil conducteur, les deux auteurs vont décrire (les noms des sociétés sont modifiés avec souvent beaucoup d’humour) :

– La comédie humaine et les spécialistes du « je suis débordé« , ceux qui prennent un air anxieux et un pas pressé pour arpenter les couloirs, le PC sous le bras.
– Le wording du consultant, cette novlangue affligeante faite d’acronymes, de mauvais anglais ou pire encore, de traduction directe.
– L’absence de first line management[[Je vais vous en placer un max de ces horreurs]]. La pression, tu te la mets tout seul, plus besoin d’un contre-maître (cas de l’insecure achiever).
– Le management participatif, version corporate du Grenelle gouvernemental : venez en parlez avec nous, n’hésitez pas, communiquez, exprimez vous, laissez parler le créatif en vous… mais de toute manière, on a déjà tout décidé et on a déjà mis tout en place (budget, ressources, …). L’idéal étant de vous faire croire que c’est vous qui êtes à l’origine du traitement que vous allez vous infliger (le « bon sens »).
– L’openspace, les bubbles, les focus-room, … « Dans Huis clos, les personnages sont condamnés à « vivre les yeux ouverts ». En open space, les consultants doivent « vivre à visage et écran ouverts« . » Avec l’exemple, le plus fascinant de mon point de vue : celui de la société Puke qui promeut la mobilité via le « déménagement interne ». Régulièrement, on change la place des employés indépendamment des postes ou des affinités, et cela à fin de favoriser une qualité, une fraîcheur et une efficacité de communication interne.
– Le Blackberry, que j’ai entendu qualifié de « laisse électronique », capable de créer des addictions dont il est difficile de sortir.
– La positive attitude
– Le travail des consultants parfois très apprécié par les clients mais absolument pas reconnu par leur propre management. Les différentes formes de la visibilité interne (car l’important n’est pas le savoir faire, mais bien plus le faire savoir)
– Le team-building, messes tragiques où chacun doit jouer son rôle s’il ne veut pas être classé « anti-cohésif » c’est à dire l’opposé d’un team-player. Rare effet bénéfique de la crise, ces events sont les premiers à disparaitre dans cette frénétique recherche de réduction des dépenses.
– La pression subit par certains, pouvant conduire au malaise vagal ou à la dépression
– Les timesheets, version modernes des pointeuses, souvent négligées par les employés mais capitales pour le management afin de tracker la profitabilité de chacun.
– Les performance reviews et sa forme la plus perverse : l’auto-évaluation, car il n’y a pas plus sévère juge que soit même
– La recherche de sens dans les carrières et l’apparition d’employés qui refusent les promotions, ou qui plaquent tout pour un poste dans une ONG.
– Le stagiaire, qui ne sait certes pas faire grand chose, mais que l’on n’hésite pas à parachuter chez les clients. Le meilleur rendement possible, ils ne coutent rien et sont motivés.
– Le développement de l’image, le self-marketing (Myspace, Facebook, Linkedin, Viadeo)
– Les rebellions et les arrêts de mort professionnels (mise au placard)
– Les promesses de rdv et d’évaluation dans les SSII, ainsi que les promesses de primes et d’augment’, puis l’inévitable démotivation.
– Ils sont « consultants » mais ne réalisent que des taches abrutissantes (avec 4h dans les transports).

Aucune solution n’est présentée ici, c’est un simple état des lieux. Un constat mais un constat effarant. Ces saynètes sont représentatives du monde de la communication et du consulting informatique et télécom, mais il est fort probable que chacun retrouvera les aspects détestables de son propre monde professionnel, même si vous êtes un excellent produit en symbiose corporate.

Je pense que l’on est beaucoup à penser avoir la matière pour l’écriture du tome 2…

Fiche technique

Format : broché
Pages : 211
Editeur : Hachette Littératures
Collection : Essais
Sortie : 17 septembre 2008
Prix : 15,68 €

Interview des auteurs sur dailymotion