Les lois de la gravité – Avis +

Présentation officielle

Vendredi, 21 heures, dans le commissariat d’une petite ville portuaire.

Un policier fatigué, à la sensibilité aussi triviale que poétique, reçoit la visite d’une jeune femme qui, rongée par la culpabilité et la nécessité de payer pour sa faute, vient se dénoncer pour le meurtre de son mari, dix ans plus tôt.

Mais le temps passe et dans quelques heures, le délai légal pour se constituer prisonnière sera dépassé.

Cette âme pure, victime de violences conjugales, se retrouve aux prises avec un officier convaincu qu’il doit la protéger d’elle-même. Un face à face poignant et désopilant entre deux êtres brisés, décalés, magnifiques.

Avis d’Artémis

Voilà une pièce, adaptée du roman éponyme de Jean Teulé, qui vous reste longtemps en tête après l’avoir vue… Une jeune femme arrive dans un commissariat pour avouer le meurtre de son mari, quasi 10 ans plus tôt, qui avait été classé comme suicide. Immédiatement, le spectateur se demande bien pourquoi, alors qu’elle est libre, elle vient demander à ce qu’on la mette en prison. En quelques questions, le policier comprend que son mari était un homme violent et qu’il avait déjà fait de multiples tentatives de suicide (le jour du meurtre, il revenait justement de l’hôpital).

Spontanément, le policier cherche à gagner du temps, plaignant cette femme qui semble si dénuée de violence ou de mauvaises intentions. Il ne peut se résoudre à prendre sa déposition, lui qui est confronté chaque jour aux violences et à l’horreur, et qui voit à quel point cette jeune femme, élevant seule ses 3 enfants, semble éloignée de cet univers criminel.

Mais elle insiste. Elle est désespérée, rongée un peu plus chaque jour par la culpabilité de son geste. Elle ne peut plus vivre dans ce mensonge qui la détruit littéralement. Elle le dit d’ailleurs, ne pas prendre sa déposition, c’est la condamner à la perpétuité. C’est un véritable cri de douleur et un appel au secours.

Face à cela, le spectateur passe par plusieurs émotions, et immédiatement on est plutôt du côté de l’officier, car on est plein d’empathie face à cette femme si douce, victime de violences conjugales. Et ses enfants ? Que deviendraient-ils avec un père décédé et une mère en prison ? Mais avec le recul, on doute également : certes, sa personnalité n’est pas faite de violence, mais n’est-elle pas tout de même coupable ? Peut-on laisser un coupable impuni, surtout s’il est dans un cheminement de reconnaissance publique de son crime ?

Peu à peu, dialogues et de récits nous font découvrir l’histoire des personnages. Au final, se pose la question centrale : qu’est-ce qui est juste ? Et à qui d’en décider ? La pièce ne donne pas de réponse, et on est de tout coeur avec les personnages, dans leurs doutes comme dans leurs souffrances ou leurs convictions.

C’est Dominique Pinon qui interprète avec talent et un vrai grain de folie ce flic fatigué. Face à lui, Florence Loiret-Caille est toute en innocence et honnêteté. Toutefois, on pourra être un peu gêné par le choix de faire dire à son personnage toutes les premières répliques de manière essoufflée… Entre eux, Pierre Forest est le troisième personnage, policier à quelques jours de la retraite, dont la présence attachante apporte un contrepoint au face-à-face de ces deux personnalités décalées et à bout.

De cette histoire qui pourrait être lourde, Anne Bourgeois signe au contraire une mise en scène qui évite tout manichéisme et qui permet d’apprécier les nuances des personnages, de leur luminosité (surtout pour la jeune femme) à leur part d’ombre (avec le passé du flic et son quotidien qui le ronge), tout en apportant des touches d’humour. C’est réussi.

Fiche technique

Théâtre Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, 75017 Paris
Représentations du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 18h
Jusqu’au 31 mars 2015
Prix : de 17 € à 44 € (offre découverte : de 15 € à 38 € jusqu’au 22 février)
Réservations : 01 43 87 23 23
Site officiel du théâtre

La bande-annonce du spectacle :