En même temps, toute la terre et tout le ciel – Avis +

Présentation officielle

Baie Desolation, Colombie britannique, Canada, 2011. Écrivain privée d’inspiration, Ruth découvre sur une plage un sac abandonné. Sans doute un des multiples restes du tsunami de 2011, qui s’échouent régulièrement sur les plages canadiennes. Mais ce sac cache bien des secrets : à l’intérieur, un bento Hello Kitty qui renferme un journal intime, reprenant la couverture originale de À la recherche du temps perdu, mais aussi un vieux carnet et quelques lettres illisibles.

Piquée par la curiosité, Ruth entreprend de résoudre l’énigme et de traduire le journal. Elle découvre l’histoire de Nao Yasutani, adolescente japonaise de seize ans. Dans l’univers feutré de leur maison canadienne, Ruth et son mari, Oliver plongent dans l’intimité d’une jeune fille déracinée qui, après une enfance passée dans la Silicon Valley, a dû regagner Tokyo, sa ville natale, terre inconnue dont elle ne maîtrise pas les codes.

Un retour brutal, le début du calvaire pour Nao : humiliée par ses camarades, la jeune fille se réfugie un temps chez son arrière-grand-mère, Jiko, fascinante nonne zen de 104 ans, ancienne anarchiste féministe, qui vit dans un temple près de Fukushima. Là, Nao apprend à être attentive à l’instant présent, à écouter les fantômes. Celui de son grand-oncle, Haruki Ier. Nao va mieux, jusqu’à ce jour tragique à l’école. Privée de tout lien avec ses parents, la jeune fille dérive de nouveau. Au risque de se perdre complètement…

À des milliers de kilomètres, Ruth n’a qu’une obsession : sauver Nao. Mais comment la retrouver ? De quand date ce journal ? Ce peut-il que la jeune fille ait disparu, emportée par le tsunami ?

Avis d’Artemis

Pour la rentrée littéraire 2013, En même temps, toute la terre et tout le ciel est un roman remarquable, tant par sa construction que par son atmosphère. Ruth Ozeki a puisé dans sa double culture (née dans le Connecticut, sa mère est japonaise, son père américain ; elle a été ordonnée nonne zen en 2010) pour offrir un roman à la fois posé et foisonnant, à l’écriture précise.

Les deux personnages principaux sont Ruth, l’écrivain en panne d’inspiration, qui habite avec son mari Oliver à Desolation Bay. C’est par hasard un matin qu’elle trouve, tel une bouteille à la mer, un sac plastique contenant le journal intime de Nao, accompagné de lettres. Elle découvrira à la lecture du journal qu’il s’agit des lettres de son grand-oncle, pilote kamikaze pendant la seconde guerre mondiale.

Le roman est construit comme un puzzle, alternant les narrations de Ruth et de Nao, via son journal intime. En lisant celui-ci, on croit voir cette adolescente, mal dans sa peau, qui a passé son enfance aux États-Unis mais dont le retour au Japon est douloureux, après la perte de travail du père.

Elle devient le souffre-douleur de ses camarades de classe, tandis que son père, au chômage, fait de l’origami d’insectes et a des tendances suicidaires. L’écriture est pour elle une libération. Son style est direct, spontané, sans censure. Ruth Ozeki nous donne vraiment l’impression de plonger dans les pensées d’une adolescente.

Parmi la galerie de personnages particulièrement travaillée, l’un des personnages les plus importants et les plus touchants est Jiko, l’arrière-grand-mère de Nao, qui vit dans un temple. Son comportement est une véritable leçon pour tous ceux qui l’entourent. Très touchante et jamais donneuse de leçons, elle semble porter la philosophie zen après une vie bien remplie.

Personnages fouillés, narrations croisées et récits denses, En même temps, toute la terre et tout le ciel est un roman qui mérité qu’on s’y arrête. Un petit bijou en cette rentrée…

Fiche technique

Format : broché
Pages : 500
Éditeur : Belfond
Sortie : 22 août 2013
Prix : 22 €