Les Frères Rattaire – Avis +

– Je peux être fier d’être le père de trois héros, et vous, honteux d’être le protecteur d’un embusqué.

C’est en 1912 que le village de Moutaret voit arriver Adolphe Rattaire son nouvel instituteur. Mais pour le maire Claude Rosset-Fassioz le dénommé Rataire est suspect. N’est-il pas d’origine savoyarde, donc Italien ? Qui plus est, Rattaire manifeste une foi catholique suspecte. Peut-on vraiment enseigner les lois de la République et fréquenter l’église ?

L’hostilité larvée du maire envers cet instituteur trop intègre atteint un autre niveau à partir du 2 août 1914. La mobilisation générale est déclarée ! Patriotes, les trois fils Rattaire se rendent sur le front. Ils n’en reviendront pas. Tous les trois ont été décorés. Deux des frères officiers sont morts à la tête de leurs hommes. Le troisième souffrait d’une appendicite. On aurait pu l’opérer, mais son officier a déclaré : « l’appendicite n’est pas une maladie de soldat !« .

Ces deuils n’affectent pas le maire. Après tout ce n’est pas lui qui a déclaré la guerre. Celui qui se déclare « socialiste de naissance et pacifiste de rencontre » ne voyait pas de raison d’envoyer sa famille au combat. Au contraire, son beau-fils en parfaite santé et en âge de porter les armes est resté durant toute la guerre au village.

En tout cas la guerre ne présente pas que des inconvénients pour le maire. Des prisonniers allemands sont affectés aux travaux de la commune. Aussi monsieur le maire trouve tout naturel d’en employer un à l’entretien de ses vignes personnelles.

Curieusement Antoine Rattaire ne manifeste aucune hostilité envers cet Allemand, lui aussi instituteur. Une fraternité semble même se nouer entre les deux enseignants. C’en est trop pour monsieur le maire ! On a beau être pacifiste, il s’agit d’exprimer un certain patriotisme. Il suffit d’augmenter le travail du « boche » et de lui réduire ses rations de nourriture.

La fin de la Première Guerre mondiale ne voit pas la fin du conflit entre le maire et l’instituteur. C’est ainsi que l’inauguration du monument aux morts de la commune verra culminer la haine. En effet, le maire décide de ne pas mentionner le nom des trois frères Rattaire sur le monument.

Indigné Adolphe Rattaire s’insurge : « Est-il possible que la haine soit plus forte que la loi ?« . Oui. Durant les années qu’il lui reste à vivre l’intègre Rattaire protestera auprès de la préfecture pour que cette indignité soit corrigée. Ce sera fait… le 11 novembre 2010.

Témoignage instructif sur une époque, ce récit historique présente deux facettes de la nature humaine : l’intégrité et la malfaisance.

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 126
Édition : J’ai Lu
Sortie : novembre 2012
Prix : 4,80 €