Une française à Hollywood – Avis +

Présentation de l’éditeur

Quelle actrice française n’a pas rêvé de tourner à Hollywood ? Leslie Caron a non seulement été invitée, jeune ballerine, par le grand Gene Kelly à partir pour Hollywood jouer dans son film Un Américain à Paris, mais ce premier triomphe fut suivi d’autres succès si éclatants – les comédies musicales Papa longues jambes avec le légendaire Fred Astaire, ou Lili et Gigi qui l’ont fait connaître dans le monde entier -, qu’elle a fini par faire non pas un film mais presque toute une carrière aux Etats-Unis, au point que certains imaginent même qu’elle est américaine…

Aujourd’hui, alors qu’on fête les 60 ans du film mythique de Gene Kelly, les mémoires de Leslie Caron paraissent en France. On y trouve, tracée d’une plume alerte et subtile, une magnifique galerie de portraits de ses proches et de ses collaborateurs, lesquels avaient pour noms Fred Astaire, Cary Grant, Judy Garland, René Clair, Jean Renoir – son ami et mentor -, Rudolph Noureev, René Clément, Charles Aznavour, Orson Welles, Alain Delon, Warren Beatty – avec qui elle a eu une liaison de plusieurs années – François Truffaut, Louis Malle et bien sûr Gene Kelly…

Se dessine la passionnante carrière d’une actrice qui a connu de grandes joies comme des déceptions, mais qui a su relever tous les défis, mener sa vie avec courage et exigence, et qui continue de remporter des prix et d’éblouir le public.

Avis de Marnie

La première qualité de cette excellente autobiographie, c’est l’étonnante sincérité de Leslie Caron, qui n’hésite pas avec une vraie honnêteté à évoquer ses qualités, certes, mais aussi ses défauts, sans aucune langue de bois. Bourré de « gentilles » anecdotes, elle parle avec une froide pudeur de personnages connus qui se sont révélés détestables, tout en évoquant plus longuement et soudain avec un ton aussi chaleureux qu’ému, d’autres personnes que nous aurions rêvé nous-mêmes de connaître.

Son écriture tour à tour fluide pour évoquer les moments de bonheur, puis sèche lorsqu’elle a été blessée, est empreinte de ressenti et rend cette autobiographie profondément humaine. Ainsi, nous sentons sa douleur et ses regrets de la fin de son mariage avec le célèbre metteur en scène shakespearien Peter Hall, son deuxième époux et père de ses enfants, et aussi l’emballement et la folie autour de la liaison de deux ans avec le fascinant mais ingérable prédateur Warren Beatty.

Cependant, plus que ses amours, ce sont ses amitiés dont il est longuement question. Alors que sa carrière est mise en péril à cause de son mariage avec Peter Hall qui fera tout ce qui est possible pour qu’elle cesse de travailler, Leslie Caron devient une des hôtesses les plus courues du Londres, alors capitale mondiale artistique des années 60, où toutes les stars hollywoodiennes font de longs séjours, sans oublier les victimes exilées du MacCarthisme. Mais, elle n’oubliera pas Beverly Hills, ses voisins et amis comme Jean et Dido Renoir, ou Paris avec ses liens avec François Truffaut et évoquera sa collaboration et son amitié avec Rudolf Noureev.

Toutefois, ce qui nous touche en plein coeur, c’est l’aspect singulier de ce destin de petite fille riche et choyée malgré une mère dépressive chronique et égoïste et un père indifférent, qui va subir de plein fouet la ruine, les privations et l’atmosphère de délation et de haine d’un Paris transformé sous l’Occupation. Traumatisée et endurcie par cette violence, sa solitude n’en sera que plus criante lorsqu’elle se heurtera à l’Hollywood de 1950, un monde superficiel où elle est surprotégée de force. Cet isolement, nous avons l’impression qu’il ne la quittera jamais et aboutira à une profonde dépression lorsque arriveront ses 60 ans et que ses échecs lui paraîtront insurmontables.

Pourtant, c’est une femme volontaire, habituée à travailler jusqu’au bout de ses forces, reprenant les rênes de son destin avec une sorte de douce fermeté, et renaissant alors de ses cendres que nous découvrons au fil des pages. Elle raconte son existence professionnelle et intime avec à chaque fois cette retenue qui nous font penser qu’elle a toujours été plus spectatrice qu’actrice de sa vie personnelle, prenant quelques fois un ton doux-amer qui souligne ce goût d’inachevé, comme si Leslie Caron avait eu à chaque fois un pas d’avance, ou de retard, victime d’un coup du sort, d’une hésitation de trop, restant toujours au fond d’elle-même une petite fille naïve, avide de trouver un foyer et qui a sans-cesse et malgré elle été déracinée.

Si vous voulez avoir un aperçu de son talent, vous pouvez voir ou revoir Gigi, dans un rôle plus mature le film britannique La chambre indiscrète pour lequel elle a gagné un Bafta et le Golden globe en 1963, mais aussi l’épisode n° 3 de la saison 8 de New York Unité Spéciale pour lequel, elle a reçu le Emmy Awards de la meilleure « artiste invitée » en 2007, ou vous attendrez l’année prochaine pour la découvrir au théâtre du Châtelet où elle reprendra un rôle qui l’a déjà fait triompher sur scène dans A Little Night Music de Stephen Sondheim.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 441
Editeur : Baker Street
Sortie : 19 mai 2011
Prix : 22 €