Intuitions – Avis+/-

Avis de Kamana

Jemma voit depuis sa plus tendre enfance des numéros dans sa tête quand elle regarde les gens dans les yeux. A l’âge de sept ans elle découvre le cadavre de sa mère toxicomane et lors de l’enterrement, en voyant les chiffres sur la pierre tombale, les mêmes qu’elle voyait en la regardant de son vivant, elle comprend qu’ils correspondent au jour de son décès. Les numéros indiquent la date de la mort de chaque personne. C’est un tel poids sur ses épaules, et aussi une telle responsabilité… La question se pose : don ou malédiction ?

Aujourd’hui Jemma a quinze ans. L’adolescence est déjà une période difficile, mais pour elle c’est un enfer. Écorchée vive par la vie, renfermée, solitaire, Jem vit au jour le jour évitant tout contact, toute amitié, jusqu’à l’arrivée de Spider qui s’incruste et chamboule son existence, la perception qu’elle a des autres et d’elle-même.

Le début nous promettait un livre singulier voir envoûtant, mais Rachel Ward nous offre une histoire à la trame tragique, parfois percutante et choquante aussi. L’histoire est brutal tant par son approche verbale familière voire grossière que par la noirceur des événements, du ton même du récit.

L’auteur laisse peu d’espoir aux personnages affectant aussi le lecteur. Il ne faut surtout pas donner cette lecture à un adolescent en mal de vivre au risque de le voir sombrer encore plus dans l’abattement. Comme le récit nous est conté à la première personne, par Jemma, nous avons donc comme compagnie une jeune fille déchirée, qui se pose tout le long du roman des questions sur la vie et la mort, sur le but de son existence et surtout sur la confiance qu’on peut accorder aux autres.

Certains passages sont d’une longueur éprouvante, un véritable marathon de la déprime. Les personnages restent figés dans une situation qui ne méritait pas un intérêt si grand. L’auteur s’enlise et nous ramons avec les moyens que nous avons, de la patience et de la ténacité. Vous désirez broyer du noir et bien voilà qui vous assombrira le quotidien. Puis d’un coup nous faisons un bond dans le déroulement nous accrochant pour connaître le dénouement. Nous voulons suivre jusqu’au bout cette jeune fille désenchantée pour voir si elle va tomber plus bas et surtout comprendre comment elle va se relever et enfin vivre, respirer avec joie, rire. Mais cela arrivera-t-il ?

Un roman à la trame originale à ne pas mettre entre toutes les mains, sinon gare au coup de blues. Une suite qui espérons-le laissera présager un avenir plus ensoleillé au récit.

Présentation de l’éditeur

Depuis son plus jeune âge, Jem voit des nombres flotter au-dessus des personnes qu’elle croise. C’est le jour où sa mère décède qu’elle en comprend la signification : il s’agit de la date de leur mort. Ce don maudit la pousse à se couper du monde. Jusqu’au jour où elle rencontre Spider…

Alors qu’ils partent ensemble à la grande roue de Londres, un phénomène étrange se produit : pourquoi tous les passants ont-ils le même nombre au-dessus de la tête ? Pris de panique, Jem et son ami prennent la fuite. Ils seront les seuls survivants de l’attentat qui va suivre, mais aussi les seuls suspects traqués par la police une fois leur identité révélée par les caméras de surveillance. Mais comment Jem peut-elle expliquer au commun des mortels les raisons de sa fugue, et surtout, comment ignorer la terrible vérité qu’elle peut lire en Spider ?

Avis de Marnie

Au départ,nous avons de très bonnes idées pour un roman destiné à de jeunes adultes… Rachel Ward décrit à la première personne les états d’âme d’une adolescente britannique de 15 ans, Jemma, qui sait la date de la mort de tous les gens dont elle croise les yeux, y compris celle de celui qui va devenir son petit ami, son compagnon de fuite et de galères.

Nous pensons au grand classique américain, C’est arrivé demain (qui n’a pas pris une ride), de René Clair, dont le thème a été réadapté pour la série Demain à la une, ou encore à l’excellent thriller fantastique Time after time (C’était demain) de Nicholas Meyer… Malheureusement, ce Numbers – titre anglais plus approprié que Intuitions – n’est pas à la hauteur de ses ambitions.

Jemma est attachante en écorchée vive, ballotée de foyers d’accueils en orphelinats et qui peine à faire confiance à ces adultes qui décident de sa vie pour elle. Sa révolte intérieure, son besoin de justice, son incapacité à savoir ce qu’elle souhaite vraiment faire de son existence… toutes ses émotions qui bouillonnent en elle sont perceptibles et très bien rendues. A cette révolte adolescente est accentuée par le « don » qui l’embarrasse, la perturbe et provoque chez elle une souffrance intense. Là encore, Rachel Ward sait toucher en plein coeur le lecteur qui se reconnaît à un moment ou à un autre de sa vie.

Le problème, c’est que l’auteur est rapidement à court d’idées. Le récit s’essouffle, et au final, nous nous retrouvons dans une sorte de road-movie, où Rachel Ward s’attarde bien trop longuement sur la fuite éperdue des deux jeunes gens, qui n’a que peu d’intérêt. Ils errent dans la campagne anglaise, rencontrent deux ou trois personnes, dans un contexte sans relief et plutôt morne.

La fin, que l’on connaît depuis littéralement la première page ne nous offre pas d’astuce de scénario et devient aussi inéluctable que dramatique, avec seulement l’ouverture de rigueur vers le second tome. Pas de rebondissement passionnant, pas de montée de la tension, pas d’amour fou… L’écriture de Rachel Ward manque de nervosité, de passion et de souffle.

Il faut espérer que le second volume fasse preuve d’inventivité et… surtout d’une vraie fougue !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 330
Editeur : Michel Lafon
Sortie : 12 mai 2010
Prix : 15,95 €