Zoé, la nuit – Avis +

Présentation de l’éditeur

Elle s’appelle Zoé, son père est l’illustre Alphonse Bertillon, inventeur de l’analyse et de la photo anthropométrique. Elle est reporter à l’Épatant et photographie les cadavres à la morgue de la Préfecture de Paris. Cette année-là, 1889, a lieu le 1er Congrès international sur l’hypnotisme à Paris. On vient y écouter Charcot, Brown-Séquard, Brouardel, Lombroso et y discuter des nouvelles idées de Bernheim…

Et soudain deux meurtres : deux psychiatres retrouvés poignardés et émasculés.

Zoé, avec l’aide du commissaire Cougnolles et du docteur Hippolyte, mène l’enquête. Elle la conduit des salons de la Princesse Mathilde aux souterrains de l’asile étonnant du docteur Hippolyte où l’on y traite des aliénés avec des techniques de l’époque, l’électro et l’hydrothérapie. Elle finira par découvrir que les plus fous ne sont évidemment pas ceux que l’on a enfermés.

Avis d’Enora

Derrière le pseudonyme d’Iris Castor se cachent deux auteurs : Laure Murat et Zrinka Stahuljak. Un tandem inédit qui nous livre un roman policier d’une qualité rare.

Nous sommes à Paris en 1889, l’exposition universelle bat son plein. La tour Eiffel – le bâtiment le plus haut du monde – éclaire désormais Paris, comme étaient censées le faire les idées nouvelles de la Révolution, un siècle plus tôt. Mais en ce mois d’aout 1889 a lieu un autre événement majeur : le premier congrès international de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique à l’initiative du docteur Edgar Berillon et sous la présidence de Charcot, Brown-Séquard, Brouardel et Lombroso. Deux écoles s’y opposent, celle de la Salpêtrière de Jean Martin Charcot et celle de Nancy d’Hippolyte Bernheim : l’hypnose est-elle un état pathologique propre aux hystériques ou un simple sommeil produit par la suggestion et susceptible d’applications thérapeutiques ?

C‘est dans ce climat agité que surviennent les meurtres avec mutilations de deux psychiatres experts. Zoé, fille de l’illustre inventeur de la photo anthropométrique, se retrouve aux premières loges, en tant que photographe pour la morgue et en tant que journaliste pour l’Epatant. Car Zoé a deux vies, elle est photographe dans le service d’anthropologie criminelle de la préfecture sous sa véritable identité mais écrit aussi des reportages pour un journal sous le pseudonyme de George Maxence.

Curieuse, intrépide, passionnée par les sciences nouvelles et en particulier par tout ce qui touche au cerveau et à la psychologie, Zoé se lance dans l’enquête. Avec l’aide du commissaire Cougnolle, à la silhouette de bilboquet athlétique, elle traque un aliéné échappé de l’asile. De l’avis de tous, ces crimes abominables ne peuvent être que l’œuvre d’un fou mais Zoé s’interroge : qu’est-ce qui différencie un fou d’un homme normal ? Les aliénés peuvent-ils faire illusion et s’assimiler à la vie ordinaire ? « Le monde normal » n’est-il pas pétri de préjugés et de fantasmes à l’égard des fous et de la façon dont ils seraient censés se comporter en société ? Cette aventure apportera à Zoé une reconnaissance publique de son talent tout en lui laissant un souvenir doux-amer. La maturité s’acquiert rarement sans souffrances…

Ce roman se distingue d’abord par son coté extrêmement bien documenté, aussi bien sur cette fin du XIXe à Paris, que sur la condition des femmes ou sur les nouvelles sciences expérimentales. On y découvre ainsi les premiers balbutiements des signalements anthropomorphiques, de la psychiatrie ainsi que de la libération féministe avec la création de la société pour l’amélioration du sort des femmes. Saviez-vous que depuis une ordonnance de 1800 toute femme désirant porter culottes » devait obtenir une « autorisation de travestissement » à la préfecture de police ? [[quand on pense qu’il faut maintenant instaurer « Une journée de la jupe » dans les collèges pour que les jeunes filles osent quitter leur pantalon sans se faire traiter de racoleuses, on se dit que rien n’a vraiment été gagné…]]

L’intrigue est haletante et sa résolution prend place tout naturellement dans l’histoire. Mais surtout les auteurs ont réussi à donner vie à un personnage féminin tout à fait dans le contexte de cette société en mouvement. Zoe en grec veut dire la vie ; petit faune aux boucles rousses et aux yeux verts, vêtu de culottes bouffantes de « bicycletteuse », mélange de gravité et de vivacité, la jeune fille doit continuellement se battre contre les représentations féminines de l’époque pour exercer aussi bien son métier de photographe que celui de journaliste.

Orpheline de mère, avec un père qui est longtemps resté un mystère, Zoé cherche sa place, en tant que femme dans la société et en tant que fille près de ce père célèbre, grâce à la photographie qui lui permet de jouer avec la vision des objets et de comprendre que tout dépend du point de vue où l’on se place. Zoé n’aime pas plus les conflits que les rapports de force ou de domination. Elle aime le dialogue, se retrouver sur un pied d’égalité dans ses relations ce qui complique sa vie sentimentale. La reconnaissance de son talent professionnelle ne se fera pas sans souffrance sur le plan émotionnel.

Zoé, la nuit est un roman policier particulièrement réussi qui voit la naissance d’une héroïne intéressante et attachante et dont on attend avec impatience la suite des aventures !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 266
Editeur : J.C. Lattes
Collection : Thrillers
Sortie : mars 2010
Prix : 18,50 €