Directrice de prison – Avis +

Présentation officielle

Trafics, violence, radicalisation, tout ce qu’on ne peut pas dire.

De la prison, on connaît quelques témoignages de surveillants, souvent à la retraite ou anonymes. Mais un récit en nom propre et en activité de directeur de prison, ou plutôt de directrice, on n’en a jamais lu.

Sans éluder aucune question, Christelle Rotach raconte, de l’intérieur, le rythme infernal de la maison d’arrêt, les questions, l’inquiétude, le règne des injonctions paradoxales, la violence, la mort. Elle nous parle d’elle, de nous, de ce miroir dans lequel la société ne veut plus se voir.

Avis de Chris

Les méandres du système judiciaire, qui rejettent la lie de la société pour l’éloigner et l’enfermer entre quatre murs barbelés vue sur cour bétonnée, sont ici présentés sans filtre et sans langue de bois. Avec un recul sidérant, l’autrice et narratrice se livre sur le milieu carcéral dont elle a exploré les moindres recoins, de l’administration sourde à ses requêtes jusqu’aux riverains qui se plaignent de nuisances. Derrière des murs froids, humides où rancœur, haine et désespoir se côtoient, dès les premières lignes parcourues, le lecteur comprend qu’on ne rigole pas, qu’on n’est loin du Club Med.

Loin d’être destinée à entrer dans un monde d’hommes, surtout en tant que directrice de prison, Christelle a vogué de prison en prison, en passant par les Baumettes, La Santé ou encore Fleury-Mérogis. Elle y explique ses routines, ses tâches et surtout les événements marquants qui ont soulevé en elle indignation, stress, frayeurs ou encore désillusions. Quelques moments de bonheur viennent toutefois bousculer ses habitudes, comme le fait d’avoir obtenu du papier-toilette pour tous les prisonniers ! Il ne faut pas grand chose pour illuminer un peu la vie en prison.

Depuis cinq ans, les criminels du grand banditisme, les violeurs, les voleurs, les meurtriers, les « fous », les SDF doivent dorénavant cohabiter avec des détenus d’un tout nouveau genre : les terroristes. La hausse de la radicalisation décrite face à un personnel carcéral totalement démuni est comme l’appel à l’aide de l’autrice.

C’est hélas la goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà submergé. A la lecture du livre, on comprend que sans changement drastique, sans moyens octroyés, la prison risque de se dégrader encore et encore et, un jour, elle implosera de l’intérieur n’attendant qu’un drame pour que les choses bougent enfin… peut-être.

L’écriture donne l’impression que la romancière parle au lecteur, en toute franchise, sans filtre, et surtout comme si elle conversait avec un(e) ami(e). Il faut dire qu’elle papillonne de faits marquants en faits marquants. Il n’y a pas de réelle structure ou de fil rouge, à part la raison pour laquelle elle a pris la plume, tout en s’attachant à respecter autant la vérité que ses pairs.

Directrice de prison est un ouvrage court et fort mais qui est d’utilité publique. La façon dont s’enchaîne les différents chapitres incite le lecteur à tourner les pages, peu importe l’horreur décrite çà et là. C’est l’histoire de la vie, celle du milieu carcéral, celle qui fait froid dans le dos, celle de Christelle Rotach, de ses collègues en sous-effectif et des milliers de prisonniers entassés dans des prisons surpeuplées et insalubres où la moindre tension peut être dévastatrice. Et tout ça se passe en France, pays des Droits de l’homme…

Fiche technique

Format : poche
Pages : 240
Editeur : Pocket
Sortie : 22 octobre 2020
Prix : 6,95 €