Gusse – Avis +

Présentation de l’éditeur

La guerre 1914-1918 décime un village entre Sologne et Berry. Des jeunes gens meurent en pleine force de l’âge, des amis, des copains ne sont plus que des croix alignées au cimetière ou de simples noms sur la stèle du monument aux Morts.

Pourquoi Gusse s’est-il confié au Glaude lors de sa dernière permission. Comment est-il mort ? A quelle date ? Quelles en sont les vraies raisons ?…

François Barberousse avec son talent habituel nous entraîne dans un village solognot comme beaucoup de villages avec ses gens de la terre qui vivent au rythme des saisons, qui travaillent dur, qui habitent la nature qui les entoure… dans un style sans affectation aucune et une écriture resserrée qui retiennent l’attention.

Gusse, le héros du roman, est soldat pendant la Grande Guerre. Pour autant, le roman ne peint en rien la guerre elle-même. Il décrit le désespoir d’un jeune homme qui constate que la communauté paysanne qu’il aimait se délite au fil des années de conflit.

Chaque permission est pour lui l’occasion de constater que le monde paysan est profondément blessé dans ses usages, dans ses valeurs. « L’âge d’or » des campagnes françaises (ainsi a-t-on pu nommer la période des années 1880-1900) a bien disparu.

Bien qu’éloignée du front, la Sologne et sa ruralité profonde ne sont donc pas à l’abri des changements. Et tout l’art de ce roman est de savoir les peindre avec force et avec tact. Les villes vivent aussi cela. Mais elles bénéficient d’un dynamisme qui masque les mutations sociales et l’émergence de nouvelles mentalités sous les traits d’une modernité qui peut paraître attrayante. Il n’en va pas de même pour les campagnes qui, dès lors, peuvent apparaître comme les grandes perdantes de la guerre.

Avis de Claire

Manuscrit oublié de François Barberousse, Gusse, son troisième roman, aurait dû être publié aux éditions Gallimard en 1938. Mais son « ton trop pacifiste » et l’imminence de la Seconde guerre mondiale feront que cette publication ne verra jamais le jour.

Erreur aujourd’hui réparée par les éditions Marivole qui remettent à l’honneur un écrivain injustement méconnu, contemporain d’Alain-Fournier, auteur du Grand Meaulnes (1913), dont il eut la mère pour institutrice. Héros de la Résistance, anti-colonialiste, mort en 1979, il n’a malheureusement jamais pu renouer avec l’écriture après la Guerre.

Fils de paysan, cadet d’une fratrie de douze, enfant de la terre, François Barberousse place son intrigue dans le hameau de Sommerère, dans la Creuse, en plein coeur de la France, dans ce lieu qu’il connaît si bien.

Comparé à Louis-Ferdinand Céline pour son style parfois un peu crû, sans tergiversations, voire un peu oralisé, où les personnages parlent avec « les tripes », à l’instar de l’auteur du Voyage au bout de la nuit, François Barberousse retrace l’histoire de Gusse de son vrai nom Auguste Raimbault, mort au Champ d’honneur le 20 février 1918.

En 1922, le narrateur, Claude Robelin alias « Glaude » se souvient des derniers moments qu’il a partagé avec son ami, le 16 février, soit quatre jours avant sa mort, les deux jeunes hommes ont une conversation énigmatique, voire prophétique. L’horreur de la guerre est là, si proche, qui fauche la jeunesse pleine de vie.

De retour à Sommerère, où tout le monde connaît tout le monde, Claude a la lourde mission d’annoncer la mort de leur fils aux parents de Gusse, où les temps sont durs, à cause de, comme le fait remarquer la mère de Gusse « tous les malheurs à la file qui venaient de la guerre. »

Durant deux semaines, Claude va remonter le fil du temps et des évènements. Il n’aura de cesse de retracer les derniers instants de son ami au village pour mieux le comprendre. Bientôt, une évidence s’impose à lui, lors de cette dernière rencontre, Gusse était hanté par le désir de mort, mais pourquoi ?

Sous la plume de Barberousse renaît Gusse, le fort, celui qui, parmi tous, semblait le plus solide, celui-là pourtant que la guerre va briser. Ses dernières paroles à Claude, « tout est foutu » vont le hanter pendant des années.

Les mots de l’auteur, puissants, incisifs, du terroir creusois, sans concessions, sont d’une étonnante modernité. Dommage que le destin n’ait pas voulu qu’il poursuive sa carrière. Un roman et un auteur à (re)découvrir d’urgence !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 218
Editeur : Marivole
Sortie : 5 octobre 2012
Prix : 20 €