La caissière – Avis +

Présentation de l’éditeur

Rien ne prédestinait Michèle, la cinquantaine, à travailler dans la Grande Distribution. Mais le décès subit de son mari artisan lui impose d’accepter un poste de caissière dans un hyper planté en pleine zone industrielle, au fin fond de la Picardie.

Son quotidien est rythmé par ses horaires de travail : se lever aux aurores, prendre le bus, retrouver ses collègues, Pierre, le poissonnier, ou encore Annette dite Cléopâtre, s’installer à sa caisse, faire attention aux clients, aux vols, au Chef. Puis, à la fin de la journée, rentrer dans sa maison vide… Un quotidien d’hôtesse de caisse.

Tant pis si l’élégance hypocrite du titre ne garantit ni la correction de l’employeur ni la courtoisie du client. Mais la nuit, Michèle rêve. Elle se voit différente. Conquérante. Gagnante. Les jours changent alors imperceptiblement. Elle qui subissait sa vie se met à prendre des décisions, à provoquer des rencontres, s’extirpant peu à peu du malheur.

Avis d’Enora

Cela fait deux ans que Michèle a perdu son mari et qu’elle se laisse insidieusement digérer par le malheur, deux ans qu’elle se voit contrainte de travailler dans un hyper comme hôtesse de caisse, deux ans qu’elle a arrêté de rêver. Car c’était Henri qui donnait corps à ses rêves et sans lui Michèle ne rêve plus. Tous les matins à cinq heures, le réveil la tire de son lit froid de solitude et de désespoir, mais pour elle, qui sait que la vie peut basculer à tous moments, la routine a quelque chose de rassurant. Bien sûr dans cet univers de consommation où l’humain est résumé au minimum, il faut se frotter aux clients hargneux, méprisants, ou pire, à ceux qui vous ignorent, mais heureusement, il y a les collègues de travail, Pierre, le poissonnier breton, Annette dit Cléopâtre qui jonglent avec ses horaires et ceux de la nounou et Aïcha, la chaleureuse grand-mère du vigile.

Et puis une nuit Michèle se met à rêver de nouveau. Quand on n’a plus rien et qu’on touche le bout, la seule chose qui nous reste est de rêver, disait Muriel Mayette dans un entretien avec Daniel Schick. Le rêve, véritable sas de survie, est un rendez-vous avec soi-même. Dans ses songes, Michèle se révèle comme une femme différente, une femme qui ne subit plus mais prend son destin en main. Elle sort alors doucement de la sidération dans laquelle la perte de son mari l’avait plongée et commence à accepter de revivre. Le langage codé de ses songes l’aide à aller de l’avant ; elle va affronter aussi bien les fantômes de sa vie cassée, que le fisc ou le directeur du personnel, renouer avec sa belle-fille, accepter de dire adieu à l’homme qu’elle a aimé et reconnaître que sa vie continue et lui réserve peut-être encore de belles surprises.

Quel bonheur, dans cette période estivale où la plupart des parutions semblent croire que vacances riment avec baisse de neurones, de découvrir un petit bijou pareil. Avec une écriture ciselée pleine d’humour et de sensibilité, Catherine Moret-Courtel nous raconte le parcours d’une femme ordinaire, malmenée par la vie, qui courageusement reprend les rênes de son destin. Elle nous montre comment la société actuelle isole quand le malheur frappe ; plus d’oreilles compatissantes à qui raconter son mal-être, alors on l’étouffe sous des tonnes de nourriture consolatrice, on le noie dans l’alcool ou d’autres substances addictives. Les chagrins éteignent ou font grandir. Michèle, elle, y gagnera la sagesse, une sorte de résignation optimiste et la force d’aider les autres à découvrir leurs ressources. Tour à tour drôle et émouvant, ce roman qui se déguste avec délectation est un magnifique hymne à la vie.

A noter la belle couverture, qui avec le code barre imprimé sur la nuque de l’hôtesse de caisse, illustre la chosification de ce corps de métier, aussi bien de la part des clients que de celle de l’employeur. Une chose est sûre, après avoir lu ce livre, vous ne passerez plus jamais en caisse sans un bonjour et un sourire pour la personne qui comptabilise vos achats !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 190
Editeur : Belfond
Sortie : 14 aout 2008
Prix : 17 €