Peau d’âne – Avis +

Présentation officielle

« Prenez de la … /… prenez de la farine

versez dans la … /… versez dans la terrine… »

La confection du cake d’amour par Catherine Deneuve dans le film réalisé par Jacques Demy est une scène délicieuse. Dans le gâteau destiné au prince, Peau d’âne glisse sa bague, indice qui la libérera de sa triste peau. Car les princesses, qu’elles s’appellent Peau d’âne, La Belle au bois dormant ou Cendrillon finissent toujours dans les bras d’un prince. Obéissantes et sages, elles surmontent (sans broncher) la méchanceté, l’humiliation et la dureté de la vie des pauvres, avant que – grâce notamment aux coups de pouce de marraines bienveillantes – ne s’ouvre le chemin de roses de leur destinée.

Peau d’âne fut le plus grand succès public de la carrière de Jacques Demy. Sorti en décembre 1970, le film séduisit le public par le raffinement de la mise en scène, la féerie des décors et des costumes, l’époustouflant casting (Catherine Deneuve, Jean Marais, Jacques Perrin, Delphine Seyrig, Micheline Presle) et les mélodies de Michel Legrand.

Avis de Claire

Peau d’âne sur scène ! Depuis les premières annonces de ce spectacle au printemps, on l’avoue, on frétillait d’impatience, et pas seulement parce que Peau d’âne de Jacques Demy est un film culte. C’est aussi une partition, des musiques inoubliables, et des chansons qui restent longtemps dans la tête. Honnêtement, on se demande même pourquoi cela n’a pas été fait avant tant le format du film se prête à la scène.

Peau d’âne, avant d’être un film, est bien entendu un conte de fées, signé Charles Perrault. L’un de ceux qui ont bercé notre enfance, et connu pour être très probablement le tout premier conte de fées français écrit. Jacques Demy ne l’a pas oublié en commençant son film avec un album géant, feuilleté sous la voix profonde du récitant Jean Servais.

Dans sa mise en scène, Emilio Sagi reprend ce format, et il a chargé Claire Chazal de la lourde tâche d’être la première en scène. Choix surprenant, s’il en est, et comme le dirait Peau d’âne « il me déconcerte ». On ne s’étendra pas sur le rôle de la présentatrice, qui comme son nom l’indique, présente. Fort heureusement, l’orchestre symphonique, dirigé par Thierry Boulanger et Patrice Peyrieras restitue à merveille la musique de Michel Legrand, dès les premières mesures.

L’idée n’était pas de jouer à retrouver les différences entre le film et la scène, mais on ne peut s’empêcher d’avoir quelques attentes, notamment pour les passages les plus fameux. Marie Oppert se love sans difficulté dans les atours de la belle princesse, qu’elle soit vêtue d’or ou de diamants, ou d’une peau de bête. Elle est merveilleuse, réinterprète à sa manière, dans les passages joués et chantés, et ne cherche pas à coller à tout prix au modèle.

A l’applaudimètre, ce soir-là, c’est Emma Kate Nelson, qui a conquis tous les coeurs. La pétillante anglaise, que l’on avait pu voir sur la scène du Châtelet, dans Singin’ in the rain en 2015, séduit spontanément. Son délicieux accent british apporte un charme supplémentaire, l’artiste jouant à fond la carte de la fantaisie et de l’humour.

Les costumes de Pepa Ojanguren sont un enchantement, bien que l’on émette une réserve sur « la robe couleur du temps », bien loin de la version magique du film. Parti-pris sans doute, mais qui n’a pas vraiment fonctionné. Les robes de Peau d’âne sont si célèbres qu’elles en sont presque devenues des personnages à part entière. Pas de déception cependant pour le reste de la garde-robe, qui est somptueuse.

Les décors, imposants pour une scène pas si grande finalement (les jeux de miroirs ont été fort judicieux), sont manipulés par les comédiens. Ils sont plutôt ingénieux, et on a pu voir quelques jolies et audacieuses trouvailles scéniques, notamment dans la scène du rêve des amoureux. Peau d’âne roule en trottinette, la marraine en patins à roulettes, point d’hélicoptère mais un téléphone, quelques touches çà et là dans l’esprit du film étaient tout à fait bienvenues.

Cette première restera inoubliable grâce à la présence, dans la salle, du maestro lui-même, Michel Legrand, très ému visiblement, qui a été salué par une standing ovation chaleureuse et plus que méritée. L’ambiance électrisante des dernières minutes a conduit toute l’équipe (et la salle !) à reprendre en chœur la chanson du « cake d’amour », et cela a suffi à effacer les petites hésitations et anicroches de cette première, les comédiens trouveront leurs marques, nous n’en doutons pas.

A voir, sans hésiter !

Fiche technique

Adresse : Théâtre Marigny, carré Marigny, 75008 Paris

Téléphone : 01 76 49 47 12

Mise en scène : Emilio Sagi

Tarifs : de 43 à 99 euros

Séances : du mardi au samedi à 21H, matinées le samedi à 15H et dimanche à 16H