Les encriers de porcelaine – Avis +

Présentation de l’éditeur

Quand, le 1er octobre 1935, Augusta Maupin prend son premier poste d’institutrice face à une classe de petits paysans corréziens, elle a l’enthousiasme chevillé au corps. Jeune normalienne porteuse des valeurs républicaines, elle a été formée aux « nouvelles » méthodes d’éducation. Mais qu’une jeune femme, belle de surcroît, veuille donner à tous ses élèves, garçons et filles confondus, les moyens de devenir de vrais citoyens crée le scandale. Alors que pointe le Front populaire, elle devra affronter le maire et le curé du village qui exigent de demeurer les seuls garants de l’autorité et de la morale.

Avis de Marnie

Ecrits en 1988, et donc réédités cette année, Les Encriers de porcelaine sentent bon l’odeur des téléfilms historiques du service public. Notamment ces derniers temps où l’on nous a raconté comment était née la première école maternelle, ainsi que les drames afférents à l’irruption de l’école de Jules Ferry dans nos villages provinciaux[[prédilection pour 1920… l’été 1936 et les premiers congés payés, ou encore le bon vieux temps des années 50 où l’instituteur vous tapait sur les doigts avec une règle]]. Heureusement, Jean-Paul Malaval échappe aux stéréotypes, à la description manichéenne ou même à la nostalgie réductrice.

Rien de plus simple que de tomber dans le roman du terroir avec les bonnes vieilles traditions de ces si merveilleuses régions françaises… Oui, vous comprendrez qu’il est nécessaire quand vous écrivez des intrigues liées à un coin perdu de l’hexagone, qu’il faut avant tout faire preuve de subtilité, de nuances. Le but est d’avoir suffisamment d’habileté pour doser le contexte historique, l’arrière-plan géographique et enfin donner de l’épaisseur aux héros.

Il faut applaudir Jean-Paul Malaval parce que, justement, c’est exactement ce qu’il parvient à faire. Il réussit à construire un récit où une jeune femme moderne tout droit arrivée de la grande ville (Brive-la-Gaillarde, en Corrèze…) s’installe dans un petit village corrézien perdu et « arriéré » !

Mais voilà, nous sommes en 1935, en pleine dépression post-crise 1929, ponctuée par les crises ministérielles de la quatrième République… les extrêmes montent des deux côtés, et les souvenirs liés autour des émeutes du 6 février 1934 sont encore dans toutes les mémoires.

Notre héroïne aussi peu politisée qu’elle soit, va voir l’irruption presque malgré elle dans son existence des nationalistes, soit des Croix de Feu, et des communistes révolutionnaires alors que la tension monte autour des élections du 5 mai 1936.

Le propos est fort simple, sans grandes péripéties, focalisé sur l’éveil d’Augusta, tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Peu à peu, nous partageons sa prise de conscience qu’une période terrible va bientôt survenir.

Parallèlement, avec un joli vocabulaire, Jean-Paul Malaval décrit aussi la fin d’une époque, juste avant la désertification des campagnes, où l’agriculteur croit que sa place restera immuable et que rien ne changera autour de lui.

Aveuglement, inertie, méconnaissance, intolérance, travail harassant, croyances d’un autre âge, mais aussi sagesse… Les personnages secondaires se révèlent aussi agaçants qu’attachants et donc heureusement nuancés.

L’auteur ne cherche pas à approfondir les caractères, mais plutôt à les faire réagir dans une situation évolutive, ce qui donne un récit assez vif et attrayant, sans grands sentiments ni émotions.

Si l’on apprécie désormais plus de modernité dans l’écriture et que ce thème respire un peu le trop déjà vu, le lecteur a l’impression d’assister à un moment pris sur le vif où tout s’emballe avant que l’explosion ne survienne, soit un parti-pris journalistique de chronique, tempéré par un style assez lyrique.

Ce contraste est tout à fait séduisant.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 285
Editeur : Presses de la Cité
Collection : Terres de France
Sortie : 18 août 2011
Prix : 18,50 €