Les Trois soeurs – Avis +

Présentation de l’éditeur

Trois filles de pasteur qui ne sont pas sans rappeler les sœurs Brontë, soumises à la sévérité de l’Angleterre rurale du XIXe, mais dont l’esprit s’enflamme au contact inopiné du docteur Rowcliffe… La redécouverte d’une grande romancière britannique, jadis comparée à Thomas Hardy ou Katherine Mansfield.

Le roman retrouvé de la quatrième sœur Brontë ! Mary, Gwenda et Alice Cartaret sont les filles du pasteur de Garth, un village du Yorkshire. Ce père despotique leur impose une discipline de fer et les trois soeurs étouffent sous le poids de la morale puritaine.

Quand le docteur Rowcliffe arrive en ville, il apparaît comme le sauveur qui pourrait les sortir de leur isolement. Cet homme d’expérience éveille en elles une passion décuplée par une sensualité bridée. Alice, surtout, la plus jeune, semble incapable de dominer les tourments de sa chair. À tel point que l’on doit appeler à son chevet le Dr Rowcliffe. Lequel s’éprend de Gwenda, tandis que Mary, la plus sage, garde patience…

Avec pudeur et mélancolie, May Sinclair décrit le délaissement de jeunes femmes soumises au joug masculin, et dont l’esprit brûle d’envies et de rêves. Un roman qui aborde le désir féminin avec la même acuité que ceux de Thomas Hardy ou D. H. Lawrence.

Avis de Claire

Vous n’avez probablement jamais entendu parler de May Sinclair, qui a pourtant été l’une des plus célèbre romancière de Grande-Bretagne durant la première moitié du 20e siècle. Elle a même été surnommée « la quatrième soeur Brontë », et ce n’est pas un vain compliment. Alors comment expliquer sa quasi-disparition aujourd’hui, en particulier la rareté criante de ses traductions ? A notre connaissance, il s’agit du seul de ses romans disponible en français. Femme libre, elle a vécu de sa plume, n’a eu -à l’instar d’une Jane Austen moderne- ni mari ni enfant.

Dans Les Trois soeurs, elle met en scène le thème de la sensibilité féminine, pour ne pas dire de la sensualité, ou plus exactement, l’étouffement de cette part secrète qui propulse le sexe dit faible sur le fil du rasoir. Appelons cela mélancolie, frustration, ou plus vulgairement hystérie, mais pour May Sinclair, il semble essentiel de montrer à travers ce récit que c’est le non-épanouissement des femmes qui est la cause de tous leurs malheurs. Mary, Gwenda et Alice représentent chacune une énigme, un archétype féminin.

On pense inévitablement aux soeurs Brontë elles-mêmes, jusque dans leur description physique, étrangement identique, mais également dans celle de leur presbytère. Pour quiconque a déjà été à Haworth, dans le Yorkshire, il est facile de deviner derrière les mots de May Sinclair un parfait compte-rendu des lieux de vie des trois romancières. L’analogie s’arrête là. Des indices nous disent clairement que l’on n’évolue pas dans la même temporalité. Là, il y a un téléphone, ici une voiture. Le siècle n’est donc -apparemment- pas si obscur. Et pourtant.

Qu’est-ce donc qu’être une femme en ce début de 20e siècle ? Quand on est fille de pasteur ? Quand on vit dans un petit village ? Et que le seul homme correct du coin prend l’apparence d’un jeune médecin -assez séduisant- et forcément mystérieux aux yeux de ces jeunes filles qui n’ont guère d’autre point de comparaison ? Le drame se joue au fil des pages, chacune des soeurs, à la manière des sirènes, tentant d’attirer le mâle dans ses filets.

May Sinclair sonde le coeur féminin, raconte admirablement et sans juger, l’amour tant espéré, rêvé, déçu, inassouvi. Magnifique.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 353
Editeur : L’Archipel
Collection : Archipoche
Sortie : 3 avril 2019
Prix : 7,95 €