Le silence de la mer – Avis +

Présentation officielle
Les Editions de Minuit ont été conçues par Vercors à l’automne 1941 et créées par lui avec Pierre de Lescure. Le Silence de la mer est le premier titre à y être publié. Une vingtaine d’autres suivront jusqu’à la Libération, mais c’est le texte inaugural de Vercors qui connaît le plus grand retentissement. Cette sobre histoire, où une famille française s’oppose par le silence à l’officier allemand qu’elle a été obligée de loger, est un plaidoyer implacable contre la barbarie hitlérienne. Sous la calme surface des eaux, c’est la terrible «mêlée des bêtes dans la mer» qui se trouve soudain révélée, et toute «la vie sous-marine des sentiments cachés, des désirs et des pensées qui se nient et qui luttent».
Les récits qui accompagnent ici Le Silence de la mer ont une portée peut-être moins complexe mais tout aussi forte. Tous lancent un vibrant appel aux vertus d’un humanisme conscient de ses devoirs.

L’avis d’Artemis

Le silence de la mer, nouvelle écrite en pleine Occupation, nous raconte cette période à travers les yeux d’un vieux Français (le narrateur) et de sa nièce. Dès les premières lignes, l’auteur nous plonge dans cette période difficile avec l’arrivée de soldats allemands et l’installation de l’un d’entre eux dans cette famille.

Et dès le départ, le silence répond à ses paroles, malgré un respect réciproque immédiat (car comme le dit le vieil homme : « je ne puis sans souffrir offenser un homme, fût-il mon ennemi« ). Car ce bel et jeune Allemand cultivé, musicien, est l’ennemi. Et le silence est leur seule forme de résistance.

Mais tous les soirs, comme un rituel, l’officier descend de la chambre qu’il occupe pour rejoindre le vieil homme et sa nièce. Et il parle, en sachant qu’il ne recevra aucune réponse en retour. Il parle de son amour pour la France, de la dignité de ses hôtes dont il comprend le silence, de la beauté de la musique allemande, de la richesse de la littérature française et de sa fascination pour celle-ci, de l’espoir qu’il porte en lui, de son empathie envers le héros du conte de La Belle et la Bête (quel beau passage !).

Mais malgré cette résistance silencieuse, une reconnaissance mutuelle s’installe entre occupant et occupé. « Et, ma foi, je l’admirais. Oui : qu’il ne se décourageât pas. Et que jamais il ne fût tenté de secouer cet implacable silence par quelque violence de langage… Au contraire, il laissait ce silence envahir la pièce et la saturer jusqu’au fond des angles comme un gaz irrespirable, il semblait bien être celui de nous trois qui s’y trouvait le plus à l’aise. »

Mais la visite que l’officier, idéaliste, plein d’espoir, va faire à ses camarades allemands à Paris va changer la donne…

La force de ce livre est dans ses silences, dans ses non-dits. Car les silences ne sont jamais vides. Ils sont emplis de mouvements, de pensées, de réactions, de regards : regard lumineux de l’officier allemand sur la nièce de son hôte, nervosité des mains de celle-ci sur son ouvrage…

Tout est suggéré, peint avec subtilité et finesse. La brièveté du texte lui permet de se concentrer sur le cœur du récit, sans digression, ce qui lui donne sa force et son incroyable richesse.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 216
Editeur : Le livre de poche
Collection : Littérature et documents
Sortie : 1er janvier 1967
Prix : 4 €