Le Caïman – Avis +

Synopis

Bruno (Silvio Orlando), producteur de séries Z, qui a eu son heure de gloire avec des films aux titres évocateurs (Maciste contre Freud, Mocassins et les assassins !) est en panne. Il accepte, sans l’avoir lu, le scénario d’une jeune réalisatrice, Teresa (Jasmine Trinca). Quand il se rend compte qu’il s’agit d’un pamphlet contre le dirigeant actuel, Sivio Berlusconi, il est fou de rage. Il n’arrive pas à trouver de financement, et l’acteur qui doit interprèter ce « caïman » (surnom donné à Berlusconi) le lâche. C’est à ce moment que sa femme Paola (Marharita Buy) le quitte, emmenant avec elles ses deux garçons de 7 et 9 ans avec qui il a des rapports de grand gosse complice.

Avis de Marielle

Le qualificatif de Comédie ne convient pas à ce film, j’aurais rajouté Comédie dramatique. Deux histoires se déroulent en même temps dans la vie du principal protagoniste, producteur de cinéma en mal de réussite: sa séparation d’avec sa femme, qui le déchire et le plonge dans la plus totale incompréhension, et la réalisation d’un film tiré d’un scénario écrit par une toute jeune femme, dont le sujet est Berlusconi et que personne ne veut financer.

Loin d’un pamphlet politique et idéologique, le réalisateur réussit à faire partager sa tristesse de voir son pays gouverné par un personnage d’opérette, qui sait aussi se montrer dangereusement intelligent.

Il réussit également à nous faire vivre le drame personnel que vit le producteur, avec une grande sensibilité, en montrant toutes les blessures que peut faire un amour finissant. Il nous donne aussi un aperçu de la difficulté de créer.
Le début semble un peu brouillon, et le film se construit peu à peu pour atteindre son point d’orgue à la fin.

A voir!

Avis de Luc

Bruno (Silvio Orlando) symbolise toutes les facettes de l’Italie : charmeur, baratineur, sensible, terriblement attachant. Tout se dérobe autour de lui : il n’arrive plus à monter des films, sa femme le quitte, il se raccroche à la jeune réalisatrice sans savoir qu’il s’agit d’un film politique et sans savoir surtout qu’elle est déjà en un couple… ce qu’il découvrira plus tard ! Abandonné de tous, il assiste au concert que donne sa femme, une cantate de Bach, d’où monte la tension et les larmes. Il roule ensuite seul dans les rues de Rome, la nuit et il est bouleversant.

Le film sur Berlusconi se fera-t’il ? La fin est terrifiante. Sur fond de musique des films politiques italiens des années 1970, le discours prononcé par Nanni Moretti lui-même (qui fait une brève apparition à la fin) montre que, avec Berlusconi, on est au bord du fascisme. Le cinéma engagé de Francesco Rosi et Elio Pétri n’est pas loin !

C’est la première fois que Nanni Moretti ne se donne pas le rôle principal dans son film, ce qui est une étape importante. On lui a reproché son narcissisme. Il prend de la distance et abandonne le rôle principal à un acteur très populaire en Italie : Silvio Orlando, éblouissant. On s’identifie à lui, ses doutes, ses angoisses. Il émeut aux larmes. On savait Nanni Moretti capable d’émouvoir, comme dans La chambre du fils, un des films les plus touchants de ce début de siècle, très justement récompensé par la Palme d’or à Cannes en 2001. Espérons que Le Caïman fera parti du palmarès, dimanche.

C’est un film très complexe, avec plusieurs niveaux de lectures, avec également des « films dans le film », une formidable leçon de cinéma, tout en nous faisant réfléchir sur l’avenir (menacé) de nos démocraties. Grandiose !

Le film a remporté un triomphe romain dans son pays (1,5 millions d’Italiens l’on vu), malgré la quasi-absence de promotion (le film est sorti en pleine campagne électorale). Le film n’a pas été financé par la télévision, mais par l’appui de la France. Espérons que le succès ici sera aussi grand qu’en Italie, le long métrage le mérite largement.

Fiche Technique

Date de sortie : 22 Mai 2006

Avec Silvio Orlando, Margherita Buy, Daniele Rampello

Genre : Comédie

Durée : 1H52

Titre original : Il Caimano