Le 8 mars, la journée de la Femme… ou pas.

Le 8 mars, comme chaque année, la plupart des pays occidentaux célébreront la Journée de la Femme, comme elle est communément appelée. Or il ne s’agit pas de la Journée de la Femme, mais bien de la Journée des Droits des Femmes.

Infime différence ? Peut être effectivement que ce n’est qu’une bataille sémantique, mais peut être que ça va un peu plus loin.

En effet, dès le 1er mars on voit fleurir dans les centres commerciaux et sur Internet de belles affiches « A l’occasion de la Journée de la Femme, tous les cosmétiques sont à – 50% ». Fabuleux.

En soi, ce n’est pas une bien grande nouveauté qu’une journée soit reprise de façon commerciale. Après tout, nous avons le premier dimanche de mars la fête des Grands Mères, louable invention de 1987, donc très récente. Pareil, la journée des Secrétaires en 1991, n’a pas vraiment de but avoué. Tout est bon pour nous faire dépenser des sous. Après tout, c’est toujours sympa d’offrir un bouquet et toutes les occasions sont bonnes pour célébrer quelqu’un.

Pourquoi la Journée de la Femme serait différente ?

C’est ici qu’on revient à notre débat « sémantique ». Des promos sur la maquillage, des anti-rides, des images sur le net qui se moquent « gentiment » des épouses avec un mari qui dit « Laisse, tu feras la vaisselle demain, aujourd’hui c’est la journée de la femme ! ». Ou pire, comme l’an dernier, une célèbre marque de savon qui avait affiché « Profitez de la journée de la femme, laissez votre mari récurer les WC ».

Humour potache ?

Non. Il arrive un moment où il faut mettre les choses au point. Se maquiller, faire le ménage, s’occuper de son mari… Ce n’est pas ça être une femme ! Pourquoi réduit-on les femmes à un rôle secondaire, invisible, à un « devoir » conjugal de tenir la maison propre ? Être payée en moyenne 27% de moins qu’un homme pour le même travail n’est pas suffisant comme humiliation ? Il nous faut aussi subir le sexisme, machisme ambiant, si habituel que la plupart des femmes en plaisantent ?

C’est là qu’il faut replacer cette fameuse Journée de la Femme dans sa réelle appellation : c’est la Journée des Droits des Femmes ! C’est à dire une journée où l’on doit réfléchir à ce qui fait défaut aux lois dans la perspective de l’égalité des sexes. Où l’on doit penser aux femmes mariées de force, excisées, violées, battues, brimées, ou même tout simplement celles qui n’osent pas se mettre en jupe.

C’est l’occasion de se remettre en question, de réfléchir à ses propres actions. Pour les hommes comme pour les femmes. Si les réflexions d’un hommes sont sans doute plus faciles à appréhender (« Je n’aurais pas dû siffler cette femme, je lui ai manqué de respect »), les femmes sont aussi complices de sexisme banal. Qui n’a jamais pensé « Quand même elle pourrait se mettre un peu en valeur » ou « Si seulement elle s’arrangeait mieux ».

Réduire une femme à son apparence physique, comme le font les magasins qui offrent des réductions aux membres de la gent féminine ce jour là, c’est juste inacceptable. Non une femme n’est pas une paire de seins ambulante qui accessoirement fait le ménage. Une femme pense, réfléchit, a des sentiments et mérite le respect. Même si elle n’aime pas se maquiller ou si elle s’habille un peu court. Non, siffler une femme ou rire grassement qu’on se la ferait bien ne sont pas des compliments. C’est juste grossier et lamentable.

Non, les femmes ne rêvent pas de placards remplis de chaussures, tout comme les hommes ne rêvent de transformer leur maison en magasin de bricolage ou en brasserie. Non rigoler d’une femme parce qu’elle est blonde ou grosse, ce n’est pas rigolo, tout comme se moquer d’un homme roux ou chauve est de très mauvais goût.

Et j’entends déjà mes détracteurs : encore une lesbienne mal baisée. Croyez-le ou non, j’adore me maquiller, me coiffer, m’acheter des chaussures. Je prends des bains de 2 heures avec un bouquin. Typiquement féminine ? Oui, je réponds à bien des clichés. Et pourtant je suis aussi escrimeuse médiévale, gameuz invétérée, amatrice de bière et j’en passe. Alors ? Suis-je une demi-femme ?

Une de mes amies est grande, blonde, un peu tête en l’air et divinement jolie. Très féminine. Elle est aussi catcheuse, et bio-physicienne. Est-elle une demi-femme ?

Ces deux exemples pour vous dire que les femmes n’ont pas le gène du ménage, il n’existe pas. Les femmes n’ont pas des yeux qui voient le rose comme le summum du beau. Les femmes n’ont pas une colonne vertébrale qui leur permet de porter des talons aiguilles pour aller randonner. Pas plus que les hommes ont un gène qui leur permet de changer une ampoule ou de se garer.

Aucun des comportements socialement admis comme féminin ou masculin n’est valable scientifiquement. Il ne s’agit que de constructions socialement admises. C’est aliénant. Ça doit cesser. Ce sera long, et difficile, et peut être n’y arriverons-nous jamais. Mais nous avons le devoir de protester quand on réduit les femmes à leur maquillage.

Alors le 8 mars, pensez aux 75 000 femmes violées chaque année en France, pensez que votre collègue qui fait exactement le même travail que vous gagne environ 27% de moins parce qu’elle a des ovaires. Pensez aux 6 000 petites filles qui subissent l’excision chaque année.

Et parce qu’on veut juste mettre le doigt là où ça fait mal mais pas non plus se montrer moralisateurs, si vous passez la journée au lit, revendiquez aussi qu’une femme, elle a le droit de rester coucher, a le droit d’en avoir marre, a le droit de lire de la romance (pitié, ne nous sortez pas « littérature féminine » !) et des romans érotiques sans se faire traiter de fleur bleue ou de nymphomane !

En même que ce jour là, je boirai du Coca sucré, pas du light, et je mangerai un tas de cochonneries chocolatées, et le premier qui dit « régime », je lui plante une carreau d’arbalète dans le bide.

Crédit photo : pixel endo