Isabelle de France, reine d’Angleterre – Avis +

Présentation de l’éditeur

Isabelle de France, née en 1295, figure emblématique de la saga des Rois maudits, affublée du surnom folklorique de  » Louve de France « , est devenue peu après sa mort l’image même de la méchante reine : rebelle, hypocrite, tyrannique et sanguinaire. Ces qualificatifs relèvent évidemment de la légende noire, que le présent ouvrage cherche à dissiper.

Très populaire en son temps en France comme en Angleterre, fille d’un très grand roi, Philippe IV le Bel, qui lui a inculqué dès son plus jeune âge le sens de l’État, admirée à juste titre par ses contemporains pour sa personnalité, sa beauté et son sens de la diplomatie, elle a su tracer sa destinée entre deux hommes : Édouard II, son mari, le roi le plus méprisé de toute l’histoire de l’Angleterre, et Édouard III, son fils, le plus admiré.

Son parcours politique est unique. Elle gouverne aux côtés du premier avant de le renverser en 1326 – et, peut-être, de commanditer son assassinat -, au terme de la dernière invasion que l’Angleterre ait connue depuis celle de Guillaume le Conquérant. Elle se fait ensuite nommer régente au nom du second et règne de concert avec son amant, Roger Mortimer. En 1330, devenu adulte, Édouard III prend le pouvoir en faisant assassiner ce dernier. Très admiratif de sa mère, il l’entoure de tous les égards jusqu’à son décès, en 1358.

Le retour aux sources médiévales, pratiqué ici de manière particulièrement précise, permet de dessiner une personnalité complexe et de retracer une existence hors du commun dans une période constamment marquée par la guerre civile et la violence des hommes.

Avis de Citizen Kame

Dans la littérature, Isabelle de France a mauvaise réputation. Surnommée la Louve de France, elle apparaît comme une reine régicide, assoiffée de pouvoir dans la pièce de théâtre, ainsi que ses adaptations ultérieures, du dramaturge anglais Christopher Marlow au XVIe siècle, mais aussi dans le cycle des Rois Maudits. Pourtant, le seul crime d’Isabelle de France a été d’être une femme politique, consciente de ses devoirs mais aussi de ses droits en tant qu’épouse et fille de roi, sur fond de tensions constantes entre l’Angleterre et la France.

En effet, Isabelle de France est la fille de Phillipe IV le Bel qui entretient des relations compliquées avec le roi d’Angleterre. Si le roi d’Angleterre est maître sur ses terres, il est aussi vassal du roi de France en tant que seigneur de plusieurs territoires dans tout l’ouest du pays et notamment l’Aquitaine et la Guyenne (zone conflictuelle puisqu’elle est passée sous domination anglaise après le remariage d’Aliénor d’Aquitaine, divorcée de Louis VII). Pour tenter de réconcilier les deux pays, Isabelle de France est mariée à douze ans à Edouard II, âgé de 24 ans. Edouard II est beau, sportif et instruit mais n’a aucun sens de la politique. Préférant bricoler et faire de la barque, il se laisse en permanence contrôler par ses favoris qu’il va défendre tout au long de sa vie, quitte à se mettre à dos tous les seigneurs de son royaume. Un favori, en particulier, fait la loi quand Isabelle se marie, Pierre Gaveston avec qui Edouard II passe la plupart de son temps. Cependant, Pierre Gaveston devient tellement arrogant que le roi est sommé par les seigneurs de l’envoyer en exil.

Isabelle a alors 17 ans et peut prendre sa place sur l’échiquier politique. Elle devient la principale conseillère du roi et l’assiste notamment en faisant le lien avec la papauté mais également avec son père, puis avec ses frères régnants, en France. Elle met également au monde trois enfants dont l’héritier, Edouard III. Cependant, elle est à nouveau évincée par l’apparition d’un autre favori, Hugh Despenser. Encore plus arrogant que Gaveston, Despenser écarte totalement Isabelle et s’approprie ses terres, châteaux et rentes.

Isabelle est outrée et se réfugie en France. Là-bas, elle s’allie avec un autre exilé britannique, ancien gouverneur d’Irlande, Roger Mortimer, et ose envahir l’Angleterre. Entre temps, Edouard II s’est rendu tellement impopulaire que les seigneurs se rallient au fur et à mesure à la reine. Arrivant victorieuse à la cour, elle emprisonne Despenser et met le roi dans une forme de résidence surveillée. De plus, elle force le roi, une chose sans précédent en Angleterre, à abdiquer au profit de son fils.

Le roi accepte et meurt la même année. Isabelle règne à présent seule sur l’Angleterre, toujours soutenue par Roger Mortimer. Arrivé à sa majorité, son fils Edouard III a hâte de s’asseoir sur le trône. Il fait alors arrêter Mortimer, dont il estime l’influence trop grande, et prend le pouvoir. Cependant, il ne rompt pas les relations avec sa mère à qui il assure des terres et une rente confortable jusqu’à la fin de sa vie. Très proche de sa mère pendant sa jeunesse, Edouard III est considéré comme un roi avisé

Sophie Brouquet nous décrit une femme loin de l’image de reine hystérique que l’on imagine. Ce livre d’histoire est en plus bien documenté et suffisamment vulgarisé pour être accessible. L’histoire d’Isabelle de France est si incroyable qu’elle se découvre comme un roman. Sophie Brouquet arrive à donner une image d’une reine, bien plus avertie que son mari, extrêmement pragmatique, qui va toujours faire preuve de réalisme politique. Que ce soit les conflits avec la papauté, la France, l’Ecosse (menée par les Bruce qui vont progressivement conquérir le nord de l’Angleterre), elle préfère toujours les accords et les compromis aux conflits armés, quitte à blesser les egos des seigneurs et chefs des armées. Néanmoins, elle n’hésite pas prendre la tête d’une armée pour revenir au pouvoir.

Fille de Phillipe le Bel, elle est bien consciente de ses devoirs en tant qu’épouse de roi mais également en tant que Reine sacrée, reine de ses sujets. Elle a également une haute opinion de ses droits et s’insurge dès que ses revenus ne sont plus « dignes » de son rang. Au-delà du personnage même, Sophie Brouquet arrive à retracer les différentes tensions aussi bien avec les différents seigneurs de la Cour, essayant en permanence de prendre le pouvoir, avec les différents rois de France, qui maintiennent la pression sur le territoire d’Aquitaine et de Guyenne ainsi qu’avec les Écossais dont les conquêtes et incursions fréquentes victorieuses humilient Edouard II et son fils.

La fin du règne d’Isabelle, avec l’avènement d’Edouard III, va également signifier le début d’une longue période de conflit puisque dix ans après, en 1337, les premiers chapitres de la guerre de Cent ans débutent. En effet, les trois frères d’Isabelle décèdent sans héritier et Edouard III réclame la Couronne française en tant que descendant direct de Phillipe le Bel par sa mère. Ne voulant pas d’un roi anglais, les juristes français vont invoquer une ancienne « loi salique » arguant que puisque les Reines ne peuvent pas posséder la Couronne, elles ne peuvent pas non la transmettre et vont préférer changer de dynastie en proclamant roi le cousin germain d’Isabelle, Phillipe VI de Valois.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 380
Éditeur : Perrin
Collection : Perrin biographie
Sortie : 20 août 2020
Prix : 23 €