Entretien avec Leila Meacham

Karine Bailly de Robien et Onirik : Les Roses de Somerset figure en bonne place dans le classement des meilleures ventes du New York Times et est déjà sorti dans 25 pays. Vous avez publié ce premier roman à l’âge de 71 ans. Quand avez-vous commencé à l’écrire ? C’est extraordinaire de débuter une carrière de romancière à succès à 71 ans…

Leila Meacham : En fait, j’avais 70 ans, et non 71, lors de la parution des Roses de Somerset. J’ai commencé l’écriture de ce roman à l’âge de 65 ans. J’étais enseignante à la retraite depuis dix ans et j’avais fait le tour de toutes ces choses que l’on se promet de faire, quand on aura le temps. Mon mari travaillait encore, nous n’avions pas d’enfants, ma mère, dont je m’étais beaucoup occupée, était décédée. Je recherchais une activité stimulante, alors j’ai décidé d’écrire Les Roses de Somerset.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Bien que née en Louisiane, vous vivez depuis longtemps au Texas. L’intrigue des Roses de Somerset se déroule au Texas. En quoi était-ce important, pour vous ? Auriez-vous pu choisir un autre cadre ? En France, on ne connaît de cet Etat que certains clichés. Parlez-nous de votre Texas…

Leila Meacham : J’ai passé presque toute ma vie au Texas, un Etat immense aux multiples facettes qui compte plusieurs régions : l’Est (East Texas), où se situe l’action du roman, l’Ouest (West Texas), le Panhandle, les Central Plains, le Sud (South Texas) et la côte (Coast). L’Est se démarque par ses racines anglaises, ses classes sociales très marquées et son histoire. Pour des raisons culturelles, Les Roses de Somerset n’aurait donc pas pu se dérouler ailleurs.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Certains comparent Les Roses de Somerset à Autant en emporte le vent. Ce roman vous a-t-il inspiré ? Quels sont vos romans favoris ?

Leila Meacham : Pour avoir vu des extraits du film, je connais un peu l’œuvre de Margaret Mitchell, mais je n’ai pas lu Autant en emporte le vent, que j’ai toujours considéré comme un livre sur la guerre de Sécession. Étant originaire du Sud, j’ai toujours évité les ouvrages dépeignant la défaite du sud au cours de cette guerre, car je suis dans le camp des perdants. Si je suis très flattée par cette comparaison avec Autant en emporte le vent, je ne m’en suis pas inspirée. Mon roman favori est Ne Tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee.

Karine Bailly de Robien et Onirik : La famille joue un rôle essentiel dans l’intrigue. Pour vous, la famille est-elle un bien ou un mal ?

Leila Meacham : Je n’ai pas eu la chance d’avoir une grande famille : je n’ai jamais connu mes grands-parents et mon frère jumeau est décédé à l’âge de 72 ans. Il avait un fils unique qui ne s’est jamais marié et dont je ne suis pas très proche. Mon père est mort jeune. En 46 ans de mariage, mon mari et moi n’avons pas eu le bonheur d’avoir des enfants. Je n’y connais donc pas grand-chose, mais j’ai au moins une certitude : si une famille unie peut être une source de joie sans pareille, une famille désunie engendre bien des souffrances.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Vos personnages sont fascinants et très bien conçus. Comment les avez-vous créés ? Avez-vous déterminé leurs caractéristiques dès le début de l’écriture ou bien ont-ils évolué au fil du roman ?

Mes personnages sont issus de mon imagination et évoluent d’eux-mêmes au fil de l’écriture. Dès qu’ils se mettent à respirer, à marcher, à parler, je m’efface et je les laisse vivre, suivre leur propre chemin. Quand on considère l’obsession de Mary pour sa plantation, il est naturel que, à l’âge de vingt ans, elle ait choisi Somerset au détriment de Percy.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Mary est un personnage très marquant, à la fois forte et vulnérable, une femme qui se trompe parfois dans ses choix. Qui vous l’a inspiré ?

Leila Meacham : J’ignore d’où m’est venue Mary. Un jour, elle est apparue dans mon imagination et je l’ai vue très clairement : belle, obstinée, déterminée, une véritable peste totalement ingérable, mais adorable. Je n’ai jamais connu personne qui lui ressemble, même un tant soit peu.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Le symbole des fleurs est superbe. Aimez-vous les fleurs ? Comment vous est venue cette idée ?

Leila Meacham : J’adore les fleurs. À mes yeux, il n’y a rien de plus exquis. Le choix de la rose pour exprimer le pardon m’est venu alors que je me documentais que la guerre des deux roses, entre les Lancaster et les York, en Angleterre.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Diriez-vous que Les Roses de Somerset est avant tout une histoire d’amour ?

Leila Meacham : Oui, je dirais que Les Roses de Somerset est une histoire d’amour, l’amour sous toutes ses formes : entre un homme et une femme, entre deux amis, l’amour pour des terres, un héritage, sans oublier le manque d’amour et ses conséquences tragiques.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Les grandes sagas telles que Les Oiseaux se cachent pour mourir ou les romans de Barbara Taylor Bradford étaient très en vogue il y a une trentaine d’années. Le succès des Roses de Somerset démontre un regain d’intérêt. Pourquoi les lectrices, quels que soient leur âge ou leur condition, aiment tant les grandes histoires d’amour ?

Leila Meacham : Je pense que la plupart des gens, surtout les femmes, aiment savoir « ce que deviennent » les gens. Quand on perd contact avec une connaissance, on se demande souvent ce qu’il est advenu d’elle, si elle est toujours mariée, voire si elle est encore en vie, surtout à mon âge. Les grandes sagas répondent à cette attente en retraçant la vie de personnages auxquels l’on s’attache.

Karine Bailly de Robien et Onirik : Quels sont vos projets ? Allez-vous continuer à écrire ? Avez-vous prévu une suite aux Roses de Somerset ?

Je viens de terminer non pas la suite mais le « prequel » des Roses de Somerset. Il s’intitule, dans son édition américaine, Somerset, du nom de la plantation. Il s’agit également d’une saga qui commence en 1835, en Caroline du sud pour se terminer en 1900 à Howbutker. Le personnage principal est Jessica Wyndham, l’arrière-grand-mère de Mary, qui épouse Silas Toliver, le patriarche du clan texan. Jessica raconte l’histoire des trois familles fondatrices de Howbutker, déjà évoquée dans Les Roses de Somerset. [[Le livre n’est pas encore publié aux Etats-Unis, mais de nombreux éditeurs internationaux en ont déjà fait l’acquisition, certains même sans l’avoir lu !]]

Le roman de Leila Meacham sort en librairies le 18 janvier 2013, premier ouvrage de la très prometteuse nouvelle maison d’édition Charleston. A lire en attendant, la critique (très enthousiaste !) d’Onirik. Merci beaucoup à Karine Bailly de Robien, directrice de collection aux Editions Charleston, à Elisabeth Luc pour la traduction, et bien sûr à Leila Meacham pour nous avoir très gentiment accordé un peu de son temps, pour sa toute première et exclusive interview pour la France.

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