Entre raison et préjugés, la place de la romance en librairie

Livre Paris approchant à grand pas – cette plaque tournante d’éditeurs, d’auteurs, de lecteurs et de blogueurs va être la plus grande librairie de France – nous avions envie de vous faire part de quelques unes de nos impressions et constatations concernant la place de la romance dans les rayonnages de nos magasins préférés. Attention, ce n’est en aucun cas une généralité, et les remarques qui vont suivre sont le fruit d’une observation au hasard de pérégrinations.

C’est une vérité universellement reconnue que pour les amateurs de romance, il n’est pas évident de trouver la sortie du jour, tant attendue, en librairie. Bien souvent, c’est plus volontiers sur une table en supermarché que sur une étagère de la librairie du coin que l’on trouvera la dernière romance historique de Loretta Chase (J’ai lu pour elle) ou le nouveau petit bijou d’Emily Blaine (Harlequin).

Pourtant, il existerait pas moins de 25 000 points de vente de livres en France, dont 15 000 commerces proposant des livres (cela va, par exemple des magasins de jouets qui ont un petit rayon librairie, à une table en supermarché jusqu’aux grands distributeurs culturels)[[Source]], et parmi eux, quelques 3000 librairies indépendantes. [[Source]].

En région parisienne, nous sommes bien lotis, même si beaucoup trop d’enseignes ont fermé. Mais nombreuses sont les villes de province à perdre un peu de leur âme quand la librairie du centre ville ferme, et c’est parfois un coeur de cité entier qui disparaît, on pense tout particulièrement à Verdun (Ducher) ou à Thionville (Plein Ciel) en Lorraine. Rien n’est plus jamais pareil quand une librairie ferme, le centre ville se meurt.

Alors quid de la place de la romance si l’on peine déjà à trouver une simple librairie ? Bien des lectrices et des lecteurs avouent se rabattre sans hésitation sur des plateformes de vente en ligne, qui sont, il faut le reconnaître, à jour dans les délais, et compétitifs question prix, et surtout, le plus important, question choix. Ces plateformes proposent également des romances en e-books, qui n’existent que sous ce format, et permettent à de nouveaux auteurs d’émerger et de rencontrer un public.

Depuis un an, nous menons une petite enquête (sans prétention aucune) de villes en villes, au hasard des déplacements, afin d’observer, de comparer, d’analyser la place réservée au genre « romance » dans nos librairies traditionnelles. Un premier constat en ressort : le genre prend de plus en plus de place, se démocratise, en somme, sort du placard. Et c’est tant mieux !

Si le genre est déjà ancien (il est admis que la romance est née en 1740 lors de la publication de Paméla ou la Vertu récompensée de Samuel Richardson) [[Source]], avec à son palmarès (selon les critères) des noms prestigieux tels que Jane Austen ou encore Georgette Heyer, ou plus récemment Kathleen Woodiwiss, il n’en reste pas moins un genre émergeant et nous irons même plus loin, en plein épanouissement.

Dans le monde anglo-saxon, cela fait bien longtemps que la romance s’est imposée, démocratisée, et même, banalisée. En témoigne le fabuleux documentaire Love Between the covers que nous avions eu la chance de découvrir lors du tout premier Salon du roman féminin organisé par les Romantiques, l’an dernier.

Alors où trouve-t-on le plus facilement de la romance ? Bien entendu, notre étude ne se base que sur un panel représentatif, cependant, il n’aurait pas été désagréable du tout de parcourir la route de toutes les librairies et points de vente de France.

Un premier constat tout d’abord : de la romance, en cherchant bien, on en trouve. Facilement, voire très facilement, dans les relais de gare et les grandes enseignes de supermarchés (Auchan/Leclerc Culture/Carrefour/Monoprix). En faisant ses courses, on achète la romance comme un produit de consommation. Souvent, le genre de la romance bénéficie d’un rayon dédié, plus ou moins grand selon la taille du supermarché. Parfois même, certains titres ont droit aux têtes de gondole (E. L. James, Anna Todd, ou plus récemment, Audrey Carlan).

Dans les grandes enseignes culturelles, les romances sont souvent reléguées dans un coin nommé « littérature sentimentale » (Fnac/Gibert Jeune/Le Furet), « romance sentimentale » [sic] et/ou « romance adulte » (Cultura) ou même « littérature érotique » (Gibert Joseph). Encore une fois, la place que prend ce rayon dépend de la superficie du magasin. Cependant nous avons pu constater que dans des enseignes dont l’installation est récente, le rayon romance est bien mis en avant (Cultura Vill’Up) et prend de l’ampleur.

Dans les librairies indépendantes, force est de constater que l’on trouve moins facilement de la romance, voire pas du tout. La librairie Atout Livre dans le 12e arrondissement de Paris la classe, par exemple, dans la catégorie « Littérature traduite », et la range en dessous de table, avec une visibilité très réduite (et un choix bien mince).

D’autres librairies choisissent, fort heureusement, une voie plus audacieuse, à l’image de la superbe La Galerne, au Havre, qui classe les romances avec les autres genres, et par ordre alphabétique, s’il vous plaît. C’est donc tout naturellement que l’on trouvera Mary Balogh (J’ai lu pour elle) non loin de… Balzac, par exemple. Plus percutant : Maya Banks (J’ai lu pour elle/Milady) taquine Russell Banks. On aimerait vraiment voir plus d’initiatives de ce genre, qui rendent la romance accessible, et surtout la valorisent (enfin !) au rang de littérature, tout simplement, et pas de sous-genre ou de sous-catégorie.

Et, pour conclure avec une bonne nouvelle, la romance sera à nouveau à l’honneur, cette année à Livre Paris, comme en 2013, notamment à travers une conférence animée par Sophie Quitteville qui accueillera la reine du genre, à la française, Emily Blaine, et la Britannique Jojo Moyes, publiée en France chez Milady, notamment. Pour tous les amoureux de la romance, un rendez-vous à ne pas manquer !

© Crédit Photos : Mekkia Bennama et Claire Saïm pour Onirik.net