Christophe Boulier

Biographie

Comment s’est fait votre rencontre avec le violon ?

Bien que n’ayant pas eu de parents musiciens à proprement parlé, j’ai suivi l’exemple du « grand frère » Régis, de 4 ans mon aîné. Extrêmement doué tant pour le violon que pour le piano, celui-ci a obtenu le 1er Prix de Solfège Spécialisé du CNSM de Paris… à 12 ans !
Régis a par la suite choisi une autre voie et est devenu professeur d’aikido. Cependant, il a conservé une prodigieuse – et redoutable – capacité d’analyse de la musique et de ses interprètes.


Quel parcours avez vous suivi (école, conservatoire, …) ?

Mon parcours musical est resté relativement traditionnel, avec tout d’abord le CNR d’Aubervilliers La Courneuve, puis le CNSM, les master-classes avec de grands maîtres étrangers tels que Sebok ou Gingold en musique de chambre, etc. (Tous les détails figurent sur le site, au chapitre biographie…)

Combien d’heures pratiquiez-vous par jour d’entrainement et combien d’heures pratiquez-vous encore ?

Lorsque j’étais étudiant au CNSM, mon professeur (Maître Nérini) veillait à ce que ses élèves abordent un maximum de répertoire lors de leur passage dans sa classe, notamment l’intégralité des Caprices de Paganini, des Sonates & Partitas de Bach, et les principaux grands concertos du répertoire. Cette excellente pédagogie nécessitait un minimum de 5 à 6 heures de violon par jour, avec des pointes à 8 heures durant les préparations des concours internationaux.
Aujourd’hui, l’expérience acquise grâce à ce travail me permet de diversifier mes activités musicales, avec les tournages & enregistrements, l’enseignement, l’organisation de spectacles, etc. Il me faut cependant maintenir une pratique de plusieurs heures quotidiennes, ne serait-ce que pour maintenir des capacités physiques indispensables à cette activité qui reste éprouvante.

Quand on atteint un niveau tel que le vôtre, quels sont les défis qui restent dans la vie d’un violoniste ?

Les violonistes ont la chance d’avoir un répertoire si vaste que toute une vie ne suffirait pas à l’aborder intégralement. C’est une richesse mais aussi une frustration… Il faut constamment faire des choix dans les programmes. Certaines grandes œuvres nécessitent plusieurs années de préparation et de « mûrissement ». C’est le temps qui nous manque le plus.

Composez vous ? Et si oui, vos compositions ont-elles déjà été jouées en public ?

Je ne compose pas, car je ne me sens pas capable de produire des œuvres d’un niveau suffisant pour être produites en public. Je regrette cependant qu’il n’y ait plus autant de collaboration entre compositeurs et interprètes, comme elle existait par le passé entre Brahms et Joachim, par exemple.

Paysage musical

Ce qui surprend le plus dans votre jeu c’est le plaisir qui rayonne sur votre visage. Est-ce un masque au stress ou alors votre joie de jouer est telle vous ne pouvez vous empêcher de la communiquer ?

Le concert est pour moi avant tout une fête. Une confluence extraordinaire entre les compositeurs, les interprètes et le public (sans oublier tous les autres acteurs sans lesquels aucun spectacle n’existerait : organisateurs, facteurs d’instruments, éditeurs de partitions, éclairagistes, etc. La liste est immense et le moindre défaut de cette chaîne peut, à chaque instant, tout faire capoter ! C’est pourquoi le concert reste un moment d’exception, d’une fragilité extrême, et dont il faut profiter au maximum… ce qui ne veut pas dire que de multiples contrariétés ne peuvent survenir avant, pendant, ou après ces concerts (problèmes de chauffage, de corde cassée, d’acoustique… là aussi la liste est longue ) !

Que pensez vous des violonistes comme Vanessa Mae ou André Rieu par exemple qui, bien que maitrisant leurs instruments, semblent avoir choisit la facilité en s’adressant au grand public ?

S’adresser au « grand public » est une démarche extrêmement valorisante en soi ! Faire découvrir ce monde ce monde extraordinaire qu’est la Musique à un public non averti est un devoir pour tout musicien qui se respecte (pourrions-nous par exemple envisager un film sans musique ?). Le problème est ailleurs. La question serait plutôt : faut-il introduire une démarche pédagogique dans les programmes destinés au « grand public » ou simplement chercher à en tirer le plus gros profit commercial possible ? Chacun est libre de sa réponse.

Et que pensez vous de violonistes comme Leila Josefowicz qui, bien que moins populaire dans le grand public, a signé très jeune avec une major et dont le niveau semble stagner depuis ?

De nombreux jeunes et talentueux interprètes ont, de tous temps, été victimes d’un système « artistico-commercial » où le musicien est réduit à l’état de « produit » de consommation soumis à une rentabilité immédiate… Je ne connais pas suffisamment Leila Josefowicz pour savoir ce qu’elle recherche dans sa vie de musicienne mais, si l’on se réfère – par exemple – aux listes de tous les 1ers Prix de concours internationaux (tous instruments confondus) et que l’on examine la « carrière » de chacun d’eux, il apparaît clairement que la plupart sont restés dans l’anonymat ! Cela dépend de la chance, de l’argent (mais oui, mais oui ), des compromis, des relations… de bien d’autres chose que du talent !

Quels violonistes, jeunes, ou moins jeunes, que vous avez rencontrés, vous ont le plus marqué, tant par leur jeu que par leur personnalité ?

Depuis mon plus jeune âge, j’ai eu la chance de « baigner » dans le monde musical, d’assister à des concerts, d’écouter des disques… cela forme le goût, les préférences… Je me souviens de concerts remarquables de violonistes tels qu’Aaron Rosand ou Pierre Nérini, qui n’ont pas, eux non plus fait la carrière qu’ils méritaient. Fort heureusement, il reste quelques documents filmés ou enregistrés qui permettent d’apprécier les grands Maîtres du passé : Nathan Milstein, David Oïstrakh, Christian Ferras, Jascha Heifetz…
Actuellement, je regrette que bon nombre de jeunes interprètes privilégient exagérément la propreté technique à la personnalité du discours musical. Il est parfois risqué de tenter une glissade, un vibrato ou un doigté scabreux pour exprimer une émotion particulière… et bien plus facile de rester dans un confortable « mezzo-forte » quelque peu aseptisé.

Questions techniques

De combien d’heures de répétition avez vous eues besoin pour être capable de jouer le 24ième Caprice de Paganini sans partition ?

Il est difficile de quantifier le temps que l’on passe à « monter » une œuvre, car on ne peut imaginer arriver à une quelconque « perfection » utopique. Je pourrais cependant qu’il m’a fallu environ 2 ans pour préparer le tournage du DVD des 24 Caprices et les récitals qui ont précédé celui-ci.


Quel est la longueur de votre archet ?

Environ 74 cm. C’est en fait le poids qui varie quelque peu dans un archet. La norme se situe entre 58 et 63 grammes. Mes archets font environ 63 grammes.

Dans votre jeu, au demeurant fluide et rapide, on ressent comme une légère tension dans le poignet droit, tension compensée par votre dextérité digitale. Est-ce un a priori de novice ou l’avez vous identifiée aussi ?

Lors du concert auquel vous avez assisté, j’étais grippé et fiévreux, avec la désagréable impression d’avoir des doigts en coton… Il faut cependant faire tout son possible pour satisfaire un public qui a fait l’effort de se déplacer, et qui a fait confiance aux artistes qu’il vient écouter. Certains concerts sont parfois moins « confortables » que d’autres.

Jouez vous d’autres instruments ?

Non. Le violon me prend tout mon temps. Ah ! Si je pouvais avoir des journées de 35 heures !

En conclusion, quels conseils donneriez-vous à des jeunes violonistes attirés par le métier ?

De le faire par passion pour la Musique, d’avoir une vocation de générosité envers le public, et éventuellement envers les élèves, mais surtout pas par ambition de gloire et d’argent.
Travaillez POUR la Musique, et ne cherchez pas profit à travers elle.